Alors qu’on attend avec impatience son deuxième album pour la fin de l’été, le jeune artiste pop australien qui n’a pas froid aux yeux nous a déjà gratifiés de plusieurs extraits, dont l’énorme hit « My My My !», une ballade à la Sufjan Stevens intitulée « The Good Side » et dernièrement « Bloom », un tube pop sans équivoque au style 80. On a rencontré Troye Sivan lors de son passage à Paris pour en savoir un peu plus sur ce véritable phénomène à part dans la pop actuelle.

Tu as publié ta première chanson en 2014, il y a à peine quatre ans de cela, les choses sont allées plutôt vite pour toi.
Oui, c’est vrai. J’ai énormément travaillé mais je pense que j’ai eu aussi beaucoup de chance. Je crois que, dans ce milieu, c’est à la fois une histoire de talent, de timing et de bon entourage.

Quand as-tu eu ce déclic concernant la musique ?
Dès l’âge de trois ans je voulais être chanteur et ça n’a pas changé depuis. Mais c’est vers douze ans que tout s’est vraiment confirmé pour moi.

Y a-t-il un artiste qui soit une référence pour toi dans ta carrière ?
Il y a tellement d’artistes que j’admire ! Mais je serais incapable d’en citer un en référence car mes envies changent et je ne sais même pas vers quel type de carrière je veux m’orienter dans le futur. C’est comme si mes envies et ma carrière suivaient une sorte d’évolution constante. Par exemple, j’ai participé au film Boy Erased de Joel Edgerton aux côtés de Nicole Kidman, Russell Crowe, Lucas Hedges, Xavier Dolan et Michael Peter « Flea » Balzary (du groupe Red Hot Chili Peppers) : je n’aurais jamais cru cela possible il y a encore un an.

 

D’ailleurs, tu as su allier musique et cinéma avec le titre « Strawberries and Cigarettes », B.O. du film Love, Simon, l’histoire du coming out forcé d’un jeune ado qui sort en salles ces jours-ci en France.
J’avais d’abord écrit cette chanson pour mon premier album Blue Neighbourhood, après une session d’écriture avec le producteur Jack Antonoff du groupe The Bleachers. D’ailleurs, je me souviens que cette session de travail avec Jack était celle qui m’avait rendu le plus nerveux depuis mes débuts. Quand Jack a travaillé sur la B.O. de ce film, il s’est souvenu de la chanson et on l’a retravaillée. Finalement, elle occupe une place particulière dans le film et j’en suis très heureux car j’aime beaucoup ce film.

Participer à d’autres projets cinématographiques t’intéresserait ?
Oui, mais c’est aussi assez effrayant pour moi car, lorsqu’il est question de musique, je sais ce que je veux et où je vais alors que, pour le cinéma, il s’agit de s’intégrer au projet de quelqu’un d’autre et de se mettre à son service. C’est assez déstabilisant pour moi qui ait peu d’expérience en la matière mais j‘avoue que c’est aussi très excitant. 

Que s’est-il passé depuis ton premier album Blue Neighbourhood ?
Ma façon d’écrire a changé, j’ai bien progressé de ce côté-là. J’ai mis un an et demi à écrire le premier album contre huit ou neuf mois pour le deuxième. J’ai appris à obtenir ce que je veux bien plus vite qu’à mes débuts et avec beaucoup moins de stress – ce qui est vraiment une bonne chose. J’ai pris bien plus de plaisir à écrire cet album que le premier. J’ai travaillé avec des producteurs que j’admire depuis longtemps. J’ai aussi réalisé cet album avec mes amis. On a passé des bons moments et je crois que cela fait toute la différence dans les chansons, ça s’entend.

La grande nouvelle te concernant, c’est ce fameux duo avec Ariana Grande dont tout le monde parle…
Ah oui ! On a d’abord été amis par téléphone. C’est elle qui m’a appelé car on était censés partir en tournée ensemble et elle voulait qu’on en discute avant. Finalement, cela ne s’est pas fait mais on est restés en contact, on s’est vus, on s’est vraiment bien entendus et on est même devenus amis malgré nos vies très chargées. Deux ans plus tard, j’ai écrit une chanson et durant l’écriture j’entendais sa voix dessus. Je lui ai donc envoyé la chanson et elle a tout de suite adoré. Le lendemain, elle m’a renvoyé la chanson avec sa voix dessus, puis on s’est revus en studio cette fois-ci.

Pour ce nouvel album, la tonalité générale semble plutôt fun et positive, c’était important d’avoir ce genre de couleur et d’atmosphère sur le disque ?
C’est vrai que, même dans les chansons fun du premier album, il y avait toujours une dimension mélancolique. Cette fois, je suis parvenu à écrire des morceaux délibérément positifs. Il y a des morceaux mélancoliques dans l’album – bien sûr – mais concernant les moments plus up-tempo, c’est 100% fun assuré.

