Pour sa douzième édition, le festival Pete the Monkey nous a convié à un week-end haut en couleurs, mêlant  initiatives environnementales à une line up extrêmement riche et hétéroclite. On a passé trois jours près des côtes normandes, à danser sur les riffs endiablés d’Altın Gün, à pogoter au rythme des couplets d’Antslive et à profiter des nombreuses activités proposées au sein de l’évènement. Ce fut également l’occasion de nous entretenir avec trois artistes qu’on suit de très près chez Modzik : Saint DX, David Numwami et Johnny Jane.

 

 

 

Pete the Monkey c’est une initiative environnementale et solidaire à but non-lucratif, le festival a été fondé il y a maintenant douze ans dans le but de sensibiliser aux causes environnementales et à soutenir la Comunidad Inti Wara Yassi, une communauté issue de Bolivie qui accueille des animaux victimes de déforestation et de trafics illégaux.

 

Un festival engagé et pluridisciplinaire

L’engagement pour la cause environnementale se ressent véritablement sur tous les aspects du festival : un fournisseur d’énergie proposant de l’électrique 100% renouvelable, mise à disposition d’options végétariennes pour tous les foodtrucks et usage de produits bios, vaisselles consignées pour limiter les déchets, recyclage des mégots de cigarettes… On peut dire que chaque élément du festival est mûrement réfléchi et que les équipes ont vraiment mis les bouchées doubles cette année encore afin d’assurer un week-end festif mais soucieux écologiquement.

 

 

Depuis 2022, le festival s’est localisé à Saint-Aubin sur Mer, à cette occasion Pete the Monkey a mis à la disposition des plus curieux une vidéo explicative qui résume leur démarche écologique.

En plus de ces initiatives environnementales, le festival a proposé des activités et des ateliers tout au long de l’évènement sensibilisant sur diverses causes et qui prônent l’inclusivité et l’écoute. On retrouve les Monkey Talks organisés par Hum Media qui sont des conversations visant à informer et sensibiliser sur les enjeux climatiques, le Talkaoke où les participants choisissent eux-mêmes les sujets sur lesquels échanger en se relayant la parole, des cours de yoga et des ateliers artistiques sur la danse, le théâtre et bien d’autres. Peu importe l’endroit où se pose votre regard, il y a toujours quelque chose à faire, à voir ou à écouter.

 

Une programmation vers tous les horizons

Au niveau de la programmation, on retrouve une line up aussi dense qu’éclectique, de Bonnie Banane à Roni, en passant par Finn Foxell jusqu’à Superjazzclub ou encore Yoa et Voyou…  On compte en tout pas moins d’une cinquantaine d’artistes qui furent présents pendant ces trois jours de festival. On peut dire que la diversité a été le maître mot et que les équipes de Pete sont restées fidèles à elles-mêmes en proposant un large choix de sonorités à ses festivaliers.

 

 

Trois scènes principales ont accueillis tout ce beau monde, proposant des scénographies qui nous en ont mis plein les yeux. Ici encore l’engagement environnemental se fait sentir, les matériaux et équipements de scène étant soit recyclés ou soit réutilisés d’une année à l’autre. Une fois la nuit tombée, de nouvelles scènes ouvrent leurs portes avec des sets DJ live ravageurs et des spectacles tous plus grandioses les uns que les autres, mention spéciale aux shows de drag queens qui auront su enflammer l’activité nocturne du festival.

 

 

NOS INTERVIEWS À PETE THE MONKEY

Entretien avec Saint DX

 

Tu viens tout juste de finir ton concert, comment tu te sens ?

Je me sens vidé mais très heureux vraiment, il y a eu un rayon de soleil à un moment donné, on attendait de la pluie, j’ai eu un aperçu de toutes les saisons en l’espace de quarante-cinq minutes… J’ai trop kiffé.

 

Way Back Home c’est le premier projet sur lequel tu as apposé le terme « album », qu’est-ce que qui a changé entre ce projet et les précédents, qu’est-ce qui a fait que tu t’es dit « ça y est je suis prêt à faire un album » ?

