Chaque semaine, Modzik propose sa bande son à travers une sélection de clips vidéos. Mais il arrive souvent qu’on ne trouve pas le clip du morceau qu’on adore, tout simplement parce qu’il n’existe pas.

 

Les productions se font plus rares, notamment pour les artistes que nous aimons suivre, souvent indépendants ou en dehors des circuits ultra-formatés. Le clip musical, autrefois pièce maîtresse du marketing artistique, n’occupe plus la même place centrale. De nombreux artistes, jeunes ou confirmés, le considèrent aujourd’hui comme un format parmi d’autres, à utiliser avec parcimonie, selon les objectifs et les moyens disponibles.

La montée en puissance des formats courts, l’évolution des usages du public, la pression des algorithmes, mais aussi la transformation des canaux de diffusion ont poussé les artistes à repenser leur stratégie.
Mais dans ce paysage en mutation, le clip n’a pas disparu : il a changé de forme, de fonction… et parfois de format.

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La transformation des diffuseurs classiques : un facteur clé dans le recul du clip

Il fut un temps où des chaînes comme MTV, son équivalent français MCM, NRJ Hits, Trace ou W9 constituaient de véritables carrefours d’audience. Diffuser un clip en rotation garantissait visibilité, notoriété et souvent ventes.
Les labels investissaient alors massivement dans ce format, car le retour sur image était tangible.

Aujourd’hui, ces relais traditionnels ont perdu en influence, en particulier auprès des jeunes générations. Les audiences se sont fragmentées, les chaînes se sont réorientées vers des programmes de divertissement ou lifestyle. Résultat : la diffusion télévisuelle d’un clip n’est plus un levier marketing direct, sauf dans certaines niches.

La disparition progressive de ces relais a logiquement entraîné une baisse des investissements dans les clips classiques : leur rentabilité n’est plus assurée. Le clip devient alors moins une porte d’entrée vers le public qu’un élément de crédibilité visuelle et artistique.

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Scream, réalisé par Mark Romanek , est le clip video le plus cher de l’histoire avec ses 7 millions de dollars.

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Des clips coûteux pour peu de retours directs

Produire un clip professionnel peut coûter entre 5 000 et 100 000 €, voire beaucoup plus pour les projets ambitieux. En comparaison, les retombées via YouTube restent modestes (entre 500 et 2 000 € par million de vues).

Avec la perte des relais télévisés et la saturation des plateformes, les artistes réorientent leurs budgets vers des formats plus courts, Reels, TikTok, Shorts, pour un coût maximal de 10 000 € qui génèrent souvent un retour sur investissement plus rapide et plus mesurable.

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YouTube : toujours incontournable, mais différemment utilisé

Les jeunes continuent d’utiliser massivement YouTube, mais leur manière de consommer a évolué.
Les titres sont souvent découverts via TikTok ou Instagram, avant que les auditeurs ne se rendent sur YouTube pour voir le clip, parfois sous forme d’extraits verticaux.
Le clip devient alors une étape secondaire, non plus le point d’entrée vers une chanson.

Il conserve néanmoins une force narrative : c’est un outil de storytelling visuel. Mais seul, il ne déclenche plus une carrière ou un tube, il s’inscrit dans un parcours de consommation multi-plateformes.

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Les formats courts dominent

TikTok, Reels et Shorts permettent de promouvoir un titre en quelques secondes, avec souvent plus de viralité qu’un clip traditionnel. Ces formats favorisent aussi une connexion plus directe avec le public, à moindre coût et avec une production rapide.

Un simple Reel bien pensé peut propulser un morceau, avant même la sortie d’un clip. Ce phénomène bouleverse complètement l’ordre établi de la promotion musicale. Ainsi, le morceau de PinkPantheress Boy’s a liar Pt. 2 (feat. Ice Spice) a explosé sur TikTok avant même que le clip ne soit disponible. Le clip officiel, très simple, est arrivé ensuite comme complément visuel plutôt que comme levier de lancement.

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Une charge de travail devenue lourde pour les artistes

Mais cette nouvelle dynamique a un coût humain. Produire du contenu quotidien, suivre les tendances, interagir avec sa communauté : cela devient un second métier.
De nombreux artistes expriment une certaine lassitude, voire un rejet du rythme effréné imposé par les plateformes. Ce modèle favorise les profils ultra-connectés ou bien accompagnés, mais il peut rapidement épuiser les artistes indépendants.
Doja Cat en est un exemple emblématique : elle partage en continu son processus créatif sur les réseaux  : extraits de morceaux, essais visuels, looks, lives… Dans ce flux permanent de contenus, le clip n’est plus central ; il devient un contenu parmi d’autres, intégré à une production constante dictée par l’attention des algorithmes.

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Un clip peut aussi être simple, rapide, et authentique

En réaction, une autre tendance émerge : faire plus avec moins.

Avec un smartphone et une idée forte, on peut désormais créer un clip en plan-séquence, filmer dans un lieu du quotidien, miser sur l’émotion et la spontanéité plutôt que sur la surproduction.
Certains artistes choisissent une esthétique brute, plus en phase avec leur image et l’esprit de l’époque, tout en conservant un contrôle total sur leur production.
C’est le cas du clip Auburn de Lomepal, avec ses caméras portées, ses images non stabilisées et son atmosphère intimiste, proche du documentaire. Ou encore de Your Power de Billie Eilish, tourné en plan fixe dans le désert, sans effets spéciaux ni narration complexe : une mise en scène dépouillée, mais une forte charge symbolique. Dans les deux cas, la simplicité technique renforce l’authenticité du propos.

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Cela illustre bien la volonté de contrôle créatif et de proximité avec le public.

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Le clip en pleine mutation

Le clip musical n’a pas disparu : il a simplement évolué. Sous pression économique et face à la domination des réseaux sociaux, il n’est plus l’unique outil de promotion. Les formats courts sont devenus prioritaires, mais le clip reste pertinent, à condition d’être pensé intelligemment, en fonction des moyens, et intégré à une stratégie globale.
Et si le clip cinéma est parfois mis de côté, le format iPhone + idée + émotion s’impose comme une alternative crédible, rapide et créative.

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La révolution des clips vidéo musicaux grâce à l’IA

L’intelligence artificielle transforme en profondeur la création de clips musicaux. En quelques clics, il est désormais possible de générer des visuels, des animations ou des montages à partir d’une chanson ou de simples instructions textuelles. Cette accessibilité ouvre une nouvelle ère de créativité, y compris pour les artistes aux moyens limités.
Le clip de Hard to Say Goodbye de Washed Out en est un bon exemple : entièrement généré par IA, à l’aide d’outils comme Runway ou des GANs, il propose un voyage visuel abstrait et hypnotique — sans aucun tournage réel.

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Mais cette démocratisation soulève aussi des enjeux : la place de l’humain dans l’acte de création, la standardisation des styles générés par les mêmes outils, ou encore les questions de droits d’auteur quand l’IA s’inspire d’œuvres existantes. Le véritable défi sera de faire de l’IA un levier au service d’une vision artistique — et non un substitut à l’originalité humaine.

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Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture LFC (avec l’aide de l’IA)

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