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Dans l’antre brumeuse de son laboratoire mental et musical, Eddie Chacon revêt à nouveau sa robe de sorcier et convoque les éléments d’une magie sonore avec Lay Low, un album qui s’inscrit dans la continuité de son travail minimaliste et introspectif. Accompagné de Nick Hakim, il façonne une soul épurée, teintée de groove et de mélodies aériennes, un artisan du son qui manipule ses textures avec la précision d’un alchimiste.
La musique accompagne Chacon depuis son enfance en Californie. Dès l’âge de 12 ans, il monte son premier groupe avec Mike Bordin et Cliff Burton, futurs membres de Faith No More et Metallica. Après plusieurs tentatives infructueuses, il trouve le succès dans les années 90 avec Charles & Eddie et le tube Would I Lie to You? perle neo soul qui deviendra n°1 dans les charts britanniques et dans dix sept autres pays en 1992. Titre qui reviendra en 2016 sous la houlette de David Guetta.
Mais après la séparation du duo et la disparition de Charles Pettigrew, Chacon s’éloigne de la musique, traversant une période de doute et de reconversion. Il devient photographe et directeur artistique, travaillant aux côtés de sa femme, la styliste Sissy Sainte-Marie, avant de revenir à la musique avec leur duo électro The Polyamorous Affair en 2008.

Les années suivantes sont marquées par une quête de sens et une remise en question. « Les réseaux sociaux et l’actualité en continu commençaient à peser sur ma santé mentale », confie-t-il. Son retour à la musique se concrétise avec Pleasure, Joy and Happiness et Sundown, deux albums conçus avec John Carroll Kirby (Frank Ocean, Solange, Sébastien Tellier), son complice de toujours, avant que Lay Low ne vienne marquer une nouvelle étape aux côtés de Nick Hakim.
Dès Good Sun, le rituel alchimiste commence. Sur un battement de boîte à rythmes vintage, la voix de Chacon s’élève comme une incantation murmurée : « Always seeking for the good sun ». Ce mantra, hérité de sa mère disparue, devient le catalyseur d’un voyage introspectif où la quête de lumière est omniprésente. Les synthés éthérés et la guitare spectrale dessinent les arabesques d’un cercle mystique où le temps semble suspendu.
Puis, la potion se complexifie avec Let You Go, une variation mélancolique où Chacon convoque Marvin Gaye et Sly Stone. Ici, la voix d’Eddie flotte au-dessus d’un lac d’échos et de réverbérations, tandis que des harmonies brumeuses s’entrelacent comme des volutes d’encens. L’ensorcellement est à son comble sur Empire, où John Carroll Kirby se joint, apportant ses formules secrètes de jazz-funk dépouillé. Sous des cuivres feutrés et des accords suspendus, Chacon évoque l’instabilité de nos édifices émotionnels : « Tout ce que nous avons est comme un empire construit sur le sable ».
Le sommet survient avec Lay Low, la chanson-titre. Ici, la voix devient un murmure spectral, glissant sur une rivière de piano vaporeux et de chœurs fantomatiques. « Lay low, lay low », répète-t-il, comme s’il insufflait un sort d’apaisement à l’auditeur. Dans cette alchimie sonore, la frontière entre l’ici et l’au-delà s’efface peu à peu.
Mais Eddie se doit d’affronter ses démons. Let The Devil In résonne comme une conjuration désespérée contre l’anxiété et l’incertitude. Une boîte à rythmes mécanique impose son rythme hypnotique, tandis que Chacon, en transe, murmure sa crainte face à un monde qui s’accélère et semble nous échapper. Tandis que End of the World traduit une certaine désillusion face à la fin d’une relation qui s’est terminée portée par un groove délicat et une voix empreinte de gravité.
L’album se referme avec If I Ever Let You Go, un morceau à la fois lumineux et mélancolique. À travers ce titre, Chacon exprime son besoin de connexion, que ce soit avec un être cher ou avec son propre passé. Comme une étoile filante, l’album s’efface en douceur, nous laissant en suspens, entre mélancolie et ravissement.
Avec Lay Low, Eddie Chacon prouve qu’il est bien plus qu’un chanteur : il est un alchimiste sonore, un enchanteur du minimalisme. Dans un monde saturé de bruit et d’urgences, il nous offre un refuge où la soul devient méditative, où chaque note est une formule magique et où le silence lui-même semble habité. Un album à écouter les yeux mi-clos, le cœur ouvert, prêt à se laisser envoûter.

Lay Low est disponible via Stones Throw Records. En tournée européenne à partir du 18 mars 2025.
Texte Lionel-Fabrice Chassaing
Image de couverture DeMarquis McDaniels