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Le lundi 7 juillet, lors de la Paris Fashion week, Iris van Herpen a présenté un défilé qui transcendait les codes traditionnels de la Haute Couture. Un véritable spectacle, une performance à la croisée de la mode, de l’art vivant et de la biologie. Iconique n’est même pas un mot suffisant pour décrire la puissance du message et l’impact scénique de cette collection intitulée Sympoiesis.
Précurseuse dans l’âme, Iris van Herpen fait partie des premières créatrices à avoir exploré l’impression 3D dans son défilé Crystallization en 2010. Très tôt, elle a proposé des créations sculpturales jamais vues auparavant.
Formée au ballet classique, cet héritage se ressent dans son défilé : le vêtement n’est pas figé, il vit, il évolue, il se meut. Sa curiosité dépasse le cadre du vêtement dans une volonté insatiable d’exploration. Elle collabore régulièrement avec des artistes venus d’autres disciplines : concepteurs sonores, chorégraphes, architectes, biologistes, philosophes…
Pour cette collection, la créatrice néerlandaise s’est inspirée de la force majestueuse de l’océan. Fidèle à sa vision singulière, elle mêle technologie, nature et textile dans une harmonie rare. À travers des tissus translucides presque liquides, Van Herpen joue sur les textures fluides, évoquant marée montante et descendante, ainsi que la finesse des écailles de poisson.
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« L’océan génère plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons. Il est déjà en nous. » souligne la créatrice. Elle rend ainsi le cri de nos océans poétique et tangible. Les silhouettes ondulent dans une danse si gracieuse qu’on ne sait plus si ce sont des êtres humains ou des créatures marines que l’on regarde. À travers les coupes, les mouvements et les jeux de lumière, se fait entendre la plainte sourde d’un océan épuisé qui crie pour sa survie tout en révélant sa résilience.
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La collaboration avec l’artiste lumière Nick Verstand donne naissance à un moment figé dans le temps : un tissu d’air japonais, presque invisible, se transforme en toile lumineuse, activée en temps réel par les mouvements du corps. Et d’un coup, la lumière devient organique. Le spectacle s’ouvre sur une performance inspirée de Loïe Fuller, danseuse pionnière du XIXe siècle, connue pour sa danse serpentine spectaculaire. Van Herpen rend hommage à sa muse de longue date avec des mouvements aériens dont la lumière rappelle que tout geste laisse une trace.
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Iris collabore également avec le biodesigner Chris Bellamy pour créer une robe habitée par la vie : 125 millions d’algues bioluminescentes, cultivées durant des mois dans un gel marin spécifique. Le vêtement, ici, n’est pas construit mais cultivé. Une pièce vivante, fragile, exigeante, qui symbolise la relation laborieuse et précieuse entre l’humain et son environnement.
Le biodesign s’inscrit dans une vision écologique, montrant l’abondance de la nature et combien nous devons la préserver, la célébrer, l’aimer. Le vêtement devient un vecteur d’espoir et de transmission, à l’image de cette robe-méduse inspirée de Turritopsis dohrnii, la méduse immortelle, semblant porter le corps plutôt que l’inverse.
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Elle bouleverse une fois de plus les codes du défilé en l’élevant au rang de performance onirique où rien n’est laissé au hasard. Elle ne se contente jamais de suivre les tendances ou de flatter le goût du mainstream.
Nous avons eu la chance de lui poser quelques questions en backstage.
Quel message adresseriez vous à celles et ceux à qui l’on répète que leurs idées sont irréalisables ?
Il faut toujours suivre son propre chemin. Je pense que la mode est très diversifiée, et que les gens essaient souvent d’orienter les autres dans une certaine direction. Mais il faut rester extrêmement connecté à soi-même, savoir ce que l’on veut et aller le chercher. Ah oui… et surtout, ne pas se laisser distraire par tout ce qui se passe autour.
Quand la panne d’inspiration s’installe comment ravivez vous l’étincelle ?
Personnellement, c’est en allant dans la nature. Elle nous a donné la vie. Elle est la source de notre spiritualité et de nos âmes. J’y reviens pour me reconnecter et y trouver l’inspiration.
Quelle était votre plus grande peur pour ce show ?
Le look d’ouverture était littéralement vivant. Il prenait vie grâce aux mouvements de la danseuse. Né d’une collaboration avec Chris Bellamy, le processus fut très complexe. J’avais peur qu’il ne soit plus vivant avant le show, alors que nous avions tellement travaillé dessus.
Texte Noémie Fonkou Guemo