Modzik a rencontré Jon Batiste l’ingrédient indispensable au succès de « Soul » des studios Disney/Pixar. Nous avons pu découvrir un artiste multi-talentueux qui s’emploie à diffuser ses convictions à travers son art. Tantôt chef d’orchestre, tantôt activiste, Jon Batiste se livre dans son interview.
Est-ce que le Jon Batiste fraîchement diplômé de la Julliard School s’attendait à rencontrer tant de succès plus tard ?
Jon Batiste : J’ai adoré essayer de faire des choses qui me force à sortir de ma zone de confort et je pense que c’est le meilleur moyen de réussir en tant qu’artiste. Être reconnu et récompensé pour ces choses n’est que la cerise sur le gâteau. J’essayais juste de continuer à repousser mes limites, me dépasser.
Tu as déjà collaboré avec des grands noms comme Stevie Wonder, Prince ou encore Lenny Kravitz. Qu’as-tu appris à leur côté ?
Jon Batiste : J’aime apprendre de tout le monde parce que chacun à sa façon de faire. Ça me permet de prendre ce que j’aime et de l’ajouter à mon propre processus de création. Je procède ainsi avec toutes personnes avec lesquelles je travaille. J’ai eu la chance de côtoyer très jeunes de très grands noms et j’en suis reconnaissant car ce sont de choses qui prennent du temps à arriver, donc je suis chanceux d’y être parvenu plus tôt que certains.
Peux-tu nous expliquer la signification du nom de ton groupe « Stay Human »
Jon Batiste : La croyance que la musique est une forme de pratique spirituelle et que l’être humain est une création divine. Le Créateur est le créateur de toutes choses et les êtres humains sont à l’image du Créateur, donc si nous créons de la musique ensemble nous pouvons faire en sorte que les gens se reconnectent à leur fréquence divine. C’est à cela que fait référence « Stay Human ». Nous souhaitons rappeler aux gens leur propre divinité, leur faire vivre une expérience spirituelle.
Tu es un activiste, mais considères-tu que le fait d’avoir grandit à la Nouvelle Orleans a joué un rôle dans ton activisme ?
Jon Batiste : Grandir à la Nouvelle-Orléans a nourri mon expérience en tant qu’activiste. Encore aujourd’hui, regardez l’ouragan Ida et à quel point il n’y a pas eu beaucoup de changements depuis l’ouragan Katrina. Comme toujours, ce sont les communautés défavorisées et les communautés de personnes de couleur qui sont le plus impactées. Les Noirs par exemple, sont vraiment une grande partie de la culture américaine, et en grandissant à la Nouvelle-Orléans vous réalisez à quel point cela peut être positif mais aussi négatif. Vous voyez à quel point la culture noire et les Noirs ont rendu la culture de la Nouvelle-Orléans aussi spéciale. Mais vous voyez aussi à quel point lorsqu’une tragédie arrive il n’y a pas de prise en charge de cette communauté. Et puis mon grand-père est un grand activiste qui vit toujours à la Nouvelle-Orléans, je m’inspire beaucoup de lui.
En parlant d’activisme, un autre de tes fameux love riot a eu lieu récemment à Harlem en compagnie de Madonna. Comment s’est-il organisé ?
Jon Batiste : Madonna est mon amie et on s’est rencontrés il y a plusieurs années car nous étions souvent ensemble à différents événements. On a toujours voulu travailler ensemble mais la collaboration ne s’était jamais faite. Elle me disait toujours qu’elle souhaitait m’avoir comme copilote sur un de ses projets, et puis finalement un jour elle m’a appelé pour concrétiser cette envie. Beaucoup de médias ont couvert l’événement. C’est pourquoi parfois les choses simples ont le plus d’impact, ce qui compte c’est le message derrière et son intention.
A quoi devons-nous nous attendre pour le prochain ?
Jon Batiste : J’organise toujours mes love riots de façon spontané, je les prévois parfois une semaine à l’avance ou même la veille. En réalité, je ne prévois pas grand-chose. Par contre nous avons des actualités similaires qui arrivent, des événements qui ne sont pas des love riots mais plutôt des marches, des défilés. En effet nous allons participer au défilé de Thanksgiving de Macy’s ainsi que la Rose Parade (un grand défilé télévisé aux États-Unis).
