Disons-le d’emblée histoire de balayer le sujet, Eliot Pauline Sumner alias Coco Sumner, au-delà d’être la frontgirl du groupe I Blame Coco, est la fille de Sting. Main- tenant que les présentations sont faites, intéressons-nous un peu au personnage…

 Elle vient de fêter ses 20 ans mais fait preuve d’une grande maturité, présente un visage de poupon, une timidité presque maladive, une attitude parfois masculine, et sa voix grave n’est pas sans rappeler celle de son paternel. sous les feux de la rampe depuis un paquet d’années, elle n’en reste pas moins une jeune musicienne comme les autres : ambitieuse, portée par un besoin de vivre la passion qu’elle s’est efforcée de pratiquer à l’ombre de celui qu’on connaît, transformée quand il s’agit de monter sur scène. Pourtant, on sent coco un peu encombrée par son héritage familial : si elle accepte de l’évoquer, jouant le jeu des journalistes, elle s’arrange pour n’en rien dire. celle qui a été mannequin pour Burberry par ce qu’elle qualifie de « besoin » revendique être venue à la musique par elle-même, occultant sans doute que ce champ artistique a entièrement fait partie de son éducation. meurtre symbolique du père en forme d’égratignure, bien naturel vu son jeune âge. un banc de london Park et quelques clopes firent donc l’affaire pour entamer la discussion à l’occasion de la sortie du premier album du groupe, The Constant. 

Tout d’abord, bon anniversaire !
(En français) Merci ! merci beaucoup !

Oh, tu parles français ?
Un petit peu. Je l’ai appris à l’école, de 5 à 15 ans, mais mon français est un peu rouillé… J’adore la France et les films français.

Pourquoi donc ce nom, I Blame Coco ?
C’est le nom de la première démo que j’ai sortie, quand j’avais 17 ans. J’avais économisé de l’argent pour en sortir 500, je prenais mon vélo pour les distribuer dans les magasins de disques de londres. J’écrivais sur chaque démo « i Blame coco », et c’est resté depuis…

Tu es donc passée par la galère et la débrouille, comme tous les groupes naissants ?
Oui, je joue depuis longtemps déjà. J’ai commencé par des live chez des barbiers à Londres. J’essayais de trouver d’autres concerts à gauche à droite. on a réussi à se faire remarquer après quelques années et puis… voilà, on est là ! 

Tu as commencé à jouer de la musique en secret dans ton coin quand tu étais toute jeune…
C’était quelque chose que je pouvais garder juste pour moi, ce qui rendait ça vraiment spécial. Plus tard, j’ai commencé à jouer devant des gens, pour tester les réactions…

Tu avais peur du jugement ?
Non, pas vraiment. Je n’ai jamais eu peur des jugements, tout le monde a le droit d’avoir sa propre opinion, des choses différentes à dire à propos de la musique. Pour moi, la question c’était surtout de garder un jardin secret.

Quand as-tu décidé de te focaliser sur la musique ?
Ca a toujours été le cas, j’ai toujours été obsédée par la musique. 

Tes mentors sont Ian Brown et Plan B : quelles sont tes rela- tions avec eux et que t’ont-ils apporté musicalement ?
Je les vois de temps en temps, je suis une grande fan des deux. ce qu’a fait ian Brown dans les années 1990, quand j’étais gosse, est juste énorme. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour lui, il est toujours là, c’est le boss ! Ben (Plan B) m’a quant à lui beaucoup soutenue. J’adore sa musique et il est vraiment cool.

Tu sembles très proche de lui.
C’est quelqu’un que j’admire. il est vraiment brillant, j’adore ses paroles. son nouveau son aussi, très motown. Pour moi, c’est un des paroliers les plus talentueux de notre génération.

Quelle est la signification du titre de l’album, The Constant ?
Ca représente bien l’idée d’album en tant qu’œuvre globale. ça a un côté mécanique, mathématique, un rapport au temps.

Combien de temps as-tu mis pour le faire ?
J’écris des chansons depuis toujours. avant, je composais titre après titre en essayant différentes choses, sans vraiment construire une œuvre dans son ensemble. le processus s’est développé depuis, un peu comme on grandit je suppose… Je ne saurais pas vraiment dire combien de temps ça a pris.

Ton frère, Joseph Sumner, est également musicien et leader de Fiction Plane.
J’ai de supers relations avec lui. J’ai grandi en écoutant sa musique et son groupe. il est pour beaucoup dans le fait que j’aie choisi cette voie-là. Quand j’étais plus jeune, j’avais l’habitude d’aller à ses concerts, je lui répétais souvent « je veux faire ce que tu fais ! ». il est très calme quand tu le rencontres dans la vie, sur scène c’est une tout autre personne, avec tant d’énergie…

Peut-être voulais-tu rechercher à ton tour cette énergie…
La présence scénique, c’est vital pour être un artiste accompli, sinon, c’est juste comme si tu écoutais un disque ! Je deviens folle sur scène : toute cette nervosité et cette excitation… Je m’amuse tellement !

