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Joe Keery, alias Djo, n’est plus seulement l’ado à la tignasse impeccable de Stranger Things. Avec son troisième album, The Crux, il s’affirme comme un véritable artisan du son, échappant aux carcans de l’acteur qui fait de la musique pour flatter son ego. Dès ses débuts avec Post Animal (qui seront en opening sur sa tournée) puis en solo sous l’alias Djo, Keery a su déconstruire les attentes pour livrer une musique hybride, oscillant entre rock psychédélique, synthwave et pop nébuleuse. « Quand j’ai commencé avec Post Animal, j’étais surtout là pour apprendre. J’étais entouré de musiciens incroyables et j’ai observé, absorbé tout ce que je pouvais », confie-t-il. Ce passage dans un groupe rock psychédélique de Chicago lui a permis d’aiguiser son oreille et d’expérimenter avec les structures et les textures sonores. Mais c’est en solo qu’il trouve sa véritable identité musicale : « Avec Djo, j’ai enfin pu explorer mes propres obsessions sonores, sans contrainte, sans devoir entrer dans un moule précis ».
Après Twenty Twenty et Decide, ce nouvel opus pousse encore plus loin l’exploration sonore. Là où son précédent album transpirait une fascination pour les textures synthétiques et les beats saccadés, ce troisième volet déploie une production plus organique. On y retrouve une influence marquée de Tame Impala ou des Pink Floyd, mais avec une touche personnelle qui évite le simple pastiche. L’album baigne aussi dans une atmosphère résolument vintage, inspirée du son des années 60/70, un choix assumé par Keery : « J’ai toujours été fasciné par la façon dont les disques de cette époque sonnaient. Il y avait une chaleur, une spontanéité qui se perd parfois dans les productions actuelles. J’ai voulu retrouver cet état d’esprit, capturer cette essence ».
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Les guitares y sont plus présentes, mêlées à des lignes de basse rondes. Keery joue sur des contrastes forts : des morceaux planants qui rappellent l’éther musical de MGMT se heurtent à des riffs nerveux et des percussions plus viscérales (Link et Gap Tooth Smile). Charlie’s Garden, quant à lui, est du pur Beatles. On perçoit des touches d’Electric Light Orchestra dans certains arrangements foisonnants, où les chœurs et les envolées instrumentales créent une atmosphère cinématographique, un son de batterie à la Fleetwood Mac ou des harmonies vocales à la Beach Boys. Une partie des titres a été écrite alors que Keery tournait la cinquième saison de Fargo à Calgary. Mais c’est en collaboration avec Adam Thein qu’il les enregistrera dans les Electric Lady Studios de New York.
Côté textes, l’album confirme une introspection sincère, abordant les doutes d’un artiste pris entre deux mondes, celui du cinéma et celui de la musique, sans jamais sombrer dans le cliché de la rockstar torturée. « On me demande souvent si je suis un acteur qui fait de la musique ou un musicien qui joue dans des films. Honnêtement, je ne me pose plus la question. Tout ce que je sais, c’est que la musique a toujours été là, bien avant le reste. » Ce troisième album semble être sa réponse définitive à ces interrogations, affirmant une identité musicale qui s’émancipe de l’étiquette hollywoodienne.
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S’il fallait trouver un point faible, ce serait peut-être une certaine redondance dans les structures des morceaux, une tendance à étirer certaines idées plus qu’il ne le faudrait. « J’aime prendre mon temps pour développer une atmosphère, mais j’essaie aussi de ne pas perdre l’auditeur en route », reconnaît-il. Cela dit, l’ensemble est suffisamment captivant pour qu’on se laisse porter, prouvant que Keery n’est pas juste un acteur qui joue au musicien, mais bien un créateur à part entière.
Avec ce troisième album, Djo signe une œuvre mature, confirmant que sa trajectoire musicale est bien réelle. Une belle confirmation pour un artiste qui a encore beaucoup à dire. Et surtout, un musicien qui, avec chaque nouvel album, s’éloigne un peu plus du statut de curiosité pour s’imposer sur la scène alternative.
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The Crux est disponible via Djo Music/AWAL Recordings. En concert à Paris (Elysée Montmartre) le 23 juin 2025.
Texte Lionel-Fabrice Chassaing
Image de couverture Neil Krug