Moité de Ghost of Christmas, également collaborateur régulier de Simon Henner (French79, Husbands, Nasser) et de Fred Nevché, l’artiste phocéen Martin Mey revient avec son second album Words (Without) : après son premier album bricolé et pourtant enchanteur Taking Off publié fin 2014, il livre aujourd’hui un second opus plus racé et mature produit par MaJiKer (producteur entre autre de l’album Le Fil de Camille) et mixé par Jo Pereira. L’univers folk instrospectif de l’artiste se pare ici d’enluminures électronique sans pour autant perdre son ADN organique et son rapport avec le piano. Words (Without) est un album nocturne qui regarde définitivement vers la lumière. A découvrir d’urgence.

Ecoutez l’album :

L’album de Martin Mey Words (Without) sort le vendredi 29 mars sur le label marseillais IN/EX Music (Iraka, Shooting Stars…)
1. In A Child
2. Words
3. Derivation (One)
4. Love Me Now
5. Calm Now
6. Urban Mood
7. MH Snap
8. Calm Down
9. Vous pouvez sourire en même temps
10. Where Are You Now ?
11. Derivation (Another)

Et pour écouter l’album en exclusivité c’est ici : http://bit.ly/MartinMey-WordsWithout

L’interview :

Toi qui fais partie de Ghost Of Christmas et multiplie les collaborations, faire de la musique en solo c’est un besoin pour t’exprimer différemment en tant qu’artiste ?

Oui, depuis toujours, je suis inspiré par mes histoires personnelles, un vécu, mon rapport à la mélancolie, aux autres, à la solitude… et je crois que c’est en solo que je transmets le plus justement ces émotions-là. Les collaborations me nourrissent énormément en influences, en sons, et j’aime faire de la musique en collectif, ça fait du bien de se laisser porter par ces échanges. Ma récente collaboration avec Fred Nevché sur son album a été très fructueuse, j’y ai pris de l’expérience, du plaisir et j’y ai gagné en légèreté dans mon rapport à la musique ; mais en solo je retrouve aussi une totale liberté à laquelle je tiens.

Tu es un musicien autodidacte ? C’est par les collaborations que tu t’es vraiment formé musicalement ?

J’ai commencé à jouer très jeune, seul sur le piano de ma mère, et je ne l’ai jamais lâché… Et ce sont les collaborations, les premiers groupes et concerts avec les copains qui m’ont donné le déclic pour progresser, oui. C’est en faisant les chœurs dans un groupe que j’ai appris à sortir et placer ma voix, et développé cet amour des harmonies vocales notamment. Ensuite, ce sont toujours les rencontres qui m’ont progressivement permis d’enrichir ma formation et mon style.

Quelle est selon toi l’évolution entre tes 2 albums Taking Off et Words (Without) ?

Quelques années ont passé entre les deux disques, et j’ai beaucoup gagné en expérience entretemps ; j’ai aussi pris le temps de vraiment laisser mûrir les nouveaux morceaux. Taking Off, c’était mon premier album et je découvrais les synthés, la prod électro sur mes morceaux avec Simon Henner (French 79) qui l’avait réalisé. Mais il y’avait une tendance assez pop, voire mon côté folk qui ressortait, avec certains arrangements à la guitare… Alors que Words (Without) ressemble beaucoup plus à un album de musique électronique, je crois, même si les chansons, le songwriting ressortent toujours.

C’est un album qui est plus « solo » aussi, plus intime, parce que j’ai pu maîtriser tous les éléments qui le constituent, jusqu’au bout des arrangements des morceaux, ce qui fait que je me sens parfaitement en phase avec ce disque aujourd’hui. Et puis, même si la mélancolie est toujours là, les thèmes sont moins « durs » ; je suis plus apaisé maintenant et sur Words (Without), je me suis bien plus tourné vers la lumière.

Qu’est-ce qui a inspiré ce nouvel album ?

La mélodie ! En fait, je me suis demandé ce que j’avais vraiment à raconter sur un nouveau disque, et je me suis rendu compte, à travers mes recherches vocales notamment, que j’étais très influencé et ému par des musiques instrumentales et/ou vocales, sans paroles. Comme les bandes originales de film d’Ennio Morricone, pour ne citer qu’un exemple fameux… Et je compose moi-même généralement à partir d’un gimmick, une ritournelle, une petite mélodie. Alors j’ai eu envie de creuser cette idée de chansons sans paroles, avec le fantasme que chacun puisse s’approprier un morceau dès les premières secondes et éventuellement fredonner l’air sans avoir besoin de connaître des paroles, sans barrière de la langue…

Ça a guidé mon travail de composition ; j’ai cherché à me rapprocher de la transe, moi qui travaille toujours avec des boucles jusqu’à l’obsession parfois… Et puis j’y ai parfois ajouté des paroles, mais peu. Words (Without), c’est le dit et le non-dit ; tout ce qui peut se transmettre sans mots ou avec peu de mots.

