Par une chaude soirée d’été à Paris, dans le calme enveloppant du studio Circonfex, Amay Laoni dévoilait en avant-première son troisième album, Le cœur des oiseaux de cendre. Un disque de seize titres aux couleurs pop organiques et électro sensibles, conçu dans une continuité artistique exigeante. À la fois autrice, compositrice et interprète, Amay Laoni signe ici un projet à la fois personnel et ambitieux, où s’entrelacent poésie, tension, lumière et introspection.

 

 

 

 

À ses côtés depuis le début de l’aventure, le musicien, réalisateur et co-compositeur Étienne Chagnon. Artisan discret, mais moteur fondamental du projet, il a accompagné la construction de l’album sur plusieurs années, entre Montréal et Paris. Nous l’avons rencontré après l’écoute intégrale de l’album pour évoquer les dessous de cette création au long cours.

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Étienne Chagnon ©Ari Lariviere

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Étienne, que représente cette soirée pour toi ?
C’est particulier. Je ne pensais pas me retrouver là. Je suis ce petit gars du Canada, qui fait ses chansons dans son coin, et là je suis à Paris, dans un super studio, à faire écouter le résultat de plusieurs années de travail. C’est touchant.

Qu’est-ce que tu ressens en entendant l’album dans ces conditions, en présence du public ?
Un mélange d’émotions. C’est une expérience forte, parce qu’on travaille longtemps en studio, dans l’ombre, et tout à coup, on est face à des gens qui écoutent. Et même si c’est Amay qu’on regarde – ce qui est normal et juste – c’est un peu toute cette construction sonore qu’on entend. C’est à la fois valorisant et vulnérabilisant.

L’album a été créé sur plusieurs années. Comment avez-vous structuré le tout ?
Il y a eu plusieurs phases. On est partis de chansons écrites dans la foulée de Le Tournant [l’album précédent], comme Plus qu’assez, puis d’autres sont arrivées plus tard, avec des approches différentes. Ce qui m’a aidé à donner de la cohérence, ce sont les interludes instrumentaux, que j’ai composés pour faire des transitions et créer un fil narratif sonore.

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Studio Circonflex Paris ©LFC

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Le résultat est justement très homogène, malgré des ambiances variées.
Merci. Ce n’était pas évident. J’ai parfois retouché légèrement les masterings pour lisser un peu certaines différences de traitement, mais sans chercher à tout uniformiser. Le plus important, c’était de garder l’identité de chaque morceau tout en construisant une écoute fluide.

Le piano semble jouer un rôle central dans cette recherche d’unité.
Oui, tout a changé quand on a acheté un piano à queue l’an dernier. Il est devenu un élément fondamental de notre manière de composer. Ça a ramené une forme d’authenticité sonore. Même les petits bruits – comme les cordes pincées à la main au début de D’ici – sont devenus des éléments musicaux en soi.

Après ces deux séances d’écoute en studio, quel regard tu portes sur l’album ?
Je dirais que j’ai redécouvert certaines choses. Il y a des moments où je me suis dit : « Ah oui, j’ai fait ça ? ». Je repère des idées de mix, des choix de spatialisation, des petits détails. Et je me dis parfois que j’aurais dû prendre des notes à moi-même : « ça, refais-le », ou « ça, plus jamais ». C’est une forme de réanalyse. Je ne dirais pas que j’ai encore du plaisir à l’écouter, mais ça m’intéresse toujours, parce que je me vois travailler à travers l’album. Le plaisir brut de l’écoute est peut-être moins là après autant de temps passé sur le projet, mais j’y trouve encore de l’intérêt. Et je suis content du chemin qu’on a parcouru.

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Plus qu’un simple duo créatif, Amay Laoni et Étienne Chagnon incarnent une forme rare d’artisanat musical, patient et sincère. À la ville comme à la scène, leur complicité nourrit chaque morceau, chaque texture sonore de l’album. Le cœur des oiseaux de cendre est le fruit de cette alchimie : un disque minutieusement façonné à quatre mains, où la sensibilité de l’un complète la vision de l’autre, même si d’autres collaborations émaillent l’album comme Terrier sur Demesurée. Il en ressort une œuvre cohérente et habitée, portée par deux artistes dont l’intégrité humaine n’a d’égale que la finesse du geste musical.

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Le cœur des oiseaux de cendre est disponible via Oblik Records.

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Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Camille Gladu Drouin