Curiosité annoncée des dernières Transmusicales de Rennes, les 3somesisters ont médusé la capitale bretonne de leur génie polyphonique. Derrière exubérance et l’excentricité qui qualifie trop facilement le groupe, un quatuor funambule à la limite des genres composé de Sophie Fustec, Florent Mateo, Bastien Picot et Anthony Winzenrieth. Avec « Cross », leur dernier EP sorti en février 2015, les 3somesisters posent les bases de ce qui pourrait être l’une des grandes révélations 2016, on y mettrait nos deux mains à couper.
Avant d’être un mariage vocal, les 3somesisters sont d’abord un mariage ethnique venu des quatre coins du globe. Sophie vient du Venezuela, Bastien de la Réunion, Anthony de l’est de la France avec des origines allemande et Florent du sud avec des origines latines. Parce que oui, les 3somesisters sont en fait quatre avec l’intégration d’Anthony considéré comme un membre à part entière du projet « comme les 3 mousquetaires, il y en a un quatrième qui s’est ajouté ». Tous se sont rencontrés à Paris un peu par hasard dans le milieu de la musique. Le groupe fait ses gammes en reprenant pendant 3ans des titres nineties, un terrain de jeu idéal pour expérimenter et mettre à profit cette force de la polyphonie. Ils enchaîneront une soixantaine de shows presque exclusivement à Paris avec des résidences au China, Bus Palladium ou à l’Entrepôt. « C’était un peu du grand n’importe quoi, à chaque fois sur scène on proposait des tenues différentes qu’on faisait nous même. C’était un peu l’atelier papier-crépon. Il y avait une espèce d’énergie, de folie hystérique » nous confie Florent. Lassés des covers et habités par l’envie de composer ensemble, le projet 3somesisters se dessine alors « c’était le vecteur le plus sincère pour s’exprimer », et ça dure depuis 2ans et demi. Si tous s’étaient déjà essayés à l’exercice dans des projets parallèles, la sauce ne tarde pas à prendre. Ils accoucheront d’une musique un peu inclassable, mêlant registre pop, influences tribales, ethniques et religieuses, grandiloquence assumée et production étonnamment minimaliste. Autant de directions qu’on retrouve largement dans leurs inspirations : la musique traditionnelle religieuse « c’est là que la part belle est faite aux voix », le glam des eighties avec Grace Jones, Bowie ou les Beatles ou plus récemment Tune Yards, Son Lux, Little Dragon ou Bjork.
Mais plus qu’un projet musical, c’est tout un univers visuel que propose le groupe polymorphe « on voulait étayer et présenter de façon littéral ce qui se passe musicalement ». Et ça se traduit par des tenues de scènes d’influence costume traditionnel, évocation religieuse et ethnique tout en reprenant des éléments sportswear dans les formes et dans les lignes, le tout sera concrétisé par Lia Seval, le bras droit de Castelbajac depuis 2ans avec qui travaille le groupe. Du côté du maquillage, on retrouve le théâtre Kabuki (où les traits du visage sont amplifiés de manière démesurée), le cubisme, Picasso ou encore les dessins de Jean Cocteau. Vous l’aurez compris le quatuor n’aime pas faire les choses à moitié, à se demander si ils ne ne positionnent pas volontairement dans la satire de leurs propres personnages, « on est complètement dans la caricature de la diva ». Un groupe sérieux au second degré revendiqué qui nous pousse à nous questionner sur leurs réelles intentions, notamment en ce qui concerne la question des genres où ils flirtent non sans charme avec les frontières définies par la société patriarcale. « A la base, c’est quelque chose de second degré, mais on s’aperçoit que tant le genre musicale que le genre sexuel, ce sont des sujets qui nous intéressent » commente Florent avant d’ajouter « très souvent on nous colle l’étiquette de transgenre et ça ne nous correspond pas. Aucun de nous n’a ce parcours, c’est plutôt indélicat de vulgariser ce mot là comme ça. On est plutôt dans du ‘non-genre’. Ca commence par le registre musical, avec la polyphonie. Si on veut couvrir une large tessiture on est obligé de chanter aussi bien dans des registres féminins que masculins. » Et pour ce qui est du côté visuel « au début il y avait une petite envie de provoque et finalement les choses sont venues naturellement. On met de la sensualité dans du non-genre, c’est peut être ça qu’on fait, de par nos tenues, la danse, le rapport au corps… »
Jamais rassasiés, les 3somesisters composent en permanence et ont d’ors et déjà enregistré un nouvel EP dont la sortie est prévue au printemps 2016, période à laquelle ils pensent s’attaquer à leur premier album. Vaste programme. Plus récemment, le groupe sort du tournage de leur premier clip officiel avec notamment des tenues d’Andrea Crews, une expérience « géniale et éprouvante, ça va être un peu inclassable comme d’habitude, en tout cas ça ne laissera pas indifférent ». L’indifférence, c’est pas leur truc.
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3SOMESISTERS
CROSS (EP)
3somesisters.com