Qu’est-ce MaJiKer t’a apporté sur ce nouvel album ? Comment avez-vous travaillé ensemble ?

C’est vraiment une très belle rencontre et collaboration avec MaJiKer, qui a tellement apporté à cet album, tout en en faisant finalement assez peu !
En fait, alors que je bloquais sur la finalisation du disque, les perspectives de réalisation, il m’a éclairé par sa vision qui ça pouvait se résumer ainsi : il fallait simplement mais absolument aller au bout de mes idées, de ma vision des morceaux, car toute la matière était déjà là… Il m’a ainsi fait gagner en confiance, m’a permis d’assumer mes productions, de finir les morceaux, et il a ajouté quelques précieuses matières vocales, quelques claviers et détails inspirés.
On a affiné ces arrangements ensemble chez moi dans le Sud de la France, puis mieux produit et mixé le tout avec son précieux collègue Jo Pereira, à Londres.

Words (Without) est un album à la fois électronique et organique : c’était ton désir dès le départ d’aller dans cette direction ?

Quand j’ai commencé à travailler sur ce disque, j’avais plutôt envie d’acoustique et d’épure… J’avais besoin de remettre les choses à plat après le premier album, et j’ai donc remis en question l’aspect électro notamment. J’étais à l’écoute de mes inspirations plus traditionnelles, soul, folk, et j’ai donné un concert avec un piano et 15 choristes du Conservatoire de Toulon qui m’a beaucoup marqué… D’ailleurs, j’ai fini par enregistrer leurs voix sur l’album.

Mais finalement, je crois que s’il n’y a pas une partie électronique en plus de la partie organique, il me manque toujours quelque chose. C’est un équilibre qui me correspond, et j’essaie donc plutôt de trouver ma manière de bien mélanger ces éléments, voire de créer une confusion entre les deux… L’organique, ce sont surtout les voix, très nombreuses, mais ces voix sont parfois aussi triturées, modifiées, samplées, elles sont dans la machine. Et là où l’on entend des rythmiques électro, elles ne sont pas toujours si électro que ça, et peuvent même être en partie vocales…

Pourquoi avoir choisi de développer un univers noir et blanc très sobre autour de ce disque qui brille pourtant par ses harmonies vocales ?

Parce que je crois, au contraire, que le noir et blanc brille aussi, par sa retenue. Ce disque évoque continuellement les thèmes de l’absence, du non-dit, des liens invisibles… Le noir et blanc c’est la même chose : on ne voit pas les couleurs, ce sont les absentes, et c’est frustrant parfois, mais d’autres émotions sont permises, des lignes ressortent davantage, d’autres liens se créent. Et les couleurs, on les devine, où on les invente. C’est une porte ouverte sur l’imaginaire, comme mes visuels en tape art et comme mes chansons aux textes absents ou très ouverts : ça permet à chacun de s’approprier le morceau, de se raconter sa propre histoire.

C’est avec cette intention de départ que j’ai demandé à Seb Houis de réaliser les clips de l’album et les sessions acoustiques ; en noir et blanc, tout en minimalisme, avec un rendu très graphique, il a filmé des paysages et des gens, et je trouve que c’est très réussi, l’émotion passe. D’ailleurs, le 3ème clip qui sort bientôt a été tourné en Islande cet hiver… Attention les yeux, et la fin pourrait vous étonner..!

Comment transposeras-tu cet album sur scène ?

Pour cette tournée, je serai seul en scène, avec des claviers, des machines, des samples, ma voix et mes boucles…
Je retrouve la grande liberté, la grande proximité avec le public, le grand kiff du live solo de mes débuts. Avec l’expérience, et les prods électro en plus.

Je peux ainsi emmener les gens d’un quasi a cappella à une transe électro, avec l’envie d’une immersion dans le son, dans les mélodies ; j’aime l’idée que ce ne soit pas simplement un concert solo, mais une expérience collective, partagée. Un moment où les gens se sentent libres, comme moi, de se relier à eux-mêmes et aux autres par la danse et par la vibration de la voix.