Qui aurait pu croire que le renouveau du clubbing house outre-Manche allait arriver grâce à deux frères de 18 et 21 ans ? Et pourtant, Guy et Howard Lawrence ont renouvelé le genre à coups de morceaux house, agrémentés de vocaux pop soul des plus chatoyants. Rencontre avec deux petits génies de la production en passe de devenir des superstars du dancefloor !

– Depuis quand faites-vous de la musique ensemble ?

Howard : Cela fait environ 4 ans maintenant qu’on a commencé. Nos influences sont parties de la dubstep, qui a vraiment donné une nouvelle énergie à la musique club en Angleterre, en 2008, 2009. On a commencé à sortir en club, aller écouter les DJs…
Guy : Enfin, lorsque j’ai eu l’autorisation de rentrer dans les clubs ! [Rires] Et puis, c’est aussi peut-être la première fois qu’on avait vraiment quelque chose à partager ensemble tous les deux ! On n’avait pas les mêmes bandes et on n’écoutait pas la même musique. Faire de la musique ensemble nous a finalement réunis.

– Vous aviez vraiment prévu de vous lancer comme producteurs ou c’est arrivé par hasard ?

Howard : En fait, on a tellement aimé cette musique nouvelle qu’on a mis à profit nos connaissances musicales – on jouait de quelques instruments, comme la basse, etc.– et on voulait surtout s’amuser. Ensuite, tout est arrivé en cours de route…
Guy : En termes de production, on prend nos influences du UK garage des années 90, du dubstep, et d’un peu partout, il faut l’avouer.
Howard : J’écoutais beaucoup de funk parce que je suis bassiste. J’étais aussi très branché par les chanteurs-auteurs, comme Peter Gabriel, Kate Bush, car ils ont vraiment une écriture très intelligente.
Guy : Moi, c’était plutôt du hip hop américain, surtout. Et c’est cela qui m’a donné envie de faire de la musique de manière électronique d’ailleurs, en faisant des beats et des trucs comme ça. J’aimais les productions de DJ Premier, Gang Starr, Busta Rhymes, J. Dilla. Comme on habitait une banlieue de Londres, on ne connaissait pas grand-chose de la culture club, on n’écoutait pas de house quand on était jeunes. Mais on s’est bien rattrapés depuis !

– Vous rappelez-vous le premier morceau qui vous a frappés ?

Guy : Je crois que c’est un morceau de Joy Orbison intitulé « Hyph Mngo » ! C’était assez révolutionnaire, et ça m’a fait un vrai choc ! Ce rythme et ces samples de voix : c’était géant ! Je me suis dit que j’aimerais bien faire de la musique comme ça.

– Comment se sont déroulés vos premiers enregistrements ?

Howard : Quand nous avons commencé, nous n’avions pas de bons micros ou un bon système pour enregistrer les voix, on composait la chanson sans la partie vocale, on allait à Londres – nous habitions à Brighton alors – et l’on rencontrait des chanteurs. Ensuite, on écrivait la chanson avec eux, sur place.

– Quel a été le premier signe que vous étiez dans la bonne direction ?

Howard : En fait, cela s’est fait progressivement : on a mis nos premiers tracks sur Myspace en 2009 (c’était le truc à faire à l’époque) et les choses ont commencé à prendre. On a sorti des morceaux sur le label Moshi Moshi et le buzz a pris dans l’underground, mais c’est l’an dernier, en 2012, avec le remix de « Running » de Jessie Ware et notre single « Latch » avec Sam Smith en vocaliste, que tout a littéralement explosé.

– Avec ce premier album, quelle est l’idée maîtresse ?

Guy : On a voulu faire un disque qui mêle vocaux pop et soul avec des rythmes club issus du garage et de la house. On a enregistré l’album en moins d’un an, tout en faisant des DJ sets et des lives. D’ailleurs, on a terminé le disque seulement en avril !
Howard : Il n’y a pas beaucoup de disques de dance music avec des vocaux quasiment sur tout l’album. On ne sait pas, ni ne comprenons pas trop pourquoi, d’ailleurs. Les vocaux permettent de capter l’attention sur le morceau et d’enrichir la ligne mélodique.
Guy : Ce n’est pas un concept album. D’ailleurs, je trouve que les concept albums sont souvent surestimés. Au final, c’est la musique qui importe le plus et pas le concept du disque. Une exception peut-être, dernièrement, avec l’album de Kendrick Lamar dont le déroulé est vraiment intelligent et les interludes sont hyper drôles. D’ailleurs, je l’ai rencontré il y a peu et on a joué au ping-pong devant tout son gang. Et j’ai gagné !

– Quels sont les invités vocaux sur l’album ?

Guy : Il y a ceux que tout le monde connaît déjà, comme AlunaGeorge avec « White Noise » qui est déjà sorti, Sam Smith sur le morceau « Latch », et Eliza Doolittle sur « You & Me », mais aussi Ed Macfarlane, Sasha Keable, Jamie Woon, Jessie Ware et London Grammar.

– Depuis l’an dernier, vous parcourez la planète pour jouer un peu partout, quel est votre meilleur souvenir de live ?

Guy : Je dirais Coachella où l’on s’est produit, le 21 avril dernier, devant des milliers de gens : c’était hallucinant ! Je crois que je m’en souviendrai toute ma vie.
Howard : Ce que l’on n’avait pas imaginé, c’est qu’on ne serait plus jamais beaucoup chez nous, qu’on passerait notre temps entre des aéroports, des chambres d’hôtel ou notre tourbus. Cela change la vie, alors qu’il n’y a pas encore si longtemps, on était tranquilles dans notre banlieue londonienne. Comme quoi, il faut vraiment y croire et les choses arrivent.

Chronique
Ce premier album de Disclosure est définitivement la meilleure chose qui soit arrivée, depuis quelques mois, dans l’univers musical anglais. C’est deux frangins ont trouvé un bel équilibre, entre chansons pop, grain de voix soul et productions taillées pour la danse. Assurément, une excellente alternative à une partie de la scène club à gros son, qui s’est faite monstrueusement phagocytée par une scène musicale américaine en mal de nouveauté. Settle, lui, fleure bon un doux retour à un son olschool UK garage, tout en affichant une belle modernité et une fraîcheur qui fait diablement du bien. Bien joué les garçons !

Propos recueillis par Joss Danjean
Photo : Antoine Harinthe
Stylisme: Flora Zoutu et Nicolas Dureau

Disclosure, Settle (PMR Records/Barclay/Universal)
www.disclosureofficial.com