Ricky Bishop incarne une véritable évolution dans le monde musical caribéen. À la croisée des genres, il s’inscrit dans une tradition bien établie tout en redéfinissant les contours du bouyon avec son projet #NewBouyon, un EP qui repousse les limites de la musique antillaise. Alliant respect des traditions et vision avant-gardiste, Ricky Bishop est bien plus qu’un simple artiste : il est un innovateur.

 

 

#NewBouyon : une réinvention du bouyon classique

Le bouyon, genre musical originaire de la Dominique, a toujours été un terrain fertile pour l’expérimentation et l’expression de soi. Ricky Bishop, l’un des artistes les plus en vue de la scène actuelle, incarne cette évolution constante du genre avec son approche unique.

Lancé comme une célébration audacieuse et moderne du bouyon, #NewBouyon marque une étape importante dans l’évolution de ce genre musical. À travers cet EP, Ricky Bishop s’appuie sur les bases qui ont fait le succès du bouyon : des percussions effervescentes, des mélodies cadencées et des influences créoles vibrantes. Cependant, il y ajoute sa touche unique, mêlant des éléments d’électro, de franglais et de beats contemporains. Ricky Bishop affirme qu’il s’inspire davantage d’un style musical même s’il reconnaît certaines influences. « Franchement, il n’y a pas d’artiste en particulier. [Le bouyon] est une musique que j’affectionne, il n’y a pas forcément un artiste qui m’a donné envie de faire ça. »

Pour lui, la musique n’est pas simplement une question de son, mais de sensation. Ricky Bishop décrit sa musique comme un genre unique, conçu pour captiver l’auditeur et créer une forme d’addiction sonore. Il explique : « Mon style de musique, j’essaie de lui donner un nom à part ; j’ai appelé ça l’audio crack. C’est une musique qui se veut addictive. Tu as envie de l’écouter. Et puis qui peut avoir un effet euphorisant ».  Ce désir de créer une musique immersive et énergique se reflète dans chacune de ses compositions.

 

 

Le résultat ? Une fusion musicale captivante où tradition et nouveauté cohabitent harmonieusement. Ricky Bishop ne se contente pas de revisiter le bouyon, il le transforme. Des morceaux comme Anlè Mwen et Flaques sur cet EP témoignent d’une compréhension fine de la richesse culturelle antillaise en interpellant une nouvelle génération.

 

Image par Laurent Segretier
© Laurent Segretier

 

 

Le bouyon : des origines à la New Wave du bouyon

Pour saisir pleinement l’apport de Ricky Bishop, il faut d’abord revenir aux origines du bouyon. Né à la fin des années 1980 en Dominique, ce genre musical doit beaucoup à l’artiste Derick « Rah » Peters et à son groupe WCK (Windward Caribbean Kulture). À l’époque, le bouyon émerge comme une réponse culturelle forte, mettant en avant des rythmes et des instruments typiquement caribéens. En Guadeloupe, il prend racine dans la richesse musicale locale, évoluant aux côtés d’autres genres comme le Zouk ou le Dancehall. Au fil des décennies, le bouyon s’est enrichi d’influences extérieures tout en restant un puissant vecteur d’identité culturelle.

Aujourd’hui, le bouyon New Wave, incarnée par des artistes comme Ricky Bishop, Théodora ou encore EzekTheArtist, insuffle un dynamisme rafraîchissant. Cette génération de créateurs s’inspire des bases solides du bouyon tout en les adaptant à des sonorités plus internationales, comme l’électro ou la trap. Une artiste comme Théodora, bien qu’elle ne soit pas antillaise, illustre parfaitement cette ouverture. D’origine congolaise, elle a également passé du temps à La Réunion, ce qui témoigne de l’impact croissant du bouyon au-delà des Caraïbes. Cela montre à quel point ce genre musical s’impose comme une force sur le paysage musical moderne, transcendant les frontières et les cultures. Ricky se positionne comme un acteur clé de la New Wave du bouyon, tout en célébrant ses origines multiculturelles. « Je vois la New Wave comme un des moteurs de cette génération. Je soutiens les nouveaux artistes à 100%, à 200% même. »

