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Le 30 mai 2025, Damso a dévoilé BĒYĀH, son sixième et dernier album studio, marquant la fin d’une ère musicale. Au-delà de sa musique, l’artiste belge a toujours été un caméléon stylistique, reflétant son évolution artistique à travers son apparence. Explorons l’ensemble des ces métamorphoses.
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Batterie faible, 2016
Certains commencements frappent l’esprit. Batterie faible agit comme une déflagration dans le rap francophone : Damso y expose ses doutes, ses dérives et ses traumatismes, sur fond de productions à la fois minimales et envoûtantes. La sexualité y est dépeinte comme un mécanisme de survie, le racisme comme une donnée intégrée au quotidien, la dépression comme fil rouge invisible. Damso dresse le portrait d’un homme en construction, au bord de la rupture. Une œuvre dense, perturbante, essentielle.
Pour son premier album, Damso adopte une esthétique sombre et minimaliste. Le noir domine, symbolisant une introspection profonde. Il arbore également des t-shirts noirs de sa propre marque Rosemark. Il expliquera plus tard dans une interview pour GQ qu’il n’a pas aimé l’expérience : « je n’ai pas aimé, en fait. Parce que je ne m’y connaissais pas. Donc je me suis dit : “De 2018 à 2023, je vais étudier et comprendre la mode”. Il fallait que je connaisse le corps, les morphologies, pour ensuite pouvoir m’amuser ».
Cette période marque le début d’une profonde introspection, tant sur le plan musical que stylistique.
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Ipséité, 2017
Avec Ipséité, Damso passe un cap. Moins brut que son prédécesseur, l’album est construit comme un autoportrait kaléidoscopique, où chaque morceau explore une facette de son identité. Le succès populaire est fulgurant entre Macarena, Mosaïque Solitaire ou J Respect R, mais jamais au détriment de la cohérence artistique.
Damso y joue avec les sonorités, introduit des teintes afros, oriente sa plume vers la poésie noire et brutale. Le moi, toujours, comme point d’origine. Ces variations se ressentent dans son style vestimentaire. Il commence à intégrer des pièces plus audacieuses, tout en conservant une palette sombre. Il garde un style streetwear et urbain et accessoirise avec des chaînes, bagues, montres, lunettes… Damso n’est pas encore à la recherche d’une authenticité vestimentaire propre à lui, il veut surtout rester cohérent avec les propos de son album sombre, brut et harmonieux.
Cette période marque le début d’une transition vers une esthétique plus affirmée, reflétant sa montée en puissance dans le paysage musical francophone.
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Lithopédion, 2018
Titre conceptuel, ambiance clinique, introspection maximale. Avec Lithopédion , Damso pousse l’expérimentation encore plus loin. Le disque, réputé hermétique, est en réalité une radiographie poétique de son inconscient : phobies, paternité, sexe, spiritualité. Chaque piste est une strate mentale, une pièce d’un puzzle dont lui seul semble détenir le sens.
Le travail sonore y est chirurgical, les textes parfois obscurs mais toujours habités. Une œuvre étrange et fascinante. D’un point de vue esthétique, Damso opte pour une forme plus épurée et sophistiquée. Son style vestimentaire devient plus structuré, incorporant des éléments de haute couture. Cette évolution reflète sa volonté de se positionner comme un artiste mature et réfléchi, s’éloignant des codes traditionnels du rap.
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QALF Infinity, 2023
Longtemps attendu, QALF est un disque de tensions : entre le mythe et sa réalité, entre l’homme et l’artiste. Damso y explore une identité plurielle, de plus en plus marquée par la spiritualité et l’Afrique. Le flow se déleste, les productions deviennent plus fluides, comme si le rappeur cherchait à s’évaporer dans sa propre pensée. Le succès populaire est au rendez-vous 911, Cœur en miettes.
Extension naturelle de QALF, Infinity en est la clôture paradoxale : plus clair, plus dense, plus ouvert aussi. Damso y apparaît plus politique, plus frontal, notamment sur les questions identitaires, avec Vantablack notamment. Le verbe s’affûte, la musique se libère. Moins introspectif, plus universaliste, ce disque s’écoute comme une traversée entre l’homme qu’il était, et celui qu’il aspire à devenir.
