Rio Uribe est un créateur autodidacte à la tête de la marque new-yorkaise Gypsy Sport, créée en 2012. Plus qu’une simple maison de mode, le label incarne une communauté dans laquelle chaque individu trouve sa place, qu’importe son identité. Gypsy Sport prône une mode non genrée et libre qui donne la parole à une diversité magnifiée.

Interview Marie Zawalich

Gypsy Sport SS18

Peux-tu m’en dire plus sur toi et ton parcours ?

Rio Uribe : Je suis un citoyen du monde, né aux États- Unis, j’ai grandi avec la double culture mexicaine et basque. Plus jeune, j’ai travaillé pour beaucoup de magasins de prêt-à-porter, de Urban Outfitters à Gap. Puis, j’ai intégré la maison Balenciaga durant six ans, en tant que stockiste puis comme visual merchandiser. C’était une belle expérience mais ce n’était pas mon rêve. J’ai démissionné en 2012 pour créer ma propre marque de casquettes de baseball nommée Gypsy Sport. L’été dernier, j’ai eu la chance d’intégrer en stage la Maison Margiela sous la direction du maître John Galliano. J’apprends encore beaucoup et ma marque grandit petit à petit.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler dans l’industrie de la mode ?

RU : J’ai toujours été attiré par les styles non conventionnels et j’aime les personnes qui s’expriment au travers de leurs vêtements. J’ai compris ce que les gens cherchent quand ils achètent des vêtements : certaines personnes achètent pour acquérir un statut social, certaines pour la qualité et d’autres par nécessité. Je m’intéresse surtout aux gens qui achètent des vêtements pour se démarquer afin de s’éloigner du courant dominant. J’ai choisi de travailler dans la mode afin de représenter ces individus.

Gypsy Sport SS18

Quelles sont tes principales inspirations pour Gypsy Sport ?

RU : J’aime examiner et admirer les vêtements d’anciennes cultures et sous-cultures. Par exemple, la garde-robe tribale d’Afrique de l’Ouest, les robes saris brodées d’or en pro- venance d’Inde ou les robes drapées orange des moines tibétains. Je m’inspire aussi de la culture urbaine underground et des gens qui font bouger les choses avec ou sans l’approbation de la société.

D’où vient le nom Gypsy Sport ?

RU : Le Gypsy Vanner est une belle et rare race de cheval et Gypsy Sport évoque une marque que vous pourriez trouver dans les années 90 ou dans un magasin discount. J’adore ça !

Ton logo est représenté par une planète, est-ce que les gens Gypsy Sport viennent d’un autre monde ?

RU : Oui, le logo ressemble à une planète mais nous ne venons pas d’un autre monde, nous créons juste un nouveau monde à partir de celui dans lequel nous sommes nés.

Gypsy Sport SS18

NOUS CRÉONS JUSTE UN NOUVEAU MONDE À PARTIR DE CELUI DANS LEQUEL NOUS SOMMES NÉS.” Rio Uribe

À quoi ressemblerait la planète Gypsy Sport si tu étais le président ?

RU : Dans mon monde idéal, les armes, la haine et le racisme seraient illégaux.

Les frontières entre la mode femme et la mode homme sont de plus en plus floues, que ressens-tu face à cela ?

RU : Ce que je préfère dans l’étude des cultures anciennes, c’est voir la façon dont les hommes et les femmes se sont habillés pendant des milliers d’années avant que n’arrive l’industrie de la mode. Les hommes portaient des robes, les femmes avaient des cheveux courts et les règles étaient presque totalement inversées. La seule limite qu’il peut y avoir entre les vêtements des hommes et ceux des femmes est celle que vous croyez être.

Gypsy Sport SS18

Qu’est-ce que tu aimerais voir plus dans la mode masculine ? Qu’est-ce qu’il manque selon toi ?

RU : L’individualité.

Quelle est la chose la plus sexy dans la mode masculine ?

RU : La confiance en soi est sexy, notamment dans les choix vestimentaires en tout genre. Ceux qui prennent des risques sont mes préférés. Je m’ennuie quand les choix stylistiques sont parfaits et évidents.

Au contraire, quelle est la chose la moins sexy dans la mode féminine ?

RU : Une marque de mode qui ne sélectionne que des femmes blanches pour ses défilés.

Dans ton dernier défilé SS18, les hommes portaient des robes et des jupes et montraient fièrement leur corps dénudé. Comment vois-tu le futur pour la mode masculine ?

RU : Beaucoup d’hommes qui ont défilé pour moi portent déjà des robes dans la vraie vie et sont fiers de leur corps. En tant que designer, j’aime voir de vraies personnes porter fièrement mes créations. En tant qu’homme, on m’a toujours dit que mon corps devait être caché ou emprisonné dans des jeans et des t-shirts. Mais si je veux montrer mes épaules ou mes jambes, pourquoi n’est-ce pas normal ? Pourquoi une fille devrait être féminine et sexy ? Beaucoup de mes amies sont plus dures que moi et s’habillent comme elles l’entendent.

Gypsy Sport SS18

Quelles ont été tes influences pour ta collection SS18 ?

RU : Cette collection est entièrement consacrée au bricolage et comprend des notions de recyclage et de résurrection. La culture du « Do It Yourself » consiste à utiliser ce que vous avez déjà afin d’améliorer quelque chose. Je n’ai utilisé que des matériaux recyclés donc il y eu peu de gaspillage. J’ai collecté de vieux jeans, des articles ménagers, des chemises pour hommes ainsi que la vieille robe de mariée de ma mère. Puis, mon équipe et moi avons découpé les vêtements pour les réassembler aussi élégamment que possible.

Gypsy Sport SS18

Pour ton dernier défilé à Paris, tu as créé une robe avec des statuettes à l’effigie de la Tour Eiffel (celles qui sont vendues aux touristes habituellement). Tu aimes la ville ? Tu te sens plus comme un touriste ou comme un vrai Parisien quand tu voyages à Paris?

RU : J’aime Paris. Cette robe est une ode à toutes les personnes qui visitent Paris et qui tombent amoureuses de la Tour Eiffel. Je ne me sens plus comme un touriste ici car j’ai beaucoup d’amis et je pourrais vraiment y vivre. D’ailleurs, peut-être que je le ferai un jour.

Quelles sont les plus grandes différences que tu as pu observer dans la rue entre la mode française et américaine ?

RU : La plus grande différence est que l’Amérique est plus libre et libérale dans ces choix stylistiques. Les Français sont très à l’aise dans un style traditionnel et prennent moins de risques. Mais tout cela est en train de changer à présent, n’est-ce-pas ?

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