En fait j’ai plus la tête dedans, les chansons ont déjà beaucoup vécu, là on est à Pete the Monkey et c’est peut-être notre vingtième live depuis le début de l’album. C’est un projet qui a été très important pour moi, il m’a fait du bien et il m’a fait avancer dans ma vie personnelle. J’avais besoin d’aller au bout d’un processus qui est déjà derrière moi, j’ai envie de passer à autre chose. Mais c’est un album qui me tient énormément à cœur. Je suis allé au bout d’une logique et d’une idée, j’en suis très fier. L’album a moins ce sérieux que je lui ai donné au moment où il est sorti. J’appréhende les chansons avec beaucoup plus de légèreté et je prends plaisir à réécouter ces chansons. Parce que quand t’as la tête dans un album, t’as des œillères, tu ne vois que ça quoi. Et là le live ça permet d’élargir sa vision.

 

J’imagine que le ressenti est très différent maintenant que tu joues ces chansons en live ?

Oui complètement. Tu te rends compte que une chanson dont tu te faisais toute une idée en studio, sur laquelle tu t’ambiançais de malade, en fait en live les gens la prennent de manière différente ou plus sérieuse. Et parfois, il y a des chansons que j’imaginais plus calmes et qui finalement touchent plus les gens. C’est hyper intéressant, je pense qu’on devrait faire plus d’album comme ça, c’est à dire de passer par la scène avant de finir son album.

 

Tu as produit pour plusieurs autres artistes, c’est quelque chose que t’as envie de continuer à faire ?

C’est quelque chose que j’aime toujours faire. Produire pour des gens c’est aussi des rencontres et ça permet de t’extraire de ces oeillères dont je parlais, ça te permet de respirer.

 

Dans une précédente interview, tu disais que tu t’étais vraiment senti légitime pendant la création de cet album, c’est toujours une question que tu as en tête ou c’est derrière toi maintenant ?

Dans la vie à un moment donné, si tu as de la chance – et ça peut être à vingt ans, vingt-cinq ans ou beaucoup plus tard – il y a un moment où tu as l’impression de t’être plus trouvé. Que ce soit artistiquement, dans la façon dont tu t’habilles, dans la façon dont tu interagis avec les autres… Et ouais ce moment, je l’ai vécu en musique ces trois dernières années.

 

Pour Way Back Home tu as testé pleins de choses, mais on sent une vraie logique dans le projet. Tu as sciemment voulu donner cette cohérence ou elle s’est faite naturellement ?

En fait, c’est fou à quel point tes traits de personnalité, tes humeurs du moment ou ce que tu vis rejaillissent dans ton art. Et cet album ressemble à la période que je vivais, c’est pour ça que je le trouve très sincère et que j’en suis aussi fier, je me retrouve dans cet album à un instant T.

 

Tu as récemment repris Eye of the Tiger, qu’est-ce que représente cette chanson pour toi et qu’est-ce qui t’a motivé à la réadapter ?

Alors, cette chanson ne représente pas grand chose pour moi, je l’ai connu en regardant Rocky, mais le rock eighties méga épique comme ça c’est pas trop mon truc. J’adore Bruce Springsteen ou Tina Turner mais cette chanson là, ce genre de gros riff, je ne suis pas méga fan. Ça a été un peu un accident, la mélodie m’a capté en fait. J’ai réussi à désolidariser la chanson de la production et ça m’a donné envie d’essayer. Je faisais une jam, je jouais du piano à ce moment là, elle a dû passer à la radio et c’est arrivé comme ça.

 

Si tu devais produire toi-même une BO de film, pour quel genre ou quel réalisateur tu aimerais composer ?

J’aurai adoré faire une BO pour Ridley Scott ou Steven Spielberg dans les années quatre-vingts, ça aurait été un de mes rêves. Ou sinon un film de science-fiction. Ce que j’aimerai c’est que la musique ne soit pas ton sur ton avec le film… Ou Michael Mann ! J’adorerai qu’une de mes chansons figure dans une scène d’action ou d’amour de Michael Mann.

 

C’est quoi la pièce préférée de ton dressing ?

J’ai un marcel noir que je mets tout le temps pour aller courir et faire du tennis, c’est l’outfit que je mets le plus, dans lequel je me sens le plus à l’aise, le plus libéré. Et j’en ai une collection, je crois que j’ai le même en dix exemplaires. Je les mets beaucoup, j’aime beaucoup faire du sport aussi donc je dirais que c’est celle là.

