PLASTIFICATION OF THE FLESH

Pour l’homme, ces nouveaux codes d’habillement, voire même d’attitude, passent par une pluralité de la vision du menswear qui s’est fortement ressentie depuis ses dix dernières années et d’autant plus lors de la dernière Fashion Week pour le Printemps/Été 2016. « C’est une époque très intéressante pour la mode masculine. Les hommes ont plus confiance en la manière dont ils peuvent s’habiller et approcher la mode. Bien sûr, nous sommes toujours dans un marché orienté et dominé par la mode féminine, mais il y a plus de jeunes marques qui repoussent les limitent donc je pense qu’il s’agit d’une progression naturelle qui coïncide avec la volonté des hommes de mettre un terme aux stéréotypes sur ce qu’il est possible de porter ou non. S’ouvrir aux possibilités » glisse Mario-Luca Carlucci, l’un des designers de la marque Strateas Carlucci. Avant cela, la mode masculine semblait se découper en deux parties : homo-érotisation du corps masculin avec des marques tels que Dsquered2 où la virilité hétéro-normée, soit l’homme en costard façon Cerutti. Le duo Ravage renchérit : « L’arrivée du Sida dans les 80’s a considérablement changé les choses dans la société. Une peur de pratiquer le sexe s’est installée mais une (lente) acceptation de l’homosexualité masculine est apparue. Les hommes sont tout à coup devenus des Ken et les femmes ont répondu en devenant Barbie. Plus de vrai sexe, mais une abondante représentation du sexe. C’est ce qu’on a appelé ‘Plastification of the flesh’ ou plastification de la chair ».

Mais cette version idéalisée du corps masculin comporte aussi ses difficultés comme l’ont montré de nombreux artistes de l’exposition du MAC/VAL ou plus récemment comme Colby Jones, photographe basé à Londres qui, avec ‘Cut Out For It’, étudie la forme masculine présentée par les sculptures antiques. Chaque image le représente essayant de correspondre à une perfection humainement inatteignable. « Dézinguer les fétiches, les supposés attributs, les symboles et signes de la puissance masculine, mais aussi questionner les zones et appareils d’exclusion, de compétition et de hiérarchie, de domination et d’affirmation d’une certaine idée du pouvoir (entre autre masculin) comme l’armée ou le sport » en conclue Frank Lamy.

LES NOUVEAUX CODES DU NU

Mais aujourd’hui, les choses changent, comme le signale le bureau de tendances parisien Nelly Rodi dans un article intitulé ‘Mode No Gender’ : « Réputée pour mettre à mal ses propres diktats, l’industrie de la mode – par nature sociologique – s’affranchit peu à peu du genre en redéfinissant la notion d’esthétique». Une idée qui n’est pas si neuve comme nous le rappelle Stéphane Gaboué, professeur à l’université de mode de Lyon et journaliste spécialisé dans la mode masculine : « Le corps masculin a énormément évolué, il s’est allongé, il est devenu plus rachitique. C’est Slimane qui lui a apporté cette nouvelle image, il se plaignait, étant lui-même très fin, de ne pas trouver de quoi s’habiller. La perception du corps aussi a changé notamment avec l’esthétique « héroïne chic » qui a fait surface dans les 90’s, surtout dans les magazines européens. Cela a fait grand bruit à l’époque au point que Bill Clinton a fait un discours pour demander à ce qu’on ne fasse pas l’apologie de cette image. C’était la même époque que les Kids de Larry Clark où les covers de Kate Moss».

Aujourd’hui, la mode masculine attire tous les regards comme on pu le montrer le succès des derniers défilés même s’il est également dû à la coïncidence des collections Resorts. En parallèle, une nouvelle vague de créateurs propose une autre vision qui challenge les codes du masculin non pas en tombant dans l’androgynie, mais en bien en renversant les normes arbitraires qui régissent le vestiaire masculin. C’est de Londres surtout que viennent ces nouveaux créateurs, Craig Green, Sibling, MAN ou encore Rory Parnell-Mooney. Chacun à leur manière, ils ont su, à travers leurs collections SS16 donner un nouveau souffle au vestiaire masculin à travers de nouveaux codes de virilité que ce soit via des accessoires, de la beauté, un choix de coupes et de couleurs, etc. Le duo Sibling a marqué les esprits avec ‘The dessacration of man subcultures’, une collection inspirée du football américain qui a su exagérer la masculinité du corps à travers les coupes, les épaulettes ainsi que des braguettes aux coutures équivoques rappelant les coques portés par les sportifs les soirs de grand match. « Les hommes s’habillent pour établir leur statut social, mais aussi leur position dans le jeu de séduction et de domination. Épaules larges, buste vaste. Aussi en étant dissimulées les parties sexuelles en devenaient accentuées » nous confirme Ravages.

Entre homo-érotisme et testostérone assumée, l’homme des prochaines années se découvre une nouvelle attitude et met en avant d’autres zones d’érotismes que les simples pectoraux ; tétons, raie des fesses et nombrils font leurs shows dans de nombreux défilés à l’instar de celui du collectif américain Hood by Hair dont les modèles aux airs de baby dolls effrontées arboraient tétines aux dents longues et jupes fondues dévoilant le haut des cuisses. « Le dernier défilé Hood by Hair était un grand moment de mode, une véritable balade dans les genres. On mélange tout ; bijoux, make-up, accessoires, genres et on trouve une nouvelle silhouette, une nouvelle attitude masculine » s’exclame Stéphane Gaboué. Un nouvel esprit qui selon lui ne peut être compris sans parler de l’évolution du sportswear. « En fait, il est impossible de parler d’évolution de la mode masculine sans mentionner l’évolution du sportswear, les deux sont liés. Et puis la mode masculine, puisqu’elle est plus petite, se permet une plus grande diversité que ce soit ethnique, urbaine… Je pense à Ricardo Tisci par exemple dont la mode est si contemporaine qu’elle parle à tout le monde. ». « Beaucoup d’hommes ne sont pas prêts à admettre que les jambes masculines peuvent être belles, les hommes ne se départiront jamais de ce préjudice » ajoute Arnold van Geuns, « Mais je n’exagérerais pas non plus l’importance d’un défilé comme celui de Thom Brown pour sa collection P/É2016, je ne suis pas assis avec un maquillage de geisha et des lèvres noires, mais c’est une bonne chose que nous puissions le faire si on le souhaite » fini-t-il par nuancer. Prêts à faire tomber le bas ?

Hood by Hair SS16
Hood by Hair SS16
Hood by Hair SS16
Hood by Hair SS16
Thom Browne SS16
Thom Browne SS16