Tu voudrais faire quelque chose avec lui ?
Oui, vraiment. il est rarement en angleterre ces derniers temps, avec les tournées et tout. mais si on trouve l’occasion, j’aimerais beaucoup. 

Quant à ton père, il me semble que tu avais déjà dit que ça ne serait pas envisageable…
Non. il a ses projets de son côté et moi les miens. on s’aime, mais il faut savoir séparer la musique, le business et les sentiments. c’est important en toute situation.

A-t-il écouté ton album ?
Je lui ai envoyé il y a peu.

Qu’en a-t-il pensé ?
Il a fait comme ça (elle lève le pouce), c’est donc bon signe !

Tout le monde te parle constamment de ton père, ça ne t’agace pas trop ?
Je trouve ça frustrant. D’un autre côté c’est un challenge de faire taire les sceptiques. leur faire écouter ma musique et les conver- tir. Peut-être, avec un peu de chance, que les gens vont finir par vraiment écouter le disque et arrêter de toujours penser à mon background familial…

Avec quels artistes voudrais-tu collaborer ou jouer ?
J’aimerais beaucoup faire quelque chose avec Ben, mr B. ce serait énorme. avec spank rock aussi, j’apprécie vraiment ce qu’ils font. sinon, s’il n’était pas mort, Ian Dury sûrement : c’est l’un de mes artistes préférés. son travail était incroyable : réussir à regrouper toutes ces influences en une seule chose…

Si tu devais être une icône punk, qui serais-tu ?
Probablement un mix entre iggy Pop et Blondie (elle réfléchit)… oui, ça me semble être un bon mélange. ils ont d’ailleurs fait une chanson tous les deux il me semble (« Well, Did You evah », ndlr).

Comment définirais ­tu ton style vestimentaire ?
Je n’en ai absolument aucune idée… anglais peut-être, tout simplement. J’aime bien les fringues d’homme, aussi.

Quelles sont tes passions, à part la musique ?
J’adore cuisiner, notamment la cuisine française. Je lis et j’écris énormément. J’ai également fait une école d’art, où j’ai beaucoup peint.

Si tu devais choisir un titre pour te réveiller, un autre pour danser et un dernier pour te coucher…
(Elle hésite longuement) C’est difficile ! Pour me lever, « reasons to Be cheerful » de ian Dury & the Blockheads. Pour danser… « together in an electric Dream » de human league (titre solo de Philip Oakey, leader de Human League, ndlr). Pour me coucher… probablement « moan » de Trentemøller.

Tu as travaillé avec Sub Focus (sur le titre « Splash »), plus proche du milieu de l’électro et de la drum and bass. Quelles sont les directions musicales que tu envisages de prendre dans le futur ?
Je voudrais plutôt me diriger vers quelque chose de symphonique. Bosser avec tout un orchestre, un tas de cordes. J’écoute beaucoup de musiques de films aussi, ça m’influence en ce moment. J’aime- rais bien pouvoir intégrer cela à mon prochain album.

Tu travailles déjà sur de nouveaux projets ?
Oui, j’écris tous les jours. Je suis toujours en train de chercher de nouvelles idées.

Tu disais avoir été très influencée par le reggae, tu crois que tu pourrais tenter quelque chose dans ce style ?
Peut-être. Je jouais pas mal de reggae avant. J’en écoute toujours beaucoup. même si ça n’est pas immédiat, je crois qu’on peut retrouver quelques influences dans mon album.

As-tu un titre préféré sur le disque ?
C’est la dernière chanson, « it’s all about to Get Worse ». 

Une touche de rock, des sons eighties et électro… Tu n’as pas un peu formaté ton son pour que ce soit plus commercial ?
Non. J’écris juste des chansons, je n’essaie pas de plaire à tout prix, même si c’est important d’attirer des gens vers sa musique. c’est pour ça qu’on la fait… Je ne fais pas ça pour la fortune ou la célébrité. J’aime la musique plus que tout, c’est ce que je fais de mieux et c’est ce que j’ai toujours fait. même si je perds mon statut d’artiste signée sur un label, je continuerai à faire ça de toute façon. après, si des gens achètent le disque, tant mieux !

I Blame Coco, The Constant (AZ/Universal) 

Propos recueilli par Francois Rohmer