 

Comment tu décrirais ton style vestimentaire ?

Je crois que j’aime bien avoir l’air un peu normal, me fondre dans le moule tout en restant élégant. J’aime bien avoir quelques détails. En fait, c’est un sujet qui me passionne. Avant j’avais une vision de la mode assez superficielle et je faisais tout pour ne pas avoir l’air habillé ou distingué. Je trouve ça fascinant, parce que c’est ta première grille de lecture en société. Mais tu te rends compte très vite quand tu sors de la ville que la mode elle n’a plus d’importance. J’adore marcher dans la nature et tu as juste besoin de chaussures, d’un bon pantalon, d’un bon t-shirt et c’est bon. J’aime bien la simplicité je crois.

 

Way Back Home est disponible via Because Music/Cracki Records.

 

 

 

Entretien avec David Numwami

 

Tu joues là bientôt, comment tu te sens quelques heures avant ton concert ?

Bah je me sens bien, j’avais un peu des allergies ce matin. J’avais fait un concert une fois où j’avais eu des allergies de ouf et j’arrivais pas à chanter, mais là c’est parti depuis. Pour ce qui est du reste… je suis allé chercher mes chaussures chez le cordonnier hier donc je me sens stylé. Au niveau du cœur je me sens bien, au niveau de la tête je me sens normal je dirais. Au niveau des mains je me sens bien aussi. J’ai répété dans la voiture, j’ai fait de la guitare pendant tout le trajet et j’ai trop kiffé. Là je suis méga prêt, donc je me sens bien.

 

Dans un entretien, tu disais que tu t’étais plus libéré sur ton dernier projet, mais que tu l’étais pas encore totalement. Qu’est-ce que tu entendais par « pas totalement libéré », qu’est-ce qui peut te bloquer ou te freiner en termes de création ?

Je m’étais pas posé la question comme ça, il le faudrait peut être. Je pense qu’être artiste, c’est être libre. C’est la même chose, c’est vraiment des synonymes. Mais parfois tu rates, parfois t’y arrives pas. Pour moi,  c’est plus un chemin vers une forme de liberté.  Je n’ai pas de définition à la liberté parce que je pense que ça dépend un peu des contextes et des personnes. Mais en tout cas, ce que je recherche en faisant de la musique ou n’importe quoi d’autres, en choisissant mes vêtements le matin, en m’inspirant de telle façon… En fait ce que je recherche, c’est être libre, me libérer, parce que je pense qu’on ne part pas forcément libre. Mais je peux sentir que quand je fais de la musique en ce moment, il y a toujours certaines questions qui me font dire que je suis pas encore tout à fait libre. Je peux avoir certaines préoccupations. Par exemple, lorsque j’essaie trop d’imaginer à quoi va ressembler une chanson. Quand je me dis que j’aimerai qu’elle ne soit pas trop longue, j’aimerai bien ceci ou j’aimerai bien ça… Je peux ne pas me sentir libre.

Il y a trois, quatre jours, j’ai fait un rêve dans lequel j’entendais une chanson que quelqu’un chantait sur scène. J’étais vraiment genre « Wow, c’est le plus beau truc que j’ai entendu de ma vie » et je pensais, « un jour… ». Et en me réveillant, je me suis dis « ok j’ai encore du chemin à faire ». Finalement, je deviendrai vraiment artiste quand j’aurai soixante-cinq, septante ans, tu vois.

 

Tu compares le fait de faire de la musique au fait de confier ses sentiments à quelqu’un. Exprimer ses sentiments, c’est un processus qui peut être difficile et qui demande un certain courage, comment fais-tu pour trouver la force et la confiance de te livrer aux autres ?