As-tu abordé des sujets que tu n’avais pas encore évoqués ?
J’ai toujours écrit de manière très honnête, sans me retenir. Sur cet album, je parle de plein de choses : d’amour, de sexe, de faire la fête, de rester à la maison aussi… Mais toujours de manière très ouverte et sans détour, avec humour aussi.

Tu as déjà fait de belles rencontres avec des artistes comme Alessia Cara, Betty Who, Martin Garrix ou Dua Lipa, y a-t-il d’autres collaborations que celle avec Ariana Grande sur ton nouvel album ?
Oui bien sûr, il y en a mais l’album ne sort pas maintenant, je veux garder la surprise donc je ne peux pas en parler. Vous allez être surpris d’ailleurs ! Je peux seulement vous révéler le titre : il s’agit de Bloom, comme mon dernier single.

Qu’avais-tu en tête avec ce nouvel album ?
Je voulais parvenir à un certain son, à une musique qui soit directement inspirée de la pop des années 80. Je voulais faire un album honnête. Je voulais me sentir gay et sexy. J’avais toutes ces idées en tête lorsqu’on a commencé à travailler et je ne savais pas trop si on allait réussir à mélanger tout cela ensemble. Lorsque je me suis mis à écrire et qu’on a amorcé la production des premiers titres, les choses se sont mises en place et c’était comme si mes pieds ne touchaient plus terre, j’étais si heureux d’arriver à concrétiser ce qui me semblait encore si abstrait il y a peu.

Comment définirais-tu ton album ?
C’est de la pop moderne avec une touche 80’s. Au niveau des ambiances, il y a un peu de tout : des morceaux joyeux et fédérateurs comme des titres plus introspectifs, mélancoliques, voire même nostalgiques. L’album est le reflet de ma vie : je me sens bien dans ma vie actuelle mais je n’oublie pas les moments plus difficiles du passé.

Tu as clamé dans une interview qu’il y avait une sorte de pouvoir à être ouvertement gay dans les médias ; est-ce toujours une bonne chose ou y a-t-il des moments où c’est plus problématique car on te parle constamment de cela ?
C’est vrai qu’à chaque interview on me demande avec qui je sors, si j’ai un petit ami, etc. Si l’on continue à être si curieux du sujet, c’est que ce n’est toujours pas complètement accepté, alors je me dis que si je continue à en parler ouvertement lors des interviews, un jour, on arrêtera de me poser la question car ce sera devenu normal. D’ici là, je suis heureux d’en parler car plus on est visibles et présents dans les médias, plus les gens avoueront qu’ils sont gays, lesbiennes ou bi-sexuelles et plus on arrivera rapidement à une sorte de normalisation. Si mon attitude d’être ouvertement gay dans les médias a pu aider des jeunes à vivre mieux leur sexualité, leur donner le courage de surmonter leurs problèmes et trouver leur place dans la société alors j’en suis heureux.

Lorsque tu vois la situation sociale explosive aux États-Unis : les violences policières, la façon dont les minorités sont traitées, le manque de respect des femmes dans le travail et dans la société, les femmes qui dénoncent seulement aujourd’hui les viols qu’elles ont subi, etc., penses-tu que les artistes doivent absolument se positionner face à cela ? Est-ce que tu ressens le fait d’avoir un rôle politique à jouer en tant qu’artiste ouvertement gay ?
Je pense qu’il n’y a pas une attitude type à adopter face à cette situation. Bien sûr, j’ai envie de me positionner sur des sujets sociaux car je me sens chanceux d’être dans la position qui est la mienne aujourd’hui et j’en suis reconnaissant. Je ne pense pas que tous les artistes doivent avoir cette prise de position ; chacun doit faire son choix en son âme et conscience, mais c’est très enrichissant au niveau personnel. De mon côté, je me sens obligé d’évoquer ouvertement la condition des gays et de faire en sorte de faire évoluer les choses dans le sens d’une meilleure reconnaissance dans la société car il reste encore beaucoup à faire en ce domaine.

Avec la vidéo de son nouveau hit « Bloom », titre produit par Oscar Holter (Katy Perry, Pink) qui flirte avec la pop des 80’s sur une base de guitares et de boîtes à rythmes c’est un véritable manifeste que lance Troye Sivan. Dans la vidéo multicolore pleine de fleurs réalisée par Bardia Zeinali, Troye Sivan affiche ses couleurs sans vergogne : rouge écarlate aux lèvres, vernis à ongle jaune canari ou bleu ciel, fard à paupière irisé bleu, coiffes de plumes rouges et bleues ciel signées Philip Treacy pour Valentino, tenues aussi excentriques qu’ultra-colorées. Nul doute que Troye Sivan lance un message direct, montrant au monde sans détour sa fierté. Et son dernier single en duo avec la pop star Ariana Grande ne fait que faire grossir le buzz au sujet de son album à paraître le 31 aout. Vivement !

Photos Jules Faure – Style Nicolas Dureau – Maquillage Yann Boussan Larcher @ Call My Agent – Cheveux Rudy Marmet @ Call My Agent – Assistante Style Pia Boulous

Troye Sivan
Bloom
(Capitol / Universal)
Sortie le 31 août