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La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.

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FCUKERS – I LIKE IT LIKE THAT

Avec I Like It Like That, le trio new-yorkais Fcukers (Shanny Wise, Jackson Walker Lewis, Ben Scharf) signe un retour explosif. Deuxième collaboration avec Kenneth Blume (anciennement Kenny Beats) après le redoutable Play Me, le titre condense tout ce qui fait l’ADN du groupe : énergie brute, hédonisme assumé et groove incontrôlable. Dans ce nouveau single, le refrain entêtant « I like it like that » s’enroule autour de lignes minimalistes et malicieuses « I tell him at the bongo, I tell him beep beep ’cause I want to go », sur une structure pop-électro à la pulsation tropicale. La production, tendue et précise, fait rugir des basses massives, pendant que Shanny Wise balance des hooks aussi catchy que désinvoltes. Le clip officiel, signé Scott Kiernan (Chvrches, Beach House), met en scène Shanny et Jackson dans un délire visuel entre art digital et esthétique rave, incarnant parfaitement l’esprit hybride et décalé du projet. Déjà propulsé par les bombes Bon Bon, hédoniste ou Homie Don’t Shake, au groove surréaliste, Fcukers confirme avec ce titre sa place à part dans la scène actuelle : un son libre, indocile, à la croisée des pulsations club, du punk et de l’expérimental. Le groupe s’impose comme un pur produit de la Gen Z club culture : insaisissable, sans étiquette, nourri à la house 90’s, au punk, à l’humour acide et à l’envie de tout brûler sur le dancefloor ou sous les stroboscopes d’un after imprévu. Les cool-kids s’émancipent des genres et des sphères, posant leurs lunettes et leurs hoodies oversize dans les soirées Céline d’Hedi Slimane, un pied en Boiler Room à San Francisco, avant de saturer l’air breton ou celui du Palais de Tokyo dans Echoes with Jehnny Beth. La release party de I Like It Like That, organisée au Clamores de Madrid avec le Pogo Collective (cofondé par Ade Martin de Hinds), promet d’être à leur image : déjantée et fédératrice.

I Like It Like That est disponible via Ninja Tune. En concert à Paris (Trabendo) le 1er décembre 2025.

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JAMES BAKER – JTM UN PEU

Un de nos premiers Modzik Talents Live, James Baker n’a pas mis longtemps à sortir du lot. À peine monté sur scène, on sentait que ce gars-là ne venait pas pour simplement balancer des sons. Il venait raconter, construire un monde. Ce qui frappe chez lui, c’est ce mélange singulier : une vraie gueule d’artiste, mais l’attitude d’un artisan qui tient à tout faire lui-même : écrire, produire, interpréter, façonner. Et puis il y a cette phrase, qui résume tout : « Moi, de base, je voulais faire du cinéma. […] La musique, ça a toujours été une passion, mais une passion moins consciente. À partir du moment où je me suis lancé dedans, ce fut une autre histoire. J’ai voulu fusionner mon amour pour le cinéma avec la musique. » Avec Romy Rose (Part 1), le troisième EP d’un projet en deux volets, James Baker passe aux choses sérieuses. Il compose ses morceaux comme des courts-métrages auditifs, avec des images mentales en arrière-plan, des transitions qui s’enchaînent comme des scènes. L’inspiration du film Eternal Sunshine of the Spotless Mind n’est pas qu’une référence esthétique : c’est un fil rouge, une obsession presque charnelle pour ce qu’on aimerait effacer. Côté son, c’est un territoire mouvant. Indie pop, nappes électro, grondements rock, éclats de rap, Baker refuse de choisir. Il préfère errer dans les interstices. Romy, le morceau d’ouverture, fixe le décor avec une intensité soft. On entre dans un univers labyrinthique, fait de fragments et de tensions. Suivent J’espère (pas) et ce Jtm un peu, où l’amour se dit à demi-mot, entre confession et pudeur. Chaque piste s’enchaîne comme une séquence de film. Et puis arrive LuCiDe ?, un final plus brutal. Baker y injecte ses racines hip-hop avec une efficacité nerveuse. On est ailleurs, mais toujours dans la tête du même narrateur, un type qui a vu trop de films de rupture et qui en fait maintenant la BO. Romy Rose (Part 1) est l’album de chevet d’un cinéaste qui fait de la musique pour mieux raconter ce qu’il ne filme pas. (LFC)

Jtm un peu est disponible via Elletize Records. En concert à Paris (Cigale) le 14 novembre 2025 et en tournée en France.