Je n’ai pas le choix. Il y a un moment où ne pas le faire ça devient insupportable. Admettons que tu tombes amoureux, ça peut faire hyper peur de le dire à la personne mais c’est aussi très dur de ne pas le dire. C’est très compliqué de se dire « bah je le garde pour moi, pour toujours ». Et j’ai l’impression que c’est un peu ça. Tu vas te sentir mal, avoir la boule au ventre avant de le dire mais au final c’est bien plus dur de ne rien dire. Puis des fois tu le dis et la personne en face te dit non, ça fait mal mais tu grandis. C’est pareil pour la musique. Faire ce choix de quand même exprimer ce que tu penses ou ce que tu ressens, malgré la peur ou le stress, pour moi c’est un acte d’amour. C’est une façon de dire j’aime le monde, j’aime la vie et j’aimerai pouvoir y ajouter quelque chose ou en tout cas y participer. Et c’est le cas quelle que soit la manière dont tu t’exprimes. Bon, il y a certaines personnes qui sortent des trucs purement par appât du gain, ça je sais pas vraiment quel acte c’est, mais c’est autre chose. Et puis il y a plein de motivations, je pense que c’est un mélange de plein de choses.

 

À quel point tes méthodes de production ont évolués entre Numwari World et I Love You ?

Je les ai fait seul, les deux, et je crois que je les ai bossé un peu de la même façon. J’ai juste été plus minimaliste sur le deuxième EP I Love You. J’essayais d’avoir un super son de guitare, un super son de kick ou de caisse claire. Là où sur Numwari World, j’additionnais pleins de pistes jusqu’au moment où je trouvais un son qui me plaise. Par contre aujourd’hui c’est hyper différent. J’ai commencé un album à proprement parler et je ne suis plus tout seul. Et c’est beaucoup mieux, c’est trop bien ! Là j’ai plus du tout envie de faire de la musique tout seul. Ca me prend beaucoup trop de temps et énormément d’énergie. J’ai envie de la mettre dans le fait de jouer à fond ou de chanter. Quand t’enregistres tout seul, tu fais des branchements toute la journée, tu as des problèmes techniques… Là c’est beaucoup mieux, je bosse avec deux producteurs, notamment encore avant hier et même musicalement c’est assez différent. Pour moi, il faut que tout le monde s’exprime. Mais ça dépend aussi des chansons. Il y a des morceaux que j’ai déjà et que j’ai envie de développer davantage. Puis il y a en d’autres qu’on commence en jam. C’est trop bien de faire de la musique comme ça, je te jure, je pourrai faire ça toute ma vie. Alors que faire des albums tout seul je ne crois pas. On était en studio là récemment pendant trois jours. Je me lève le matin et je suis en mode « Yes! » comme quand tu pars en classe verte à l’école, tu sais que tu vas rejoindre tes potes et vous allez faire un truc trop bien quoi. Il y a quand même l’idée de servir ma vision et ça pour le coup ça me libère vraiment, parce que quand t’as deux personnes qui trouve que tu es légitime, c’est génial et tu as des idées de ouf. Alors que quand t’es tout seul, tu ne vas beaucoup plus remettre en question ce que tu fais.

 

Le design de ton logo sur I Love You rappelle beaucoup celui de Batman, est-ce qu’il y a un sens caché derrière ou c’est un choix purement esthétique ?

Alors il y a clairement pas de sens profond, en fait il y a deux choses. Un jour, je me suis juste rendu compte que si tu écrivais David d’une certaine façon, ça ressemblait à Batman et donc je me suis dis pourquoi pas (rires). Mais il y avait quand même un sens, après avoir fait le premier EP Numwari World, j’ai fait une vraie pause pendant trois ans, où je n’ai rien sorti.

 

Il y avait une raison particulière à cette pause ?

Oui, (il réfléchit) la tristesse je dirais… Et puis quand je sus revenu, j’avais envie d’un espèce de logo. J’avais fait le dessin. C’est un graphiste qui s’appelle d’ailleurs David aussi qui a fait le logo et je me suis dis « c’est exactement ça ». C’est quelqu’un dont j’adore le travail. J’avais fait des posters dans Bruxelles avec « David Numwami is back » et il y avait ce logo Batman, comme le moment où Batman revient, donc il y avait quand même un sens derrière. Mais c’est surtout que ça me faisait rire.

 

En faisant mes recherches j’ai lu que tu étais récemment revenu de New York, c’est quoi ton rapport avec cette ville ?