Mais ce renouveau ne va pas sans défis. En 2013, le quotidien France-Antilles soulignait les débats autour du bouyon, parfois perçu par l’Occident comme trop provocant, notamment à cause de textes jugés polémiques ou explicites. Ce regard critique a souvent mis en lumière les tensions entre la perception occidentale et l’essence culturelle du genre. Pourtant, c’est justement cette audace et cette authenticité qui rendent le bouyon si puissant. Pour Ricky : « Comme beaucoup de mouvements portés sur la sexualité ou qui font tomber certains tabous, le bouyon, selon moi, c’est plus émancipateur que négatif ».

 

© Laurent Segretier

 

En tout cas, Ricky souligne à quel point les femmes sont une source constante d’inspiration dans sa vie artistique. « Les femmes m’influencent beaucoup dans mon art en général… Pour moi, la femme occupe une place centrale. Et s’il n’y avait pas les femmes, je ne sais pas si j’aurais beaucoup de choses à te dire ». Il met en avant Lean Chiiro, une artiste qu’il admire pour sa capacité à rester fidèle à son univers underground, refusant de céder aux impératifs de la popularité au profit d’une expression artistique authentique. Cette philosophie résonne avec Ricky, qui valorise l’intégrité artistique tout en cherchant à élargir son impact. Il cite également des collaboratrices clés comme Paola, fondatrice de la marque Personalities Studio, dont l’esthétique et l’approche artistique influencent son travail, ainsi qu’Alyssa, chargée de production, qui joue un rôle essentiel dans la concrétisation de ses projets visuels. Ces femmes, par leur créativité et leur expertise, enrichissent profondément l’univers de Ricky Bishop, soulignant l’importance des contributions féminines dans l’épanouissement de sa vision artistique.

 

Ricky Bishop : une vision moderne et globale

Dans ce contexte, Ricky Bishop s’impose comme une figure centrale de cette transformation. Avec des titres festifs et novateurs, il porte une vision universelle du bouyon. #NewBouyon n’est pas simplement un projet musical : c’est une déclaration. Ricky montre que la musique antillaise peut s’exporter, évoluer et séduire de nouveaux publics tout en restant fidèle à ses racines.

En intégrant des éléments de franglais et des rythmiques électroniques, il ouvre la voie à un bouyon accessible au-delà de son public traditionnel. Kongolose sous bbl de Theodora illustre également cette évolution. Ces artistes prouvent que la musique caribéenne n’est pas figée et qu’elle peut trouver une place sur la scène mondiale, sans jamais sacrifier son identité. Ricky, en particulier, parvient à mêler authenticité et innovation de manière remarquable.

 

© Laurent Segretier

 


Ricky
, d’origine guadeloupéenne, reconnaît l’influence de la Caraïbe sur son travail, mais n’hésite pas à souligner l’importance des Etats-Unis dans ses inspirations : « C’est une musique que j’affectionne, il n’y a pas forcément un artiste qui m’a donné envie de faire ça. Mais oui, il y a des influences américaines. Je viens de Guadeloupe, c’est la Caraïbe, mais c’est l’Amérique. » En expliquant les racines caribéennes du bouyon : « Je trouve que justement, c’est le paroxysme de ça. […] Ça vient de la Dominique, et les Dominicains parlent anglais, comprennent le créole, le français. Donc déjà, du fait des origines, c’est logique qu’on en vienne là ».

En réponse à une remarque sur Lil Uzi Vert (« Mon père a senti une influence de Lil Uzi Vert. Est-ce que tu peux confirmer ? ») : « (Rires) Ouais, je peux confirmer à 100% ».

