Depuis des siècles, la culture fourmille de trésors enfouis. L’artiste aux multiples projets King Khan a eu la chance de dénicher l’un d’entre eux. Et non des moindres.

Tout débute il y a 20 ans lorsque Hal Willner et James Grauerholz incitèrent William S. Burroughs à enregistrer ses passages préférés, les plus crus à n’en pas douter, de son Festin Nu dans l’idée de les mettre en musique. Pour se faire, les deux managers et amis de longue date de l’écrivain firent appel à une flopée de musiciens aguerris en l’espèce du guitariste Bill Frisell, le pianiste Wayne Horvitz et le violoniste Eyvind Kang, pour ne citer qu’eux. Mais comme souvent dans ces histoires là, les turpitudes de la vie s’en mêlèrent et les enregistrements furent relégués au rang de nids à poussière.

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Jusqu’en 2015, et le désir inassouvi d’Hal Willner de donner vie à ces fantômes qu’étaient les bandes graveleuses enregistrées deux décennies auparavant. Ressentant le besoin d’être aidé, Hal se tourna vers King Khan, musicien berlinois que Lou Reed lui avait présenté et avec qui il avait rapidement noué une connivence artistique forte. Guitariste de génie porté vers le rock psyché, King Khan était certainement la personne toute indiquée pour apporter sa vision franche et pervertie aux bandes audio qui l’étaient toutes autant. Khan convia M Lamar, créateur du mouvement Negrogothique (et accessoirement jumeau de l’actrice transgenre Laverne Cox de la série Orange is the New Black) et The Frowning Clouds, jeune groupe australien féru de garage punk sixties.

Let Me Hang You est probablement l’album le plus sale que l’on ait pu entendre depuis des années, mais l’arrangement est un réel chef d’oeuvre, entre doomrock et piano ésotérique, les riffs de guitares stridents apportent une profondeur qui selon Khan et même Willner aurait fait défaut si l’album avait été finalisé à l’époque. Les deux hommes misant que Burroughs lui même en aurait été enchanté.

Paru le 15 Juillet sur le label nouvellement créé de King Khan, Khannibalism, l’album est un voyage dans les tréfonds de l’âme damnée de Burroughs, sa voix apportant une dimension presque sacrée aux litanies tirées du livre le plus sale et le plus lucide de son oeuvre. On pense à un Leonard Cohen qui aurait perdu foi en l’amour, on pense aux enfers. Il est certain que cet album allumera une lumière en chacun de nous. Une lumière noire.

Pour vous plonger plus avant dans l’oeuvre de William S. Burroughs, le centre Pompidou se met à l’heure de la Beat Generation du 22 Juin au 2 Octobre 2016 à travers une riche programmation d’événements conçue avec la BPI et l’Ircam : lectures, concerts, rencontres, cycle de films, colloques, …