New York est juste une ville que j’adore. Je l’ai découvert quand j’avais vingt-trois ans, aujourd’hui, j’en ai trente. J’y suis allé beaucoup de fois, j’y travaillais. C’est un endroit très inspirant. Et puis il y a aussi le fait d’être dans un endroit qui n’est pas du tout chez toi, ça libère. C’est toujours ma question, « où est-ce que je suis le plus libre ? Quand est-ce que je suis le plus libre, avec qui je suis le plus libre ?… » C’est toujours cette question qui est au fond de moi.

 

I Love You est disponible via David Numwami/Unity Records.

 

 

 

 

Entretien avec Johnny Jane

 

Tu viens d’arriver sur le festival, comment tu vas et comment tu te sens à quelques heures de ton concert ?

Là je me sens bien, j’étais en voyage ces derniers jours après les Francofolies et la route c’est pas forcément facile. Là je viens d’arriver, il fait bon. J’ai l’impression que les gens sont un peu dans le même état que moi. Il y a cette ambiance où tout le festival se réveille doucement. Donc c’est cool, tout à l’air très doux.

 

Dans tes morceaux, tu abordes fréquemment le thème de la fête, avec tout ce que ça englobe : l’alcool, les excès mais aussi et surtout l’amour et les déceptions que ça peut engendrer. Est-ce que tu es toi-même quelqu’un qui sort beaucoup et qui a besoin d’extérioriser en faisant la fête ou bien il y a une différence entre ce que tu exprimes dans tes morceaux et ton quotidien ?

Non, il n’y a pas trop de différences, c’est assez concret ce que je raconte. Il y a des morceaux qui sont issus d’histoires passées ou présentes et de situation vécues, comme Plus rien à perdre, Justine ou 1998. Et il y a des morceaux qui sont plus issus de mood, de couleurs, comme Bbye ou Attitude. Ce sont des titres où on sent qu’il y a des informations mais c’est plus une écriture métaphorique. Puis, il y a des chansons qui sont quasiment des impros comme pour Une Fleur, on était en soirée on a allumé les micros et puis on est parti…

 

Un genre de lâcher prise ?

Oui, en fait quand t’es en studio, c’est assez marrant, quand t’es en résidence comme ça, au début tu arrives et tu te dis « Demain on se lève à 9 heures, on met les enceintes, on installe tout ». En fait, c’est nul ce que tu fais à 9 heures du mat’, t’es trop intellectuel. Comme lorsque tu fais de la peinture ou d’autres trucs artistiques, quand c’est trop intellectuel… Souvent c’est trop. Alors t’en fais, t’en fais, puis tu rates. Au bout d’un moment, tu bois un coup et tu commences à être dans une sorte d’intimité avec la personne avec qui tu travailles. Puis au bout de trois jours, il est 23 heures, il y en a un qui fait un son de guitare « na-na-na-na… j’aimerai être une fleur », un truc un peu con comme ça et voilà (rires). Bbye, pour le coup, c’est un morceau de mood. Je me sens bien, j’ai envie de faire un son un peu Strokes avec quatre accords Indie, « j’suis dans l’bleu du sky », c’est cool tu vois. Mais vu qu’il n’y a pas d’informations précises, il n’y a pas de vécu. Alors que souvent quand je dis des trucs, naturellement ça vient de ma vie. Quand je parle de la chemise rouge dans Justine ou quand je dis « sur un étrange mélange de lin et de laines » c’est des trucs que personne ne comprend à part moi ou les quelques personnes concernées et ça j’aime bien. De manière générale, les morceaux qui paraissent vécus le sont. Mais c’est pas toutes mes chansons, parce que sinon il faudrait que je vive beaucoup plus… je n’ai que 25 ans. Il faudrait que je passe des jours à faire en sorte de vivre des histoires de fou (rires). Et ce n’est pas toujours le cas, on a quand même des routines même si ce sont des routines différentes.

 

Dans une précédente interview, tu racontais que petit tu t’imaginais souvent jouer devant une foule de gens. Aujourd’hui cette vision s’est concrétisée. Tu vis véritablement ces moments lors de tes concerts. Est-ce que le sentiment que tu avais gamin en t’imaginant devant cette foule est le même sentiment que celui que tu ressens aujourd’hui en montant sur scène ?

