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La sélection Modzik pour sonoriser ton weekend.
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UNDERSCORES – DO IT
underscores s’impose comme la nouvelle princesse de l’hyperpop et de l’electroclash, entre rage douce et glitch sentimental. Après avoir marqué les esprits avec des titres aussi percutants qu’émouvants, la productrice et chanteuse californienne continue d’étendre son univers sonore, entre tension club et pop expérimentale. Son plus gros tube, c’est Harvest Sky en featuring avec Oklou : morceau hypnotique, festif et fiévreux dont le refrain obsédant ne quitte plus la tête. Ce 4 novembre, elle sortait Do It, véritable hymne électro teinté de la nostalgie des années 2000. Une journée à peine après sa sortie sur les plateformes, elle a présenté le morceau sur la scène du Pitchfork Festival à l’Élysée Montmartre, lors d’une soirée bouillonnante aux côtés de Swank Mami et A. G. Cook. Et le public de la salle sera d’accord pour le dire : underscores confirme sa place au cœur de la nouvelle génération électronique, aussi intense qu’inarrêtable. (TR)
Do It est disponible via Mom +.
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PORTLAND – EXACTLY WHAT I NEED
Il est des albums qu’on n’attend pas, et des titres qui frappent droit au cœur. Champain, le dernier opus de Portland, est de ceux-là : un disque du retour, du combat, de la renaissance. Jente Pironet, âme et voix du duo belge originaire de Louvain, transforme sa douleur en lumière. Depuis 2018, lui et Sarah Pepels avaient sculpté un univers où chaque chanson flottait entre nostalgie et lumière. Après le départ de Sarah, le groupe continue avec la voix cristalline de Nina Kortekaas, qui apporte une nouvelle couleur sans effacer les ombres et les résonances du duo originel. Tout commence vraiment avec Your Colours Will Stain (2019), un premier album où pop, électro et indietronica s’entrelacent, portée par l’alchimie vocale du duo. Avec Departures (2023), Portland prend son envol : plus charnel où chaque note semble respirer la liberté. Puis la vie bouleverse tout, en un instant. Jente apprend qu’il est atteint d’un cancer du cerveau. Deux années de combat, de chimio et de nuits blanches, et voici qu’il transforme la douleur en art, levant un verre de champagne à la vie comme on allume une flamme dans l’obscurité. Avant la sortie de l’album, Portland en avait dévoilé un avant-goût avec Time Is Now, un EP de cinq titres paru le 3 novembre. Ces morceaux, tous extraits de Champain, en annonçaient déjà la force et la profondeur. La production et la co-écriture de certains titres ont été confiées à Tobie Speleman, dont la sensibilité sonore accompagne à merveille les émotions de Jente. Champain est un disque vivant, une catharsis musical où chaque titre est une respiration qui traverse l’ombre pour atteindre la lumière. Dix chansons d’une rare intensité, où la combativité, la chute et le redressement se mêlent à des instants d’euphorie et de grâce. Dans le bijou (It’s Always) Ages Ago, la solitude imposée par la maladie devient un moteur créatif : « Je me retrouvais seul à ruminer les résultats de mes tests, mais je trouvais du réconfort dans les chansons tristes d’artistes brisés comme Daniel Johnston ou Sufjan Stevens », confie Jente. La mélancolie se fait complice, et la musique devient refuge et exutoire. Véritable hymne pour les stades, Exactly What I Need crie la liberté, la joie brute de vivre chaque instant, avec urgence et passion. Lay Me Down, premier extrait, éclate en guitares puissantes et synthés amples, un joyau pop qui fait vibrer le cœur. Mais Champain abrite aussi des ballades déchirantes : la chanson-titre, dépouillée à la guitare acoustique ; Aurora, fragile au piano ; Point of You, très Warhausien, aux guitares scintillantes ; et Forever, ballade up-tempo où la flûte ensorcelle. Chaque morceau de Champain est un écho de vie et de survie : Portland n’a jamais été aussi fort, aussi mûr, aussi intensément humain. Célébrer cet album aux côtés de Jente Pironet, c’est sentir le souffle d’un survivant qui a transformé ses cicatrices en éclat, ses épreuves en musique. Champain est le témoignage d’une renaissance, la trace d’une lutte traversée et d’une clarté retrouvée. Chaque titre porte le poids des épreuves et la lumière fragile, mais tenace, de l’espoir. Portland y signe son œuvre la plus humaine, intime et puissante, où la douleur se fait musique et la vie, simplement, continue. Un joyau. (LFC)
Champain est disponible via Portland/Pias.
