Il est des artistes qui nous réchauffent le cœur, et Michi fait indéniablement partie de celles-là. Originaire de Los Angeles, elle nous envoûte de sa voix cristalline alors que les températures sont fraiches et le ciel est bas. Une artiste de contrastes, entre extraversion et introspection, passion et vulnérabilité.
Michelle Guerrero, alias Michi, a vécu plusieurs vies. Si elle s’imaginait d’abord danseuse, c’est en rencontrant les membres du groupe indie alternatif de Los Angeles Private Island que la musique devient son véritable chemin. « Lorsque j’ai rencontré le groupe, ma passion pour le chant et la scène est née », raconte-t-elle. Élevée dans une famille adoptive latino-américaine, elle retrouve son père biologique à 22 ans, une rencontre qui lui donne la confiance nécessaire pour se tourner vers l’apprentissage du piano et de la guitare et prendre en main son destin. C’est alors que Michelle se transforme en Michi, inspirée par des artistes comme Sade, Erykah Badu, Mazzy Star et The Isley Brothers. En se donnant le contrôle total sur sa musique, soutenue par le producteur Jake Munk, elle vit une véritable libération créative. Naît son premier EP Sugarbaby, un projet de six titres fusionnant lo-fi de Los Angeles et R&B, où elle célèbre sa culture latino-américaine à travers des lyrics en anglais et en espagnol. Cet EP évoque des thèmes forts, entre angoisses et ruptures amoureuses et amicales. Loin de la douceur de son titre, Sugarbaby est une œuvre intime et pleine de sentiments. « À travers ce voyage de reconquête de moi-même et de retomber amoureuse, ces chansons sont nées », confie-t-elle.
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Si son côté extraverti contraste avec son environnement familial, il se trouve assombri par une nouvelle rupture amoureuse. Malgré son intuition émotive généralement aiguisée, Michi n’avait pas vu venir ce coup du sort. Elle quitte Los Angeles pour se ressourcer loin de l’agitation, accompagnée de son chien, et passe ses journées à se guérir et à s’adonner à l’introspection en se promenant sur la plage. La musique revient alors comme une véritable catharsis. Peu à peu, elle retrouve sa force : « C’est tellement plus spécial quand on s’autorise à suivre son propre rythme émotionnel naturel, et qu’on crée ensuite de l’art à partir de cela ».
Ce voyage introspectif l’amène à la naissance de Dirty Talk, un album quatre ans en gestation. Elle quitte Human Re Sources, son distributeur, pour rejoindre le prestigieux label Stones Throw (Eddie Chacon, Pearl and the Oysters, Durand Jones & The Indications…). Sous la production de Blake Rhein (Durand Jones & The Indications), Paul Cherry et du fidèle Jacob Munk, Dirty Talk se déploie en dix pépites sensuelles, entre jazz et soul mid-tempo. L’album est une mise à nu narrative et cinématographique de la rupture amoureuse, où Michi dévoile avec intensité et mots crus chaque étape émotionnelle qu’elle traverse.
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Le début de Dirty Talk nous plonge dans l’incompréhension d’une rupture, ce tourbillon mental où l’on cherche désespérément des réponses. Walking Away, soutenue au chœur par Melvin Night exprime parfaitement cette déchirure, l’âme partagée entre le désir de fuir et l’espoir de trouver une solution. Les paroles résonnent comme un cri de douleur, une tentative de comprendre ce qui a été brisé. Vient ensuite la profonde tristesse, cette sensation d’être englouti par la douleur. OMW nous entraîne dans cette mer de dépression post-rupture, où l’on se sent perdu, abandonné, sans réponse. Puis, la colère prend place avec If You Want Me, où la trahison est dénoncée avec force, l’artiste exprimant la douleur d’avoir été utilisée, comme un objet. C’est le moment où l’on veut effacer l’autre de sa vie et l’empêcher de revenir, sans vraiment y parvenir.
Mais le plus difficile arrive : la dépréciation de soi. Dans There’s No Heaven, Michi fait face à la dure réalité de la chute, cette sensation d’échec et de perte de soi. La rythmique disco des années 70 de ce morceau, presque désenchantée, accompagne cette descente dans la souffrance où la lumière semble faiblir. Pourtant, la vie continue, et avec Memmy, qu’on pourrait traduire par « Ma seule mission est de me souvenir », Michi retourne à ses racines, se reconnectant à sa propre identité. En duo avec le Brésilien Gabriel Da Rosa, elle cherche à retrouver une sérénité perdue, se réconciliant avec ses origines latino et l’essence même de qui elle est. Mais, au fond, elle sait que c’est en elle-même qu’elle trouvera la force de se relever.
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Le tournant arrive avec Playing Pretend, un morceau de résilience où Michi reprend le contrôle, se redécouvrant à travers les épreuves et renaissant plus forte. L’amour de soi prend forme et se manifeste dans des chansons comme So Divine et Way I Do, où elle trouve la paix et la confiance, soutenue par le talent du pianiste producteur Kiefer et ses notes célestes et le toucher inimitable d’Aaron Frazer à la batterie. L’album se termine sur cette note d’élégance et de sérénité retrouvée, celle d’une Michi prête à avancer, libérée de ses chaînes.
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« Dirty Talk ne se résume pas à distribuer des messages, il s’agit de révéler la saleté que j’ai sur les mains en raison de mon incompréhension des cadeaux de la vie – l’opportunité de se transformer, de grandir et de se libérer. Je veux que cet album accompagne quiconque l’entend dans la libération de soi, dans la guérison », confie-t-elle.
Plus qu’un simple album de rupture, Dirty Talk est une œuvre sensuelle et intime, un véritable voyage d’émotions et de guérison portée par une production incroyable. C’est un album qui caresse l’âme et le cœur, mais surtout, un album de renaissance. Comme le dit Michi, « Tu es canon, tu remontes ton string, tu mets du gloss et tu t’en vas ».
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Dirty Talk est disponible via Stones Throw Records.
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Texte Lionel-Fabrice Chassaing
Image de couverture Sela Shiloni
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