Petit, j’imaginais et j’essayais de comprendre ce que ça pouvait provoquer d’être devant beaucoup de monde. Je cherchais et je me disais « là joues comme s’il y avait dix milles personnes ». C’était aussi des challenges que je me faisais, en imaginant comment je serai. Souvent quand je jouais tout seul, je voyais que, juste entendre la porte d’entrée qui claque et ma mère qui rentrait, tout de suite, je jouais beaucoup moins fort. C’était aussi pour me mettre en situation parce que ça m’a toujours intrigué.  J’ai toujours été attiré par le danger et me mettre dans des situations qui sont inconfortables pour les dépasser, les surpasser. Il y a des choses que je ne fais pas, j’étais à Solidays il y a deux semaines et je me suis dis « ouais faut que je fasse le saut à l’élastique c’est sûr ». Je suis claustrophobe donc être enfermé, j’ai du mal et je ne l’ai pas fait. Mais j’ai été au parc Astérix il y a un mois pour l’anniversaire d’un pote. C’était un moment très drôle. Je suis arrivé là bas et j’me suis demandé ce que je pouvais faire. Et quand t’es clostro, les attractions comme ça, ça fait très peur. T’es bloqué pendant trois minutes et tu peux pas sortir. En plus, j’ai le vertige donc au début je me suis dit que je n’allais pas le faire. Finalement, j’y suis allé et en ressortant je me suis senti beaucoup plus fort. Je fonctionne un peu comme ça. Il y a cette phrase très connue « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». J’adore c’est totalement ma vie. Par exemple, au foot, quand t’es mené 0 – 1 et que tu gagnes 2 – 1 c’est génial ! C’est ce qu’a fait l’Espagne à la France à cet Euro… (rires). Je trouve ça beaucoup plus beau de partir avec l’idée que tu es perdant et donc tu vas encore plus savourer une victoire et dire « J’ai réussi à franchir ça ». Je suis né très timide, surtout enfant. Les poésies que tu devais réciter à l’école devant les autres, c’était affreux pour moi, j’aimais pas du tout ça. Mais tu vois quand t’es timide, dépasser ça et arriver à se dire « On s’en fout en fait, des gens et du jugement », c’était un vrai défi. Je ne sais plus c’était quoi la question de base, je me suis un peu éloigné… (rires)

 

La question était est-ce que le sentiment que tu avais petit quand tu te projetais est le même que celui que t’as aujourd’hui en montant sur scène ?

Et bah alors non, pour répondre à ce truc sur l’enfance, parce que quand j’étais petit je ne savais pas qu’il y avait des backstages, les trajets… Je ne savais même pas ce que c’était des balances…

 

Tu veux dire qu’il y a un aspect plus « boulot » qui s’est installé ?

Oui, complètement. Il y a des moments sur scène qui sont les mêmes que ceux que j’avais imaginé, en tout cas sur le côté trac, dangereux et intense, mais il y a aussi tous ces moments derrières que je ne connaissais pas. Ca m’était inconnu. Là je découvre, c’est marrant. Même ce genre de moment, comme cette interview, je ne pensais pas que ça arriverait.

 

Tu joues à l’Olympia le 10 Octobre, tu disais dans un podcast que c’était une salle qui t’avait toujours fait rêvé et que tu appréhendais un peu le « après ». Tu te projettes déjà sur la suite ?

Forcément. On en discute avec mes équipes. Il y a toujours un lien avec l’industrie de la musique. on se demande qu’est-ce qu’on fera après. L’Olympia c’était un pari, un pari encore réussi donc maintenant on se demande ce qu’on aimerait tenter par la suite. Pour ce qui est de la musique, je vais en studio la semaine prochaine et je continue à enregistrer. Mais comme pour l’Olympia, quand j’ai une idée, je la réalise. Une fois que c’est fait, j’ai envie de passer complètement à autre chose. Par exemple quand je suis en studio, j’utilise très peu de guitare. Alors que dans l’album des guitares, il y en a partout. Mais en ce moment je suis très synthé, je suis beaucoup plus dans des influences French Touch, les CP80, je suis à fond là-dedans. Je compose beaucoup, il doit y avoir une cinquantaine de sons qui ne sont pas sortis. Ce sont des morceaux que j’ai fait durant les trois dernières années. Je les aime beaucoup et même mes potes me disent « Mais pourquoi tu sors pas celle-là, elle est incroyable », donc il y a des sons qui sont en gestation. Mais j’aime bien créer un tout. Je ne veux pas me dire « Quelle toile je veux faire » mais plutôt « Quelle exposition je veux faire », comme si t’allais présenter quinze toiles dans une salle. Il faut qu’elles soient cohérentes. Mais là pour le coup, j’ai aucune idée de quelles seront ces quinze toiles. J’aime bien surprendre et l’idée d’après je les pas encore trouvé. J’ai des pistes mais je n’ai pas encore trouvé. J’ai pas de réponse claire mais je cherche.

