L’étrange situation que nous vivons a au moins permis à un accessoire de se positionner aux avant-postes dans le secteur de la mode: le masque. Dans un premier temps, destiné à la fonction médicale, prisé par certains pays contre la pollution croissante, puis exposé comme accessoire de mode futuriste dans certains défilés, il est devenu un objet du commun des mortels. Après la Chine, dont plusieurs sites de fabrication de prêt-à-porter ont converti leurs lignes de production à la confection de masques de protection, ce sont maintenant des marques européennes qui s’y attellent. Objet utilitaire au départ, ce simple rectangle de tissu va-t-il devenir un accessoire de mode incontournable ?

Un emblème de la modernité

Symbole de la confusion actuelle et d’une désinformation générée par l’anxiété face à ce nouveau coronavirus : le masque facial. Un objet, désormais qualifié d’accessoire, qui a occupé un rôle énorme dans diverses cultures, depuis qu’il a été créé au milieu des années 1890. Les masques faciaux, qui couvrent la bouche et le nez, ont depuis longtemps un symbole chargé. Ils seraient apparus à la toute fin du XIXe siècle, utilisé comme mesure de protection par les médecins pendant la chirurgie. Par la suite, ils furent adoptées en 1910 par les autorités chinoises.

 Le visage humain œuvre pour donner du sens à nos expressions. Ainsi, le couvrir c’est cacher une partie de vous-même. Phénomène imposé qui en devient extrêmement troublant dans une société qui montre beaucoup. Certains créateurs avaient compris l’ampleur que prendrait ce phénomène. En 2014, pendant la Semaine de la mode chinoise, la collection Qiaodan Yin Peng Sportswear présente des masques. L’année suivante, Masha Ma, une créatrice chinoise qui monte à Paris, a présenté un look Swarovski pour son défilé Printemps/été 2016.

La mode a toujours été au centre des tendances, parfois même en avance sur son temps. En 2018, Alexander Wang faisait une interprétation du foulard que les motards utilisent pour couvrir leur bouche. Une façon de proposer un masque en une version dentelle dark romantique. De plus, au cours des trois dernières années, des marques comme Off-White et Fendi ont eux aussi conçu des masques plus designs.

© Alexander Wang

Gucci en a fait un pour Billie Eilish qu’elle portait au dernier Grammy’s. Une volonté de porter un message sur sa fulgurante visibilité.

Billie Eilish lors de la cérémonie des Grammy’s 2020

Le 10 mars dernier, Supreme publiait sur son compte Instagram une photo d’un masque jaune et noir en collaboration avec le label streetwear The North Face. Il s’agit d’un modèle qui recouvre la quasi-totalité du visage, ne laissant apparaître que les yeux. Même si l’efficacité demeure incertaine, le phénomène commence à faire du bruit. 

© Courtesy Of Supreme

 

En plus des influenceurs asiatiques qui l’arboraient fièrement en front row, les célébrités et mannequins ont commencé à poster des selfies sur leurs réseaux sociaux avec des masques : Bella Hadid sur son vol de Milan ou Gwyneth Paltrow en route pour Paris avec un masque Nemen x Airinum noir. Le masque est devenu le nouvel accessoire de mode plutôt qu’un outil scientifiquement valide.

La vision de Marine Serre

Ce mois de février 2020, lors de la fashion Week de Paris, la créatrice française Marine Serre faisait arborer des masques respiratoires anti-pollution, ornés de dessins et décorés de sequins, sur le visage de ses mannequins. Un écho fait aux enjeux écologiques, c’est une forme de prédiction de l’actualité. La mode a d’ores-et-déjà fait un lien entre vêtement et possible pandémie. De plus en plus de marques ont présenté des collections se rapportant à une ère plus proche de l’apocalypse. Marine Serre avait d’ailleurs déjà présenté des masques dans des collections précédentes en collaborant avec un fabricant de masques anti-pollution (R-PUR). Un accessoire qui va probablement devenir un incontournable mode et préventif à l’échelle de la planète.

Un phénomène inévitable ?

D’autres sont, sans le vouloir, au cœur du phénomène. Maud et Judith Pouzin, fondatrices du concept store vegan Manifeste011 ont dessiné un masque antipollution. Une initiative qu’elles avait envisagés sans se douter de l’ampleur du phénomène du Covid-19. Faisant face à l’actualité, la marque a décidé de proposer son stock de masques aux services hospitaliers et aux aidants. Ayant répondu à l’appel, la Fondation OVE, une association s’occupant de personnes en situation de handicap, en a directement bénéficié. Un produit rare qu’elles ont préféré léguer à des personnes dans le besoin.

© Hélène Mastrandreas

La maison de luxe Fendi a commercialisé un masque en soie à tout juste 190 euros.. Le masque imprimé du monogramme de la maison s’est retrouvé en rupture de stock en seulement 48 heures. Désormais devenu un objet de luxe, le port du masque est en passe de devenir un réflexe aussi commun que le lavage des mains. Victime de son succès, il semble que le masque devienne un accessoire mode incontournable dans les années à venir. Tendance dystopique à suivre de près !