Les Fashion Weeks Homme et Couture parisiennes viennent de se terminer. Cette saison, audace et réinterprétation étaient au rendez-vous et quatre maisons ont marqué nos esprits par la puissance de leur message et la singularité de leur esthétique. Voici nos quatre défilés préférés de cette PFW automne-hiver 2025.
Willy Chavarria – Tarantula : la mode comme résistance

Première fois à Paris, première claque. Avec Tarantula, Willy Chavarria signe un show à la croisée de l’intime et du politique, de la puissance et de la vulnérabilité qui parle d’identité, d’immigration et de survie.
Le titre de la collection, inspiré d’une chanson du groupe This Mortal Coil des années 80, fait référence à la façon dont certaines créatures (et certaines communautés) sont diabolisées à tort. « C’est juste une créature douce et poilue qui essaie de vivre sa vie, mais on la traite comme un monstre. Pourtant, si on la provoque, elle mord », expliquait le créateur avant le show. Une métaphore à peine voilée de la condition des populations marginalisées dans un contexte politique où les droits fondamentaux sont attaqués, notamment aux États-Unis avec la montée des politiques anti-immigration.
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Chavarria déconstruit les uniformes masculins : pantalons taille haute aux volumes exagérés, chemises rigides et coupes ultra-cintrées qui jouent avec les codes de la masculinité. Il dévoile également sa collaboration avec Adidas.
Entre influences chicano, culture queer et références aux grandes époques de la mode (des années 20 aux années 90), chaque silhouette est une déclaration.
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Doublet – L’imperfection comme rébellion
Cette saison, Masayuki Ino, fondateur de Doublet, questionne la notion même de perfection. Son défilé, profondément punk dans son exécution, est une ode aux défauts et aux failles qui deviennent des opportunités d’innovation.
La collection s’inspire d’un simple bout de plastique. Lorsqu’on le plie, une fine ligne blanche apparaît. Ce défaut est habituellement perçu comme une faute, un élément à éliminer. Pourtant, Ino en fait le point de départ de son exploration textile.
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Cette vision se traduit par un vestiaire où l’irrégularité est sublimée : pièces lacérées, asymétriques et volontairement usées avec une superposition chaotique. Un hommage aux antagonistes, à ceux que la société veut redresser mais qui, dans leur rupture avec la norme, créent leur propre langage. Comme l’exprime le manifeste du show : « Il y a tant de gens avec des fissures profondes dans ce monde. Ils sont souvent mal compris, rejetés parce qu’ils ne sont pas alignés. Mais quand une chose se plie, de minuscules fissures créent des espaces pour que de nouvelles choses émergent ».
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Gaurav Gupta – Across the Flame : l’amour, la résilience, la renaissance
« Caught in the fire and reborn in the light » (que l’on peut traduire par « Pris dans les flammes et renaissant dans la lumière »). Cette saison, Gaurav Gupta transforme un drame intime en une collection incroyable. Across the Flame est une ode à la résilience, inspirée par l’accident presque fatal qu’il a vécu avec sa partenaire, Navkirat Sodhi lorsque leur studio a pris feu. De cette traversée du feu, naît un vestiaire sculptural où chaque pli, chaque drapé raconte une guérison, une métamorphose. « Cette collection n’est pas seulement une vitrine de couture, c’est un témoignage personnel du pouvoir de la transformation et de la lumière infinie en chacun de nous », confie Gupta.
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Certains looks comme le Twin Flame, sont sincèrement touchants, symbolisant les deux âmes liées qui ont traversé les flammes ensemble. Le métal, omniprésent, se fait armure et protection et les brocarts de Bénarès, tissés en récitant des mantras, insufflent une dimension spirituelle.
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Miss Sohee – Le futur de la couture entre tradition et innovation

Pour sa collection Automne-Hiver 2025, Miss Sohee nous plonge dans un univers où sculpture, couture et héritage se rencontrent. Les jupes volumineuses inspirées du hanbok, les incrustations de nacre, les lignes épurées mais dramatiques, tout dans ce vestiaire est une célébration du savoir-faire artisanal.
Sohee joue avec des matières innovantes comme l’organza liquéfiée, mariant tradition et modernité en intégrant des broderies figuratives asiatiques, tout en poussant les limites des volumes et des formes. Ses robes oscillent entre le glamour et l’audace, démontrant une maîtrise impressionnante des techniques de couture.
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À seulement 28 ans, Sohee combine l’élégance de la couture classique et une vision jeune, avant-gardiste et audacieuse de la haute couture. Comme elle le dit elle-même : « Cette collection est plus que de la mode, c’est de l’art, une histoire racontée à travers des pièces qui célèbrent la beauté et la culture ».
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Avec ces quatre collections, la Fashion Week parisienne s’impose de nouveau comme un terrain d’expression où chaque créateur redéfinit les frontières du vêtement. Politique, engagement, introspection, rébellion : la mode ne se contente plus d’être belle. Elle raconte, elle dérange, elle fait rêver, elle provoque.
Bref, la mode évolue.
Texte Awa Wane