Il aborde également l’évolution du bouyon, un genre qui, selon lui, reste en perpétuelle mutation : « Peut-être qu’en 2025, il y aura plus de gens qui vont être intéressés par ça ». Cette projection dans l’avenir montre bien à quel point Ricky croit au potentiel de son genre, qu’il contribue activement à redéfinir avec sa propre vision. « Je pense qu’avec ma musique, avec #NewBouyon et mon approche, j’ai ramené une nouvelle façon de voir les choses, c’est sûr. »

 

Le style comme prolongement de l’identité artistique

En plus de redéfinir les codes musicaux, Ricky Bishop s’impose également comme une figure influente dans l’univers de la mode. Autrefois adepte des grandes marques de luxe telles que Marni et Gosha Rubchinskiy, il a aujourd’hui choisi de privilégier les créations issues de son entourage proche. Cette démarche, plus authentique et communautaire, reflète son attachement à soutenir les talents émergents. Parmi ces marques, Pieceofshit, occupe une place de choix dans son vestiaire. À travers ce choix, Ricky fait de la mode un prolongement de sa vision artistique : un mélange d’audace, de connexion locale, et d’une volonté de mettre en lumière les créateurs de sa génération. Cette approche renforce son image d’artiste enraciné dans sa culture, mais résolument tourné vers l’avenir.

 

 

Le bouyon comme pont culturel

Au-delà de son aspect musical, #NewBouyon réinvente également le rôle du bouyon en tant que pont entre cultures. En mêlant créole, français et anglais, Ricky Bishop ne fait pas seulement un choix stylistique : il reflète une réalité culturelle où les identités sont multiples et connectées. Cette hybridité linguistique et sonore est une réponse aux attentes d’une génération cosmopolite et digitalisée.

Mais ce succès n’est pas sans obstacles. Le bouyon, encore parfois incompris par les mentalités occidentales, lutte pour s’imposer comme un genre légitime sur les grandes scènes internationales. Pourtant, des artistes comme Ricky et d’autres du #Newbouyon changent progressivement cette perception. Leur talent, leur modernité et leur créativité sont en train de redéfinir l’image du bouyon dans le monde.

L’authenticité, dans un paysage musical où les influences se mélangent sans cesse, reste au cœur de son projet artistique. Pour Ricky, « Le but, c’est de rester authentique. Peu importe la rythmique ». Cette quête de vérité et de sincérité est ce qui, selon lui, nourrit l’essence même de sa musique, et ce qui fait écho auprès de son public.

 

 

Avec #NewBouyon, Ricky Bishop prouve que la culture antillaise a sa place dans le paysage musical global. Il ne s’agit pas simplement de surfer sur des tendances, mais de célébrer un héritage riche tout en regardant vers l’avenir.

 

#NewBouyonExperience

Au-delà des concerts, il a initié une série d’événements immersifs pour partager son univers musical de manière plus vivante. « Avec [l’EP] #NewBouyon, j’ai lancé ce qu’on appelle la #NewBouyonExperience. Ce ne sont pas des concerts, mais des soirées. […] On va ambiancer la soirée pendant 2h, 2h30, et je vais performer quelques sons. »

Enfin, Ricky se positionne clairement comme un acteur essentiel de la scène musicale actuelle. Il se voit lui-même comme un moteur pour la génération actuelle : « Je supporte à 100% la New Wave et je donne la force aux artistes avec qui je résonne ». Un message d’encouragement et de soutien pour les artistes en devenir, et une vision affirmée d’une scène musicale bouillonnante et en constante évolution.

Alors, que vous soyez fan de rythmes électrisants ou curieux de découvrir une musique vibrante et novatrice, #NewBouyon est une expérience incontournable. Une œuvre où le passé rencontre le futur, où la tradition rencontre l’innovation.

Prêts à rejoindre la new wave ?

 

 

 

Texte Emmamori Charles-Angèle

Image de couverture Laurent Segretier