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La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.
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SUZANE – LENDEMAIN DE FÊTE
Avec Lendemain de fête, l’un des titres marquants de son nouvel album Millénium, Suzane signe un hymne pop. Sur une rythmique syncopée, la chanteuse martèle ses « Faites » comme autant de slogans de liberté. Et pourtant, derrière la pulsation dansante le monde vacille, et la fête devient un acte de survie, presque de résistance autant qu’une fuite. Le titre évoque immanquablement Stromae dans sa façon de faire danser sur un malaise. À l’image de son refrain lancinant, Lendemain de fête capte le paradoxe de toute une génération : vivre à fond dans un monde à bout de souffle. Tout l’album s’inscrit dans cette tension. Co-composé et produit par Valentin Marlin, Millénium marque un tournant dans le parcours de Suzane : plus mature musicalement, plus intime et plus affirmé. C’est aussi un album du corps et du combat. Dans le percutant Je t’accuse, Suzane aborde pour la première fois les violences sexuelles qu’elle a subies. Le morceau, cru, sans détour, bouleverse. Ailleurs, elle dénonce la perte de repères dans un monde ultra-connecté (Humanoïdes), questionne les rôles assignés, défend la liberté d’être soi. Si ses textes restent ancrés dans une réalité parfois dure, elle y glisse une foi tenace en l’humain, en la tendresse, en une possible lumière. L’univers visuel de l’album prolonge cette ambition : stylisé, affirmé et profondément incarné. Chaque clip, chaque photo raconte la même chose : un refus de se fondre, de se taire, de rentrer dans les cases. Le duo inattendu avec Youssoupha vient ajouter une profondeur nouvelle, un dialogue sincère entre deux artistes portés par l’urgence de dire. Avec Millénium, Suzane réussit à transformer sa pop en outil de résistance. C’est un disque qui regarde le monde droit dans les yeux et qui choisit malgré tout de danser. Parce que parfois, faire la fête est une façon de rester vivant. (LFC)
Lendemain de fête est disponible via Projet.S/3éme Bureau/Wagram Music. En tournée et à Paris (Zenith) le 21 mars 2026.
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CHET FAKER – THIS TIME FOR REAL
Troisième extrait du très attendu A Love For Strangers, dont la sortie est prévue pour le 13 février 2026, This Time for Real consacre le retour d’un Chet Faker à la fois apaisé et galvanisé. Après plus d’une décennie de mues, de retraits et de renaissances, Nick Murphy signe ici un morceau lumineux, porté par une énergie de renouveau qui réaffirme tout ce qui fait la singularité de son art. This Time for Real est une ode à la rédemption personnelle et émotionnelle, le choix d’aimer et de vivre pleinement, sans tricher. Après avoir chanté la fatigue de l’amour dans Far Side of the Moon et la fragilité du lien dans Inefficient Love, Chet Faker choisit ici la lumière. Le titre s’ouvre sur un piano qui semble sorti des années 70, bientôt enveloppé par la voix de Faker. Sa production, subtile et texturée, retrouve cette élégance mêlant soul et electronica, qu’on croyait réservée à Built on Glass. La vidéo, à la fois légère et symbolique, agit comme une métaphore d’une liberté retrouvée, mais aussi du mouvement incessant qui définit son parcours : la quête de sincérité, le rapport au succès et ce besoin vital de revenir à soi sans renoncer à l’élan créatif. À travers ce nouveau single, Murphy boucle la boucle. De ses débuts sous l’alias Chet Faker en 2011, jusqu’à sa période plus expérimentale sous son propre nom (Music for Silence), il n’a cessé de brouiller les pistes : jazz, soul, R&B électronique, ambient, pop de l’intime. Aujourd’hui, il semble avoir trouvé le juste équilibre, une musique plus libre. A Love For Strangers est un album de maturité et de renaissance. Chaque titre explore une facette différente du rapport à l’amour, à la perte et à l’acceptation. Entre ballades mélancoliques (Can You Swim, The Thing About Nothing en duo avec aLex vs aLex), textures électroniques et organiques (Over You, 1000 Ways) et dialogues de voix, Chet Faker trouve ici la juste mesure entre émotion et raffinement musical. «Would you let me belong / before you let me go? / It’s just my Hallelujah », chante-t-il à la fin de l’album. La trilogie This Time for Real, Far Side of the Moon et Inefficient Love est à l’image de cet album : belle et chaleureuse, mêlant authenticité, émotion et lumière. Murphy semble se réconcilier avec son propre art. Et si le titre de cet album à venir, A Love For Strangers, évoque l’ouverture à l’autre, il parle avant tout d’un retour à l’essentiel : aimer la vie, la musique, et soi-même. (LFC)
Inefficient love est disponible via Detail Records/BMG Rights.