Revenons sur le succès de « Soul » qui est le premier film d’animation Disney/Pixar dans lequel la culture jazz est représentée mais aussi dans lequel le personnage principal est noir. Comment as-tu réagi en apprenant que tu allais endosser ce rôle ?
Jon Batiste : C’était super de voir que ça allait être fait d’une manière vraiment authentique et collaborative. « Soul » n’est pas un film teinté de jazz ou un film influencé par la culture noire, c’est réellement un « black movie » profond, et c’est ce que j’ai adoré. J’ai réfléchi à la façon dont je pourrais vraiment saisir cette opportunité parce que ce n’est pas tous les jours qu’un des plus grands studios de cinéma de tous les temps, Disney/Pixar, décide de se concentrer sur ce sujet, donc c’était vraiment spécial.
Joe Garner est imprégné de toi mais est incarné par Jamie Foxx, comment c’était de travailler avec lui ?
Jon Batiste : Jamie est un fan de musique, il est lui-même musicien. C’était vraiment cool de travailler avec lui. Nous étions amis avant cela mais n’avions jamais travaillé ensemble, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Un jour il m’a appelé à l’improviste et il m’a dit qu’il était fan de ma musique et que nous devrions faire un duo. Nos deux emplois du temps étant chargés et sans compter le fait qu’il vit à Los Angeles et moi à New York. Nous n’avions pas eu la chance de travailler ensemble avant « Soul ». Et puis il s’est avéré que nous avons été réunis pour créer Joe Gardner qui est inspiré par mes mains en particulier. Ils ont filmé mes sessions d’enregistrement et tout ce que j’ai joué durant tout le cheminement pendant un an et demi afin d’incorporé une version animée de mes mains dans le film. C’est fou de le voir prendre vie, c’était comme regarder une version de vous-même dans un dessin animé, c’était tellement surréaliste.
Cela t’a ému ?
Jon Batiste : Clairement. Lorsque nous avions visualiser la projection du film avant sa sortie, nous avons vécu une expérience très émouvante et remplie de larmes. L’année lors de laquelle le film est sorti a rendu les choses d’autant plus émouvantes. On se souviendra tous de l’année 2020 et de son histoire. Ça a été une année très importantes à bien des égards. Importante dans les élections, importante dans les mouvements culturels et sociaux, dans le divertissement, la musique, etc… et je suis content d’avoir participé à toutes ces choses importantes à ma façon.
Pour « Soul » tu as été partie prenante en composant, arrangeant et performant. Est-ce que c’est une expérience que tu aimerais réitérer ?
Jon Batiste : Oui, je pense que je le veux, par contre je ne sais pas si c’est quelque chose que je veux forcer. A mon sens il ne faut pas forcer les choses, mais plutôt avancer, travailler à devenir la meilleure version de soi, et c’est comme ça que les opportunités finissent par venir à nous. L’alchimie du moment est plus grande que tout parce que ce qui doit se produire arrive toujours au bon moment et tout fini par s’aligner.
Tu as récemment posé pour Zeit magazin, est-ce que la mode est pour toi un moyen d’expression ?
Jon Batiste : Oui bien sûr, tout ce que vous portez est une forme d’expression. Surtout sur scène, vous avez les lumières et elles vous frappent pour faire ressortir l’essence du vêtement que vous portez. La lumière mélangée à la garde-robe, elle-même mélangée à la mise en scène, sont une combinaison sur laquelle nous sommes très concentrés pour créer et expérimenter davantage. La dernière version de mon show est vraiment appréciée pour cela parce que le spectateur n’est pas là que pour la musique, c’est toute une expérience.
Si tu devais associer une de tes chansons avec un de tes looks, lesquels ce seraient ?
Jon Batiste : Lors de notre show nous avons cette chanson intitulée « I need you » et je mets toujours ce grand chapeau de cowboy éblouissant , c’est le personnage de Buffalo Bill. Je change souvent de personnage pendant mes performances, j’en ai en fait 3 ou 4 pour différentes chansons : Buffalo Bill, Jon Jon et Midnight Rider.
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