Patrick Watson est en pleine finalisation de son prochain album, prévu pour mars 2025. Après un concert acoustique surprise avec November Ultra, avec qui il cosigne Silencio, premier extrait de l’album, nous le retrouvons dans un appartement du 18e arrondissement de Paris. Lorsque nous arrivons, il termine une conversation téléphonique concernant son projet. Un mini clavier et des pédales envahissent l’espace, témoignant du travail en cours. L’entretien débute par ce qui a réuni Patrick et Nova : la perte temporaire de leur voix.

 

 

 

 

 

« J’étais en tournée. Ça m’était déjà arrivé avant, où j’ai eu mal pendant six mois. C’est assez normal en 25 ans de carrière, de se blesser à la voix. Mais cette fois, j’ai eu une paralysie vocale totale. Plus un son, juste de l’air. Une de mes cordes vocales avait cessé de bouger à cause d’un vaisseau sanguin rompu. Là, pas de certitude : soit la voix revient, soit elle reste paralysée. Je me souviens être allé chez le médecin, qui ne m’avait jamais paru aussi inquiete et elle m’a dit : « N’essaye même pas de parler maintenant. C’est foutu ». Ce jour-là, j’ai réalisé que j’étais vraiment dans le pétrin. L’hémorragie sur ma corde vocale m’a fait taire pendant deux ou trois mois. »

Il est frappant de voir le contraste entre la musique aérienne de Patrick Watson, pleine de respiration, et le flux dense de ses paroles. Ce fut un véritable drame pour l’auteur-compositeur interprète, connu pour être un grand bavard, comme le souligne avec humour sa propre mère : « Ma mère m’a dit : « Tu parles trop, putain ! » ».

Dans ce silence forcé, Patrick a dû trouver d’autres moyens de communiquer. « J’utilisais une application vocale avec mes enfants. Je pouvais me mettre en colère contre eux avec une voix de robot, du genre : « Je vais te tuer ». Ou bien j’écrivais. Ce qui m’a frappé, c’est qu’on réalise à quel point on communique souvent pour des choses qui n’ont pas vraiment d’importance. » Cette expérience lui a permis de réfléchir sur la valeur des mots et leur poids dans les relations humaines : « On se demande… Est-ce qu’on communique pour les autres, ou pour soi-même ? Et la plupart du temps, ce qu’on a à dire ne compte pas vraiment pour les autres ».

 

(c) Nick Helderman

Au fil de cette réflexion, Patrick a découvert que le silence pouvait parfois donner plus de pouvoir que les paroles. « Ce qui est intéressant, c’est qu’il faut tellement d’énergie pour communiquer qu’on ne communique que ce dont on a besoin. On a l’impression que celui qui parle a le pouvoir, mais j’ai réalisé que c’est souvent l’inverse. Celui qui se tait détient le contrôle. Si vous ne dites rien dans certaines situations, ça rend les autres nerveux. On attend toujours de vous des paroles, et si elles ne viennent pas, c’est l’autre qui devient vulnérable. »

Ce silence forcé a créé une résonnance chez November Ultra, qui à la fin de sa première tournée pouvait à peine respirer. « Les paroles sont faites de nos deux histoires distinctes. Nova est incroyable. Nous nous sommes  rencontrés sur le plateau d’une émission de radio à Paris. Quand nous avons enregistré ensemble, dans un petit loft surs les hauteurs de Montmartre, on a utilisé deux micros de loin pour toute l’intro. C’est une prise en direct, avec mon piano et ma guitare. On a gardé cette simplicité, car plus c’est simple, mieux ça sonne. Avec Mishka Stein (qui cosigne la plupart des titres avec Patrick, NDLA) nous avons ajouté que quelques couches légères : une boîte à rythmes, une prise de guitare, quelques notes de basse, quelques « oohs » et une passe de charleston pour s’assurer que la batterie semble réelle. C’est ce qui donne cette sensation de naturel ».

La conversation s’étend longuement, ponctuée des écoutes de morceaux non finalisés du futur album qui, à l’image de Patrick Watson, s’annonce cinématique, poétiquement envoûtant et d’une simplicité désarmante. Nous y reviendrons bientôt.

 

 

Silencio est disponible via Watsonia Productions/Secret City Records.

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Laurence Fafard