Avec cet album, Damso adopte un style vestimentaire plus expérimental, jouant avec des textures et des coupes avant-gardistes. Cette période est caractérisée par une volonté de repousser les limites, tant musicalement qu’esthétiquement, s’inspirant de figures comme Kendrick Lamar dans sa quête artistique totale. On commence à voir le Damso haute couture, il porte des pièces plus rares, des bagues, colliers tribaux et bijoux plus symboliques souvent inspirés de l’Afrique de l’Ouest ou de symboles ésotériques. Il laisse pousser ses cheveux, portés en locks courtes ou mi-longues. Damso devient une vraie figure de la mode et s’impose de plus en plus comme un artiste avec un style à part entière, il devient prisé des grandes marques de hautes coutures.
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J’AI MENTI, 2024
Annoncé comme une surprise, J’AI MENTI de Damso, c’est un voyage intime. Sorti en novembre 2024, cet album de onze titres explore la vulnérabilité et la quête de vérité. Initialement prévu comme un EP, il s’est transformé en une œuvre complète, révélant la créativité débordante de l’artiste.
Avec des collaborations marquantes, comme celle avec Angèle, Damso tisse des récits profonds sur des beats envoûtants. CHROME, le premier single, ouvre la porte à un univers où les apparences sont souvent trompeuses. Laisse-moi tranquille se distingue comme un hymne poignant, capturant le désir de solitude et de paix.
Dans le morceau Limbisa Ngai, en collaboration avec Kalash Criminel, il explore de nouvelles sonorités et langues, notamment le lingala. Cette période marque une volonté de Damso de briser les codes et d’explorer de nouvelles facettes de son identité artistique. Damso, avec sa sensibilité, continue de repousser les limites, prouvant une fois de plus qu’il est un artiste incontournable de sa génération.
Son style vestimentaire devient plus audacieux. Damso est présent à plusieurs Fashion Week, notamment aux défilés de Balenciaga, JW Anderson et Acne Studio. Sa vision s’élargit et ses inspirations se précisent, il porte des pièces uniques et réalisées pour lui. Après la sortie de son album, Damso apparaît complètement métamorphosé. Il opte pour une esthétique futuriste et minimaliste. Il apparaît sans barbe, arborant des dreadlocks et des tenues à la Matrix fusionné avec Balenciaga. Cette transformation radicale suscite des réactions, notamment de Booba, qui critique ouvertement cette nouvelle direction stylistique.
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BĒYĀH, 2025
L’ultime album BĒYĀH confirme les promesses d’un aboutissement artistique. BĒYĀH se présente comme le point culminant de la carrière de Damso, une synthèse de son parcours artistique et personnel. Enregistré entre 2021 et 2025, l’album explore des genres variés tels que la pop-rap, le hip-hop alternatif, la trap et le G-Funk.
Contrairement à ses précédents albums, BĒYĀH se distingue par un nombre réduit de collaborations. L’unique featuring humain est avec Sarah Sey sur le morceau Pa Pa Paw, tandis qu’une intelligence artificielle intervient sur Magic.
Damso décrit BĒYĀH comme la conclusion de sa « thérapie musicale », affirmant avoir atteint le niveau artistique souhaité et être prêt à passer à autre chose. BĒYĀH est plus qu’un simple album ; c’est une œuvre introspective et expérimentale qui clôture avec élégance la carrière de Damso. En osant des choix artistiques audacieux et en se recentrant sur l’essentiel, l’artiste offre à son public un testament musical sincère et profond.
Stylistiquement parlant, Damso n’a plus rien à prouver, il est devenu une référence, l’audace est son maître-mot. Arborant toujours des teintes sombre et noir ébène, chaque élément de sa tenue est choisi avec intention, privilégiant la qualité et la signification plutôt que la quantité ou l’exubérance.
Avec BĒYĀH, Damso clôture son parcours musical en présentant une image mûrie et épurée. Son style vestimentaire en 2025 est le fruit d’une réflexion profonde, alignée avec les messages de son album : une quête d’identité, une fusion des influences, et une affirmation de soi à travers la simplicité et la symbolique. Damso a atteint son sommet, il ne reste plus qu’à voir ce que l’avenir lui réservera, qui sait, peut être directeur créatif d’une maison de haute couture.
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Damso a toujours su refléter son évolution artistique à travers son style vestimentaire. De l’ombre à la lumière, de la simplicité à la sophistication, chaque phase de sa carrière est marquée par une esthétique distincte. Avec BĒYĀH, il clôt un chapitre, laissant derrière lui une empreinte indélébile dans le paysage musical et stylistique francophone.
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BĒYĀH est disponible via Trente-quatre Centimes. En tournée Européenne.
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Texte Elisa Lehours
Image de couverture OJOZ