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CLÉMENT VISAGE – LE VIDE
Exit la moustache, la mèche décolorée, les reflets pastel : Clément Visage réapparaît tête rasée, sans moustache. Ce changement d’apparence n’est pas anodin : il signe la mue d’un artiste qui se déleste du décor pour se confronter à l’essentiel. Le flou qu’il évoquait sur la pochette de Des Restes (2023), cette brume symbolisant la recherche de soi, se dissipe. Le Vide, son nouveau single, en est le prolongement : un face-à-face sans filtre avec soi-même. Originaire de Lorraine, désormais installé à Strasbourg, Clément Grethen (de son vrai nom) a façonné son identité artistique au fil de quinze années de musique. Auteur, compositeur, interprète, arrangeur, il a longtemps exploré la création en groupe (Ippon, collectif scénique La Flopée) – avant d’oser le solo. Sélectionné aux Inouïs du Printemps de Bourges 2024, il a depuis porté sa musique au-delà des frontières, jusqu’à une tournée au Pakistan en avril 2025, expérience inédite, qui l’a confronté à d’autres publics et à une autre façon de vivre la musique. Clément Visage a toujours abordé la chanson comme un espace d’émotions. Ses compositions naissent de textures sonores qu’il sculpte avant même d’écrire. Héritier des atmosphères psychédéliques qu’il a explorées en groupe, il tisse aujourd’hui une pop électronique introspective. Le Vide, extrait de son prochain EP Automatique, pousse cette introspection encore plus loin. L’EP est pensé comme une cartographie d’un passager sur la route de sa vie, un voyage à travers ses doutes, ses mutations et son rapport à l’identité. Dans la vidéo, Clément incarne un gardien de musée où les corps se figent en pleine chute : métaphore d’une humanité suspendue, du moment où tout s’arrête avant de recommencer. « Et demain que ferais-je si j’arrêtais tout ? / Si on disparaissait ? », traduit ce vertige intérieur : le déséquilibre face à la saturation, mais aussi la promesse d’un recommencement, portée par une production épurée et une voix tendue entre fragilité et maîtrise. Clément Visage avance, désormais à découvert. Après le flou, le vide devient un espace à remplir de lumière. Clément Visage avance, désormais à découvert. (LFC)
Le Vide est disponible via Coco Machine. En concert à Paris en mars 2026 (Trois Baudets).
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BLU SAMU – BREAKFAST
Il y a chez Blu Samu quelque chose d’instinctif et de farouchement libre. Depuis quelques années déjà, la Belgo-Portugaise s’est imposée comme l’une des figures de la scène hip-hop bruxelloise. Son premier EP avait déjà frappé nos oreilles : un mélange de groove urbain, d’âme écorchée et de beats qui sentaient la sueur des caves et la lumière bleutée des clubs. Trois ans plus tard, la voici revenue avec Breakfast, deuxième single avant un premier album très attendu et, à n’en pas douter, charnière. Mais ne vous y trompez pas : Breakfast n’a rien de la chanson feel-good qu’annonce son titre. C’est le petit-déj’ qu’on prend après avoir frôlé le burn-out, ce moment où elle poursuivait un succès qui, malgré son attrait extérieur, lui semblait vide de sens. Blu Samu y déverse sa fatigue et sa fierté avec la même intensité que ses beats. Un titre qu’elle décrit comme une ode à l’amour-propre, à la fierté et à l’épuisement, mais aussi à la détermination tranquille d’aller de l’avant. Ce nouveau morceau pulse d’une énergie paradoxale : on y sent la rage punk de ses jeunes années, la drum’n’bass qui animait ses nuits d’adolescente, mais aussi une gravité nouvelle, forgée dans la maturité. Blu Samu pose son flow et chante comme si chaque mot lui coûtait. Avec Breakfast, elle prouve que le hip-hop peut encore être viscéral, que le groove peut être mélancolique. (LFC)
Breakfast est disponible via Animal63. En concert à Paris (Point Ephémère) le 26 mars 2026.