 

Dans ce même podcast, tu disais avoir vu un spectacle à la salle Pleyel, c’était un concert piano/voix très minimaliste. Tu disais avoir été très admiratif de la performance, à la fois simple en termes d’arrangement mais très dense émotionnellement. Est-ce que c’est vers ce genre de composition/arrangement que tu aimerais tendre à l’avenir ?

T’es fort ! Oui, Pleyel, piano, il y a un délire quoi… Ça m’attire en tout cas. Cette façon de voir et faire de la musique, parfois même revisiter des chansons, je trouve ça génial. Si on prend Tellier par exemple, avec son album Simple Mind, il a repris des chansons vieilles de dix, quinze ans, je trouve ça trop bien. Mais je me dis qu’il y aussi des nouvelles choses à faire, je sais pas encore,  je réfléchis. Après oui, Pleyel, piano… Moi j’imagine plus un Rhodes, une voix, avec une batterie à un moment, très douce… Ou même un saxophone tu vois, pour changer. Un truc un peu Pink Floyd comme ça. Quelque chose de très musical pour le coup, où il n’y a pas de métronome, sans clic, un truc vraiment entre musiciens où on s’écoute. Ça oui, ça m’intéresse.

 

Parmi tous tes clips, lequel tu as préféré tourner ?

Normal. De manière générale, je ne suis pas hyper fan des tournages de cinéma parce que je trouve ça très hiérarchique, mais comme dans les grands studios de musique. Je n’aime pas hiérarchiser, l’assistant qui doit brancher les trucs et le mec qui se met  dans son fauteuil en mode « Je fais ça ». Dans le cinéma, c’est un peu ça et ça peut me gêner. Alors que Normal, je l’ai fait avec mon pote d’enfance Clovis, dans les champs d’Orléans là où on a grandi, avec son caméscope, mon appareil photo, avec ma caisse et ma guitare… Ça j’aime. En fait, j’aime bien les choses spontanées.

 

Si tu pouvais vivre 24 heures dans une autre époque, tu choisirais laquelle et pourquoi ?

Je pense que Woodstock devait quand même être quelque chose. J’aurai adoré voir Ten Years After. Sinon les années vingt à Paris, une époque où tout se brise et où le monde d’après éclot. À la fois, il y avait le communisme, le fascisme, la guerre… Ça devait être très troublant, une époque troublée mais très riche artistiquement. Ou alors les années 90 à Orléans, juste pour voir mes parents se rencontrer, peut-être juste ça, simplement. Mais pas le futur, j’ai pas envie de voir le futur, c’est crise d’angoisse.

 

Ça serait quoi la tenue parfaite pour faire son Olympia le 10 octobre ?

Oh c’est marrant,  j’en parlais hier. En ce moment, je suis un peu sur du full blanc. Tu vois, pas un truc gourou (rires) mais pas loin, un truc très absolu. Pour mes musiciens et moi, tout le monde, on serait tous en blanc. C’est la réflexion que j’avais hier… Mais jamais de paillettes. J’aime bien dans l’absolu,  il y a des tenues incroyables mais moi je suis plus dans le soft et les monochromes. Mais on verra, peut-être que d’ici là j’aurai d’autres idées.

 

Attitude(s) est disponible via Sony Music.

 

 

Un grand merci à Pete the Monkey et à toute leur équipe ainsi qu’à tous les artistes pour cet évènement mémorable.

 

 

Texte Deniz Akkoyunlu