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L’USINE – FRS TAGA
Frs Taga signe son grand retour avec L’Usine, un titre fort qui résonne comme un cri du cœur. Ancien salarié de l’usine Pasquier près de Saint-Étienne, le rappeur continue de donner la parole à cette France invisible dont il a longtemps fait partie. Avec son sens affûté de la punchline, il dépeint le quotidien du travail à la chaîne, la clope au coin des lèvres, le café froid, le chef qui presse et les collègues qui craquent. Entre réalisme social et colère contenue, L’Usine capte la dignité des gestes, la fatigue des corps et l’absurdité des cadences. Le bruit métallique des machines devient matière sonore, la rythmique se fait souffle, et la plume de Frs Taga transforme le labeur en manifeste. Un morceau brut, lucide, profondément humain, comme un coup de poing sur la table et une main tendue à tous ceux qui triment dans l’ombre. (SK)
L’Usine est disponible via Tie Break Music.
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LOS FANFARONS – CE DRAGON-LÀ
Avec Ce Dragon-là, extrait de leur premier album Ventilo, Los Fanfarons dévoilent une facette plus introspective de leur univers. Le duo formé par Cléa Vincent et Romain Sanderre continue de brouiller les frontières entre pop, électro et house, mais troque ici la légèreté festive pour une tension plus intérieure. Le morceau conserve ce qui fait la signature du groupe : une production fine, du groove, une écriture colorée. Mais la danse semble cette fois plus méditative. Tout commence au Pop In, haut lieu de scène ouverte et de concerts, dirigé par l’inoubiable Denis Quélard. Dans ce lieu devenu mythique, des familles musicales et humaines se sont formées – à l’image de Cléa Vincent, Romain Sanderre, Kim Giani, Guillaume Léglise, Saint Dx, Victorine… De cette effervescence sont nées des affinités artistiques solides, un esprit collectif et une envie partagée de liberté créative, que l’on retrouve aujourd’hui dans le projet Los Fanfarons. Le clip, réalisé par Roberto Cicogna, prolonge cette idée d’expérience sensorielle. Dans le décor du Magical Dragon Kitchen, chaque plat devient un voyage. Derrière cette mise en scène singulière, on retrouve deux trajectoires artistiques complémentaires : celle de Cléa Vincent, figure libre de la pop française, toujours en mouvement entre ses projets solo, ses collaborations et ses DJ sets ; et celle de Romain Sanderre, passé par Bengale, formation bordelaise de pop poétique, avant de se plonger dans les textures électroniques et la production. Ensemble, ils ont trouvé un équilibre entre hédonisme et quête de sens. Avec Ce Dragon-là, Los Fanfarons prouvent qu’ils savent faire danser les ombres autant que la lumière. Un titre d’un premier album qui respire le plaisir et la liberté, les deux moteurs d’un duo qui compte bien revenir avec un nouvel album en 2026. (LFC)
Ce Dragon-là est disponible via Music Work/Ryanu Prod. En DJ set à Paris (Miniwax) le 26 octobre 2025 à partir de 15 h. Free.
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VALÈRE – GALAXIE
Après Flegme, son premier EP paru en 2024 et fort de près de 500 000 écoutes, Valère revient avec Miroirs, un disque plus dense, où la pop française retrouve son élégance organique. Porté par la production fine de Montmartre (alias Hugo Lab, ex-The Enjoys) et la section rythmique de L’Impératrice, ce nouvel ensemble de six titres prolonge la ligne esthétique esquissée sur Flegme : une pop solaire, à la croisée de la house, du funk et de la mélancolie. Galaxie avec ses accords de guitare à la Nile Rodgers explore la sensation vertigineuse de se sentir minuscule face à l’immensité du monde, un thème récurrent chez Valère, déjà présent dans ses textes sur le temps qui passe et la fuite du quotidien. À seulement 27 ans, Thomas Vrignat, de son vrai nom, trace un parcours singulier. Ancien guitariste-choriste du groupe pop Les Swans (Walk, Wake Up, Sauvage), il a forgé sa science du gimmick et du refrain entêtant avant de se lancer en solo. Dès 2020, sa collaboration avec le producteur australien La Félix sur Be With You Tonight (Kitsuné, 2,5 millions d’écoutes) annonçait déjà son goût pour les productions raffinées et la disco-pop sophistiquée. Sur Miroirs, Valère compose désormais à quatre mains avec Hugo Lab, dans un processus de co-création plus ouvert : les idées naissent au studio, s’affinent au contact des machines et des boîtes à rythmes, dans une approche plus instinctive et partagée. Le résultat sonne plus libre, plus assuré. Les rythmes sont plus charnels, soutenus par la basse ronde de David Gaugué et la batterie groovy de Tom Daveau, piliers de L’Impératrice. Avec les dansants Vinyle et Tiroirs, Valère poursuit son exploration d’une pop « joliment sentimentale », capable de faire bouger les corps autant que les pensées. Avec Miroirs, il confirme son rang de nouvelle voix de la pop électro française, qui groove vraiment. (LFC)
Galaxy est disponible via MFF Records.