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CLARA KIMERA – EYE 2 EYE
Voix angélique et mystérieuse du duo Agar Agar, qu’elle a cofondé alors qu’elle étudiait aux Beaux-Arts, Clara Kimera s’envole désormais seule avec un projet profond et intime. Formée à la fois aux arts plastiques et aux pratiques sonores, l’artiste a toujours cultivé une approche expérimentale de la musique, mêlant performance, image et émotion. Après plusieurs années à tracer sa route collective avec Player Non Player, la chanteuse dévoile un premier EP solo Dial 8, porté par une esthétique mélancolique et un son organique qui mêle guitares et claviers. Avec ce projet, elle explore les thèmes de l’identité, de l’angoisse et de la transformation, dans une écriture à la fois instinctive et personnelle. Sous le pseudonyme Kimera, inspiré du mot chimère et de l’univers hybride du manga Hunter × Hunter, Clara affirme un désir de liberté et de métamorphose artistique. Son dernier morceau, eye 2 eye incarne lui la dualité entre douceur vocale et production chaotique, entre glitch et cyberfolk. Le clip, entièrement conçu dans le jeu vidéo iconique Les Sims 4, est une ode à la culture gaming et à la nostalgie des années 2000, tout en prolongeant la réflexion de l’artiste sur les mondes virtuels et les identités fragmentées. À travers Clara Kimera, se dessine une figure singulière de la scène électronique et alternative française : une voix troublante, cherchant dans l’hybridation des formes une vérité émotionnelle. (TR)
eye 2 eye est disponible via TAMAGO RECORDS.
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NIIA – PANIO AND GREAT DANES
Avec Piano and Great Danes, Niia brouille une fois de plus les pistes. Entre piano mélancolique et pulsations rave-électro, la chanteuse compose une hybridation audacieuse : un son atmosphérique mais dansant, organique et digital à la fois. Niia le définit elle-même comme un morceau « genre-defying », une pop avant-garde qui refuse l’étiquette. Extrait de son dernier album V, Piano and Great Danes s’impose comme l’un des titres phares et s’intègre dans une création profondément personnelle, repoussant les limites du genre musical. Dans ce clair-obscur émotionnel, Niia y explore ses névroses et les contradictions du désir à travers des paroles qui nous transpercent : « With you deep inside me / I just wanna melt », « Kill my mind ». L’autre devient une addiction, un refuge mais aussi une menace, une spirale sensuelle où la perte de contrôle devient presque salvatrice. Dans cette narration, la chanteuse cherche à se perdre plutôt que de se retrouver, et vaque à l’égarement. Cela reflète ses propos tenus lors de la promotion de son album le mois dernier, où elle expliquait que « le bon et le mauvais vivent côte à côte, souvent dans le même vers ». Niia se livre donc encore un peu plus à nous en s’avouant vulnérable et tourmentée, et porte un morceau chargé de vérité, reflet d’une existence vaincue par ses passions. Le clip, stylisé et hypnotique, amplifie cette tension entre élégance et folie : des plans saccadés, une esthétique minutieuse et des plans serrés. Le contraste entre jeux de lumière et ombre, marqué de tons froids et métalliques, crée une ambiance proche du film noir ou d’un rêve éveillé, dans lequel le grand Danois (race de chien) en serait le protagoniste. Il symbolise cette force intérieure incontrôlable, intimidante et fragile à la fois, personnifiée par la carrure et le semblant de prédation de l’animal. Avec ce titre, Niia signe un manifeste esthétique : celui d’une artiste qui s’assume hybride, expérimentale, à la frontière du jazz, de la pop et de la transe. Une œuvre à la fois introspective et progressive, qui dérange l’esprit autant qu’elle nous séduit. (AC)
Piano and Great Danes est disponible via Candid Records.
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