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NOT FOR RADIO – VUELTAS

Avec Melt, María Zardoya, voix envoûtante de The Marías, ouvre une nouvelle page sous le nom Not For Radio. Ce premier album solo s’affirme comme un projet à part entière, conçu comme une « réalité parallèle » à son travail au sein du groupe, où l’intime, la perte et l’amour se disent autrement. Enregistré en janvier 2025 dans une maison isolée au cœur des bois enneigés de l’État de New York, l’album s’est façonné loin de la ville, dans une atmosphère de retrait et d’expérimentation. Zardoya parle d’un besoin de créer « dans l’instant présent », en laissant place à ce qui advient. Le résultat est un disque sobre et sensoriel, où les émotions affleurent dans un écrin musical très soigné. La production est confiée à Sam Evian et Gianluca Buccellati, deux profils très différents qui définissent ensemble l’identité sonore de Melt. Evian, issu d’un rock psychédélique doux aux accents 70’s, inscrit le disque dans une matière organique, plus intime, aux teintes hivernales, propice à l’introspection. Buccellati, lui, apporte des textures électroniques sophistiquées, entre ambient, soul numérique et rythmiques discrètes. Ensemble, ils construisent un espace flottant, nuancé, où la voix de Zardoya trouve un terrain d’expression plus direct, souvent plus dépouillé que dans The Marías. Entre échos éthérés et soft tempos, Melt évoque tour à tour les paysages sonores de Beach House, les ballades 70’s à la Gainsbourg, ou encore la new wave minimale de Orchestral Manoeuvres in the Dark. On y croise aussi la mélancolie aérienne de Blonde Redhead, ou les harmonies lentes et feutrées du soft rock psyché des années 70. Dans ce cadre référentiel, chaque titre trouve sa place : Puddles ouvre le disque dans la brume pour se clore avec Slip dans une ambiance liquide et introspective, comme une lente dissolution. Au cœur du disque, Vueltas occupe une place à part. Seul titre chanté en espagnol, Vueltas se distingue par sa douceur et son ton rétro, évoquant Jeannette (Porque te vas). Plus dépouillé, il semble marquer une pause intime au cœur de l’album, comme un retour à la langue maternelle et à une émotion plus directe. Melt est un album dense. En renouant avec la solitude artistique de ses débuts, notamment son premier projet solo, Zara Sky, resté confidentiel et aujourd’hui effacé des plateformes, María Zardoya transforme une exploration personnelle en un disque cohérent, atmosphérique et profondément touchant. (LFC)

Vueltas est disponible via Not For Radio/Atlantic/Nice Life Recording/Warner.

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SWING – L’ENFER

Avec L’Enfer, Swing nous offre un instant suspendu, entre espoir et rédemption. Le clip, signé Noah Yildiz (Arha) et Misha Van der Werf, s’ouvre sur un geste simple mais symbolique : des mains tournées vers un ciel sans nuage. Comme une prière, ou peut-être une délivrance. Avec son refrain R&B « L’enfer est loin maintenant que tu es près de moi », Swing signe un hymne à la lumière retrouvée, celle qui apaise, celle qu’on trouve dans les bras de l’autre. Là où Swing a souvent exploré les tourments intérieurs, il choisit cette fois la clarté. L’amour, la présence, deviennent refuge et renaissance. La mise en scène joue habilement sur le contraste entre ombre et lumière : les ténèbres ne disparaissent pas, mais elles sont apprivoisées. Musicalement, Swing reste fidèle à sa signature : une production feutrée, une écriture fine, une émotion qui coule sans forcer. Un clip comme un exutoire, un titre comme une caresse après la tempête. (SK)

L’Enfer est disponible via Labrique / DEMAIN PIAS. En concert à Paris (Olympia) le 17 février 2026.

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PAB THE KID – SHE DON’T LIKE TO GO OUTSIDE

Derrière le nom Pab The Kid se cache Mathys, né à Lille, grandi entre l’Europe et l’Asie, et formé très jeune à la musique sous l’influence de sa grand-mère, ancienne chanteuse devenue professeure. Enfant déjà habité par la scène, il chante dans les chorales, joue du piano et de la guitare, et se forge une culture musicale entre pop des années 2000 et rap US. À l’adolescence, c’est le rap qui domine : il apparaît sous les traits d’un jeune MC au look classique. Puis vient une période plus trouble, celle d’un adolescent émo aux contours flous, déjà en quête de singularité. Depuis quelques années, l’image a basculé : cheveux longs, silhouette affinée, look plus rock, parfois androgyne, sans codes fixes, reflet d’une identité artistique qui, elle aussi, se déconstruit. Côté musique, Pab The Kid débute avec James The Prophet, complice de lycée avec qui il partage l’EP Stellar en 2022, ainsi que de nombreuses scènes. Il lance ensuite sa carrière solo avec l’album Party Never Ends, projet polymorphe entre rap mélodique, histoires de nuit, chœurs autotunés et ambiance adolescente. En mars 2024, il sort The Kid, un premier EP plus personnel, produit par Izid99 (Balthazar Picard), où l’électro-pop vient bousculer les repères. Amendment, son nouvel EP et leur deuxième collaboration, approfondit cette mue. En six titres, Pab explore un territoire hybride, fait de fragments synthétiques, de textures rock et d’un refus assumé des carcans. L’EP s’ouvre sur la tension nerveuse de No Shows, flirtant avec la hyperpop, et traverse une palette d’émotions contrastées : l’ironie désabusée de Get a Real Job, la mélancolie introspective de She Don’t Like to Go Outside, ou encore la confession de I’ve Been Through It All. Plus conceptuel, Reitification renvoie une image froide et désincarnée du monde contemporain. Enfin, Goodbye Again For Now clôt l’ensemble sur une note intime. Avec Amendment, au son minimaliste mêlant R&B expérimental, synth-pop et électropop et à la production riche et ambitieuse, arrangements baroques, rock progressif, textures complexes, Pab The Kid confirme ce que son apparence et ses chansons laissent deviner depuis quelque temps : il n’est plus là pour ressembler à quoi que ce soit, mais pour exprimer ce qu’il est. Un artiste en mouvement, qui compose avec ses contradictions comme avec des instruments. (LFC)

