NEWS !

 

 

Saya Gray fuit la célébrité, déteste les réseaux sociaux et tient avant tout à son indépendance personnelle et artistique. La jeune femme a d’ailleurs vécu de mauvaises expériences avec l’industrie musicale juste avant le Covid, lorsqu’elle a été empêchée de sortir de la musique. Son contrat avec le label indie pop Dirty Hit (The 1975, Beabadoobee) nous a permis de découvrir son univers unique, fait de grooves déstructurés, de folk perverti et de funk métamorphosé. Elle confie qu’elle met mille personnalités dans une chanson, et qu’elle puise des bribes de plus de 400 morceaux pour en créer un nouveau.

./

© Jennifer Cheng

/

La musique a toujours été une part essentielle de sa vie. Née d’un père canadien d’origine écossaise, Charles Gray, ingénieur du son et trompettiste, pour des légendes comme Ella Fitzgerald et Aretha Franklin, et d’une mère japonaise, Madoka Murata, professeur de piano et fondatrice de l’école de musique Discovery through the Arts à Toronto, Saya a été baignée dans la musique dès son plus jeune âge. Elle apprend la trompette, le piano, la guitare, le violon et la basse, et commence à se produire sur scène à Toronto dès l’âge de 13 ans. Son univers musical est nourri par des influences comme John Coltrane, Nirvana et The Beatles. Si elle choisit la basse plutôt que le piano, c’est sans doute pour s’affranchir de l’héritage maternel, mais aussi pour la capacité de cet instrument à la faire vibrer plus intensément. À 17 ans, elle se voit offrir des concerts avec des stars de la pop, qu’elle accepte volontiers préfèrant l’anonymat du collectif à l’exposition individuelle. Elle accompagne, voire même devient directrice musicale pour des artistes comme Daniel Caesar, Willow ou Liam Payne, qui l’encouragent à composer ses propres mélodies.

C’est ainsi qu’émerge Zucchini Dreams, son premier single, où elle mêle guitares acoustiques réverbérées à sa voix éthérée. En 2022, elle sort son premier album 19 Masters, qu’elle écrit au fil de ses tournées, et qu’elle finira sur GarageBand. Toute la famille Gray participe à l’album : Charles y ajoute sa trompette, Julian, son frère, apporte des lignes de guitare, et Makoda ouvre l’album avec ses mots en japonais : « Bienvenue dans mon monde ». Un monde musical qui échappe aux règles classiques du couplet/refrain, tout en posant les bases de son deuxième album Saya, tout juste publié.

/

/

Saya fait suite à une série de deux EPs QWERTY, dans lesquels elle explore l’expérimentation à la limite du chaos : piano classique déformé, voix filtrée, rythmiques interrompues… Elle décrit ces morceaux comme « une collection d’idées et de collages assemblés comme le yin et le yang ». Un monde chaotique qu’elle a aujourd’hui encore du mal à comprendre : « Je ne peux même pas écouter QWERTY. Je me dis : ‘Ma fille, tu as besoin d’aide’ ».

Changement radical avec ce deuxième album où elle délaisse son ordinateur au profit de l’organique avec en tête, une idée précise du son qu’elle souhaitait obtenir. Elle compose Saya lors d’un road trip qui la mène du Japon, ses racines, à la Californie, où elle vit actuellement, après avoir décidé de changer radicalement de vie, de se débarrasser du chaos, des toxines et du chagrin. Accompagnée d’une petite guitare et de son téléphone, elle crée les bases des morceaux de cet album, qu’elle voulait à l’image de son vécu récent : humain. Elle partagera ses démos avec son groupe pour leur finalisation et privilégiera l’analogique et les vrais instruments, notamment le synthétiseur Buchla.

Saya est une œuvre pensée et soigneusement assemblée, où la guitare folk occupe une place centrale. Chaque titre nous entraîne dans un univers qui se dissout progressivement dans celui qui suit. Une musique vibrante, apparemment sans fin, comme si l’intention de Saya Gray était de repousser sans cesse les limites de son propre potentiel.

:

/

Elle est une grande adepte des doubles sens et des jeux de mots, exploitant les ambiguïtés de la langue anglaise avec une créativité sans pareille. Chaque chanson constitue un univers à part, une entité unique, dont chaque son reste ancré dans sa propre singularité. Certains refrains, comme celui de SHELL (OF A MAN) ou PUDDLE (Of Me), se fixent dans la tête, tout comme LINE BACK 22 ou EXHAUST THE TOPIC.

À travers ce grand album, Gray relève le défi de trouver l’harmonie entre l’épuisement, un chagrin et la responsabilité personnelle de reconstruire sa vie.

/

Saya est disponible via Dirty Hit. En concert à Paris (Gaité Lyrique) le 15 avril 2025.

:

:

Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Jennifer Cheng