/

NEWS !

 

 

Il se surnomme lui-même « l’ambianceur d’atmosphère » — c’est dire s’il connaît l’art de la formule. Marc Cerrone, figure tutélaire du disco à la française, revient sur le devant de la scène avec un documentaire qu’il coproduit, diffusé sur Canal+ le 18 juin 2025. Un projet en forme de bilan, où l’homme se regarde en face, dans le miroir brisé d’une époque qui pulse encore sous ses pieds.

Supernature, son tube aux accents mutants de 1977, a retrouvé une seconde jeunesse après son passage en boucle à la cérémonie des JO et s’est hissé parmi les titres les plus écoutés de 2024, preuve qu’une bonne ligne de basse, c’est comme le vinyle, ça ne meurt jamais.

Comme si la boucle était bouclée : Cerrone revient, non pas dans la pénombre d’un revival nostalgique, mais porté par une actualité qui l’éclaire à nouveau. Le timing est parfait : l’exposition Disco, l’m coming out à la Philharmonie où sa batterie est exposée, celle sur le Clubbing au Grand Palais Immersif… et ce documentaire, qui tombe à pic.

Le film déroule les codes attendus du genre : récit à la première personne, images d’archives, interventions d’artistes contemporains venus saluer le maître. Nile Rodgers, Purple Disco Machine, Laylow ou Juliette Armanet lui rendent hommage avec sincérité. Pourtant, ce qui touche le plus, ce n’est pas le faste, mais la faille.

/

/

Cerrone s’y révèle plus tourmenté qu’on pourrait le croire : anxieux, perfectionniste, conscient de son propre narcissisme à l’époque de son apogée disco. On le suit dans les coulisses de son projet électro symphonique, dans ses sets de DJ infatigable, ou aux côtés de Rahim Redcar (ex-Christine and the Queens), avec qui il a enregistré un EP à venir. Le beat continue de vivre.

L’émotion affleure surtout quand il revient sur ses jeunes années : fils d’un immigré italien fuyant Mussolini, une enfance bouleversée, le pensionnat religieux, la séparation douloureuse d’avec ses frères et sœurs. Sa batterie, offerte par une mère dépassée par un jeune Marc rebelle, devient son refuge, sa respiration. « J’ai eu l’impression de rencontrer mon meilleur ami », dit-il. Cette phrase, à elle seule, résume l’homme : battant, mais jamais vraiment guéri.

On regrettera cependant l’absence de certaines figures clés de l’aventure Supernature. Ni Alain Wisniak, co-réalisateur et co-compositeur des premiers albums de Cerrone, ni Lene Lovich, qui adapta les paroles originales en français de Cerrone en anglais, ne sont mentionnés. Pas un mot non plus sur Kay Garner, voix de l’ombre du tube. À l’origine, la chanson s’intitulait Malligator, du nom du label fondé par Cerrone, avant que Lovich ne suggère le titre Supernature, plus évocateur. Une histoire collective, effacée au profit d’un récit plus personnel. Des silences qui interrogent, et qui rappellent que le disco est aussi une histoire collective. La lumière ne semble pas briller sur tout le monde.

/

Cerrone – Supernature video

/

Mais malgré ces manques, le documentaire touche juste. Il est à l’image de Cerrone : clinquant, oui, mais profondément humain. Un homme qui a traversé les décennies en s’accrochant à ses rêves, en bâtissant une famille autour de lui, ses enfants : Jeremy et Greg, sa femme depuis 20 ans Jill, et sa fille Maora, sa Community Manager, présentes à ses côtés dans le film.

Ce documentaire n’invente rien, mais il rappelle une vérité essentielle : dans chaque empereur disco, il y a un enfant qui frappe sur des fûts pour qu’on l’écoute. On peut sourire de son égo XXL, de ses poses de diva. Mais on ne peut pas lui enlever ça : Cerrone a mis le beat dans nos corps et de la lumière dans nos nuits.

 

Cerrone – Supernature, réalisé par Olivier Lemaire le 18 juin 2025 sur Canal+. Paradise, autobiographie en collaboration avec la journaliste Bee Gordon (2018) Editeur E/P/A.

/

/

Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Cyril Perronace