She Don’t Like To Go Outside est disponible via VF Musiques/Tôt ou Tard. En concert à Paris (MaMA) le 17 octobre 2025.

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INO CASABLANCA – DIMA RAVE

À peine quelques mois après Tamara, Ino Casablanca revient aujourd’hui avec EXTASIA son deuxième EP. Un nouveau chapitre qui confirme son goût pour la liberté. Là où beaucoup cherchent à s’imposer par la surenchère, lui avance à l’instinct. Sa musique respire, se nourrit d’ailleurs et d’ici à la fois : entre les pulsations du Maghreb, les échos caribéens et les fièvres latines, il tisse un son sans frontières, à son image. Premier extrait, Dima Rave donne le ton : un morceau à la fois fiévreux et posé, où le beat s’envole tandis qu’Ino déroule un flow sûr, presque flegmatique. « Ino Casa qui l’arrête ? » glisse-t-il avec malice. Sur fond de rythmiques hypnotiques et de mélodies chaudes, il trace sa propre route, sans calcul ni imitation. D’origine marocaine, né en Espagne et installé en France depuis l’adolescence, Ino incarne cette génération polyglotte pour qui les frontières musicales n’existent plus. Auteur, compositeur, producteur, il bâtit son univers sur la spontanéité et le mélange des textures. Avec EXTASIA, il injecte de l’organique dans la production, une chaleur presque live. Mais chez lui, l’ « extase » n’a rien de mystique : c’est celle d’une fête improvisée, sans fin, d’une vibration partagée entre amis. Et si Ino Casablanca est encore au début du voyage, il avance déjà comme s’il en connaissait la destination : là où la musique parle toutes les langues. (SK)

Dima Rave et EXTASIA sont disponibles via LCS RECORDZ. En concert à Paris (Grünt Festival) le 25 octobre 2025.

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ANTON SOLO – BOOGIE

Dès 2023, Anton Solo posait les bases de son style avec deux premiers singles aux antipodes apparents, mais unis par la même tension entre danse et mélancolie. Musique et sexe, moment pop décalé et dansant, installait son goût pour le contre-pied léger. Puis venait On va pas s’mentir, ballade nue, incluse aujourd’hui dans son premier EP Excès de vie. Le ton était donné : une pop francophone en clair-obscur, qui assume de faire danser tout en racontant ce qui fait mal. Anton Solo signe sur son propre label une sorte de mini-album concept, traversé par une rupture amoureuse et les phases successives d’un deuil sentimental, le tout raconté avec un sens aigu du storytelling et des arrangements modernes. Chaque morceau raconte un moment, un état. La fête n’est jamais gratuite, c’est l’échappatoire du cœur brisé. Passé par le conservatoire de jazz de Toulon, nourri à la funk américaine par son père et à la chanson française par sa mère, Anton Solo connaît ses classiques. Mais il choisit ici la modernité : production actuelle, refrains qui claquent, textes directs. Passé aussi par Believe et l’EMIC, il sait ce que veut dire « exister dans le streaming », mais semble préférer l’authenticité à l’algorithme. Au centre du disque, Boogie (Feat. Victoria Flavian) agit comme un pivot. Morceau faussement léger, martelé de refrains hypnotiques, il met en scène la fête comme échappatoire tragique : « Je l’oublie dans un verre de sky / Et je m’oublie, m’envole dans le sky ». Cette fête-là brille, mais ne répare rien. C’est là que réside la force d’Anton Solo : jouer avec les codes de la pop dansante tout en racontant leur revers. En six titres, l’EP raconte un cycle, un excès de vie, justement : trop d’amour, trop de fêtes, trop de vide. Anton trace une ligne personnelle, sincère, souvent touchante. (LFC)

Boogie est disponible via 2h du Mat Records.

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