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PUMA BLUE – DESIRE
Depuis ses débuts avec Swum Baby (2017) et Blood Loss (2018), Jacob Allen, alias Puma Blue, explore une zone trouble entre la soul, le jazz et l’électronique. Sa voix feutrée, ses guitares réverbérées et son goût du silence composent une musique nocturne, née de longues années d’insomnie. Cet état entre veille et rêve, imprègne aussi ses albums : In Praise of Shadows (2021) abordait la peur, la perte et la reconstruction ; Holy Waters (2023) parlait de mort et de renaissance, avec une sensualité presque spirituelle. Avec Desire, premier extrait de son prochain disque Croak Dream (06/02/26), Allen poursuit cette quête d’équilibre entre fragilité et intensité. Né d’un simple enregistrement guitare-voix capté sur son téléphone, Desire conserve la rugosité du son tout en laissant transparaître une émotion à nu. Porté par des breaks jungle et une tension presque physique, le titre expose un chant à fleur de peau. « Je voulais que ce titre soit viscéral, imparfait, vivant. C’est une chanson d’amour, pleine de désir, mais aussi une manière d’assumer une forme de liberté sonore », dit Allen et c’est précisément cette imperfection qui ensorcelle. Enregistré en partie aux Real World Studios de Peter Gabriel et co-produit par Sam Petts-Davies (The Smile, Frank Ocean), les onze titres de Croak Dream s’annoncent comme une évolution du son : un disque où le jazz lo-fi croise le trip-hop, la dub-techno, la jungle et l’électronique expérimentale. On y retrouvera sans doute cette tension propre à Puma Blue, pour qui chaque chanson est un rêve lucide, un dialogue intime entre le corps, le son et la nuit. (LFC)
Desire est disponible via PIAS. En concert à Paris (Trabendo) le 23 mai 2026.
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BONNIE BANANE – HOES OF NA
Pour la bande-son du week-end, on s’arrête sur Hoes Of Na, le nouveau single de Bonnie Banane issu de l’album Nini. Le morceau démarre sur une injonction presque rituelle : « Welcome to namaste / You hoes of namaste ». L’artiste y mêle un mélange singulier de mantra, d’ironie et de danse intérieure. Les paroles invitent à « mettre chien tête en bas », « tendre jambes et bras », dans un décor qui oscille entre yoga mystique et performance décalée. Musicalement, Bonnie Banane se joue des codes de l’alternative pop et de l’expérimentation : elle module la voix, joue sur les espaces entre parole chantée et récitation, installe une tension constante. Le sous-texte est là : une satire douce, un questionnement sur l’attitude, l’auto-mise en scène, l’étiquette de « hoes of … ». L’énergie est à la fois légère, presque flottante, et sous-jacent grave : elle invite à prendre part tout en observant ce qui se joue. Le clip quant à lui est réalisé dans un décor épuré, Hoes Of Na traduit en images ce mélange de dérision et de sensualité propre à Bonnie Banane. Les corps s’étirent, se plient, se dédoublent presque dans une chorégraphie entre yoga, trance et performance contemporaine. La caméra, toujours proche, capte les micro-expressions, les respirations, la chaleur de la peau. Avec Hoes Of Na Bonnie Banane crée un objet hypnotique, drôle et sensuel, fidèle à son univers : celui d’une artiste qui se rit des codes tout en en inventant de nouveaux. (SK)
Hoes Of Na est disponible via Péché Mignon – Grand Musique Management.
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