À l’occasion du Pride Month, chaque semaine, la rédaction Modzik met en avant les jeunes créateurs LGBTQIA+ qui font la mode demain.

Pour ce premier rendez-vous, “spotlights”  sur le co-fondateur du collectif de soirées La CREOLE, Vincent Frédéric Colombo. Ce dernier  a lancé sa marque indépendante C.R.E.O.L.E.(Conscience Relative à l’Émancipation Outrepassant Les Entrave).  Pour sa première collection, nommée Rhizome et Dystopia, Vincent rend hommage à son héritage créole, tout en défaisant les clichés qui sévissent dans l’Hexagone.

Photograhe : Fanny Viguier

Pourrais-tu m’expliquer d’où vient ta passion pour la mode ?

“La passion pour la mode n’était pas forcément une vraie passion en tant que tel dans ma jeunesse, mais plutôt un marqueur de différenciation dans la monotonie que j’accusais dans les choix possibles en boutique en Guadeloupe ou j’ai grandi. Mon adolescence ne fut pas toujours tendre sur les retours de mes goûts vestimentaires. On me traitait souvent de « Bounty », ou autrement de « Makoumet » (insulte homophobe en créole) si ce n’était pas de Mc Doom en référence à Vincent Mc Doom mannequin/styliste animateur TV des années 2000, gay et androgyne. Cela amusait beaucoup mes camarades et traumatisa quelque peu ma vision en tant que jeune gay noir/métisse vivant sur un archipel ou la mode n’existe que pour la femme, au détriment de l’homme.

Quand je me suis installé en France, j’ai commencé à explorer davantage de possible vestimentaire, par le vintage, des périodes quelque peu dandy, street-wear, work-wear et créateur. J’ai eu une vraie révélation, en découvrant la Fashion Week, en juin 2010. Je me suis incrusté dans un défilé Yohji Yamamoto SS11, que je ne connais pas à l’époque. C’était enfin une vision différente de celle dépeinte dans la lucarne de la télévision, que je voyais depuis l’enfance. J’ai pu observer cet univers de l’intérieur, sans filtre, tout en rencontrant des personnalités différentes et inspirantes.”

Photograhe : Fanny Viguier
Photograhe : Fanny Viguier


De quelle manière la culture Queer se manifeste dans ta collection ?

“Par un travail de transparence avec l’organza ou de maille par ces jeux du montré caché. Le rapport au corps mêlé à la pudeur est très présent, des formes amples et enveloppantes. J’ai aussi tenu à jouer sur des ajourages, qui font partie des codes présents dans la penderie masculine caribéenne depuis ces 30/40 dernières années. Un héritage qui a été transmis par les cultures Reggae, Rasta, Dancehall, Hip-hop, Rap, Socca, Bouyon, Zouk. L’iconique débardeur « filet de pêche » résume largement comment un tricot de peau est devenu un emblème identitaire, ciblé sur la Jamaïque et la caraïbe comme un incontournable.

Les pièces comme le jockstrap ou l’ensemble pull bermuda long en crochet, sont des interprétations plus subjectives, ciblant une clientèle plus avertie, jouant des fétiches. Une autre approche aux pulls en maille arboré par des lovers dans zouk, comme Slaï dans le clip Flamme par exemple. Autrement, le slip de bain avec une coupe rétro quasi-taille basse, dans l’esprit de Butt magazine ou Tom of Finlande.”

 

Fanny Viguier

Dans tes activités, tu gravites entre le monde de la mode et de la musique. Pour toi, quels liens sont entretenus entre ces deux univers et est-ce des artistes musicaux t’ont influencé dans la conception de cette collection ?

“Des soirées comme : la Troue aux Biches, La Flash Cocotte, La BBB, la BLT, ainsi que la Ballroom Scène parisienne (la culture Voguing). Mon esprit s’est ouvert sur un monde Queer, militant, flamboyant, festif que je ne pensais impossible étant adolescent. J’ai toujours navigué entre plusieurs scènes nocturnes, parfois hermétique dans la forme, mais ouvertes dans le fond.Tout cet ensemble m’a beaucoup inspiré avec des ami.es à nous lancer dans ce projet qui est devenu LA CREOLE.

Le vêtement a une charge plus politique qu’on ne le pense au quotidien. C’est notre outil de camouflage ou reflet réel, conscient ou inconscient sur notre société, communauté, identité, individualitéNous évoluons avec des artistes, œuvres, environnements qui nous sensibilise à certaines esthétiques qui entrent dans nos référentiels communs ou individuels en fonction de nos localités, si ce n’est par le digitale.”

Photographe : Fanny Viguier

Quelles sont les pièces qui représentent le plus l’essence de C.R.E.O.L.E selon toi ?

“L’ensemble crochet fait partie des masters pièces de la collection et montre déjà cette volonté de vouloir challenger des techniques artisanales dans le prêt-à-porter masculin.

L’ensemble denim à l’imprimé tye and die un peu psychédélique en clin d’œil à la culture rasta et tous les drapeaux de pays africains arborant ces couleurs, fessant aussi référence dans sa coupe work wear à la diaspora arrivée en Europe via le Windrush ou le BUMIDOM. Le monogramme aux 6 C dessinant en son centre l’idée d’un discret soleil.”

Photograhe : Fanny Viguier

Où vois-tu ton label dans 10 ans ?

“Tout d’abord dans le calendrier officiel de la Fashion Week, indépendant, référencé dans des multi-marques comme Dover Street Market, SSENSE, Farfetch, pour ne citer qu’eux. Ayant mes propres locaux avec une équipe de création ainsi qu’un atelier en interne.”

Une musique pour danser ? Pleurer ? Aimer ?

Danser : Tic – Maureen

Pleurer : ADELE – I Miss You (Cover by Leroy Sanchez)

Aimer : No me Ames – Marc Anthony feat Jenifer Lopez