Les Suédois ont toujours été doués pour le rock, mais on ne les connaissait pas aussi bons dans le post-punk électronique. En effet, hier soir, Agent Side Grinder ont pris possession de la salle du Café de la Danse tels des Vikings tout juste débarqués de leurs drakars.

Le leader du groupe, Kristoffer Grip, un baryton à bout de nerfs monte le dernier sur scène, le show commence. Sa voix est caverneuse et lourde, ciselée par sa danse de dément flamboyant qui hante les synthés vrillés. En quelques minutes ils ressuscitent l’esprit des caves underground du Londres de 81. La hargne du post-punk se mêle à l’amour que portent ces musiciens à l’électronique primitive et minimaliste. L’opposition du digitale et de l’organique évoque une confrontation entre passé et futur. Leur production est pourtant contemporaine, puissante et précise. De ces sonorités s’extirpent une ambiance glaciale, un monde en noir et blanc qui n’est que hangars désaffectés et docks déserts et que l’on retrouve dans la cold-wave sèche de Joy Division. Leur style au sens de la structure aiguisé et au timing parfait, se réinvente sans cesse, toujours construite autour d’une ligne de basse omniprésente, de rythmiques mécaniques et de synthés absorbants. Le clou du show étant Mag 7 et son magnifique break, mais aussi l’ultra-prenant Rip Me, que le chant vient souligner à l’encre noire, rappelant au passage certains classiques de Depeche Mode. Ce soir ils jouent deux nouveaux titres et les morceaux ont beau sembler répétitifs, ils accrochent irrémédiablement, s’arrêtent toujours au bon moment et ces répétitions sont comme des coups de marteau au service de leur noirceur.Très vite, on est aspiré dans une profonde abysse métallique. Pour la 6e fois à Paris, Agent Side Grinder impose sa vision dérangée et dérangeante de la nouvelle vague Dark pop. Ils sont rappelés deux fois, et reviennent à la charge avec une véhémence sans commune mesure. Leur seule trace laissée ce soir est ce vague souvenir de transe générale.

Par Jeff Le Marec
Crédit photo : Mattias Pettersson