Tandis que les résultats de la dernière vente aux enchères d’Artcurial sont tombés, totalisant la modique somme de 1 364 585 € sur les œuvres d’un grand nombre de pointures du genre ; du côté de Londres, le pochoir emblématique d’un certain Banksy s’apprête à être arraché de son mur. Poussé au devant de la scène, le désormais très prisé art de l’ombre flirte sans conteste avec les sommets, mais à quel prix ?

Anciennement décriés, graffiti et street art tiennent le haut du pavé depuis maintenant quelques années, ainsi qu’en témoigne le succès quasi-innouï de la Tour Paris 13 en octobre dernier. Estampillé d’un plus convenable « art urbain contemporain » à la suite des expositions maîtresses Né dans la rue – Graffiti de la Fondation Cartier et T.A.G. au Grand Palais en 2009, le phénomène artistique jongle depuis lors entre sa notoriété grandissante et son illégalité par nature.

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Superman, Seen (2007). Toile vendue 58 840 euros lors de la vente Urban Art chez Artcurial

Incontesté, incontestable

A l’image des nombreux événements qui pullulent dans la capitale sur le sujet, les rendez-vous pris à l’Hôtel Marcel Dassault témoignent de la consécration de la pratique dans le giron de l’art dit « bien pensant ». Anciennement décrié, l’art sauvage semble, en effet, être devenu le chouchou du public comme des collectionneurs qui, loin d’y voir une dégradation préjudiciable se penchent désormais du côté du courant esthétique.

Aussi, au détour d’une promenade au rond point des Champs-Elysées, on s’amuse de croiser une foule de jeunes (et moins jeunes), venue admirer les performances live de Mist, Katre, Eyeone ou encore David Walker squattant le rez-de-chaussée du bâtiment grand luxe. Sans oublier ceux qui, grimpés à l’étage, lorgnent avec grand intérêt fresques et installations des dénommés Jonone, Seen, Ludo, Jace, JR et autres Miss Van.

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From Tags to Riches, Jonone (2008) 

L’art urbain a la côte

Pour autant qu’on se le dise, cet intérêt grandissant des acteurs du monde de l’art n’émerge pas du seul désir d’informer et conserver. En bonne place sur le marché, l’urbain compte parmi ces valeurs en plein essor que les investisseurs s’arrachent à prix d’or. Ainsi sous couvert d’une restauration douteuse, la société Sincura Group a décidé d’extirper la fameuse « Petite Fille au Ballon Rouge » de Banksy de sa façade londonienne.

Troisième opération du genre, l’initiative devrait être suivie d’une exposition « Stealing Banksy » dédiée à l’artiste, où le pochoir emblématique estimé à pas moins de 600 000 euros sera proposé aux enchères. Critiquée tant par les fans que par l’artiste lui-même – qui a gratifié l’entreprise d’un mignon « bande d’abrutis » sur son compte Facebook -, la démarche surprend sachant que le bonhomme, célèbre mais toujours anonyme, refuse de voir ses œuvres vendues.

En accédant au panthéon de l’art consacré, l’urbain aurait-il finalement vendu son âme au diable ? Force est de constater que si on s’interrogeait jusqu’alors sur la place de ce mode d’expression éphémère entre les quatre murs d’une galerie, aujourd’hui il en va davantage de sa revente et sa préservation in situ. Street art sauvage serait-il devenu art urbain déchu ?