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Un commencement est un dialogue. Ainsi s’ouvre le premier geste artistique de Simone Bellotti à la tête de Jil Sander, maison emblématique du minimalisme intellectuel et sensuel fondée en 1968 à Hambourg, passée sous pavillon italien à l’aube des années 2000. Avec une élégance feutrée, Bellotti inaugure son ère non pas par un défilé, mais par un projet sensoriel où le son et l’image prennent le relais de la couture.
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Ce choix n’a rien d’anodin : il raconte déjà tout de l’approche de Bellotti. Avant d’arriver chez Jil Sander en 2025, cet Italien discret et affûté a passé seize ans chez Gucci, sculptant les détails dans l’ombre, avant de signer une parenthèse très remarquée chez Bally. Un créateur qui préfère l’impact émotionnel au spectaculaire. Chez lui, la forme n’est jamais vide, elle est guidée par une volonté de créer des atmosphères.
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Résonance inaugurale
Pour cette première proposition artistique, Bellotti choisit de ne pas créer une collection, mais une ambiance. Accompagné du musicien électronique Bochum Welt (alias Gianluigi Di Costanzo), il compose une œuvre à la fois visuelle et sonore : un clip intitulé Wanderlust, adossé à un EP de sept titres, où s’entrelacent rythmes électroniques cristallins et narration poétique.
Tournée à Hambourg, ville natale de la maison, la vidéo suit un parcours à mi-chemin entre le journal intime et le cinéma urbain. On y voit le port, des instants volés, des visages non castés, des scènes du quotidien confrontées à des compositions ultra-visuelles. Entre port industriel et lueurs ensoleillées de la campagne, Hambourg devient miroir de la maison Jil Sander.
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La musique comme matière première
Le choix de la musique n’est pas un simple accompagnement : il s’agit du cœur du projet. La collaboration avec Bochum Welt – subtil alchimiste d’un son électronique à la fois expérimental et profondément émotionnel – permet à Bellotti de souligner un motif fondamental dans l’ADN de Jil Sander : la dualité.
Entre rigueur et abandon, structure et flou, ligne et matière, la maison a toujours navigué entre opposés avec précision. Le titre de l’EP, Wanderlust, et ses pistes évocatrices (Crystal Ice, Night’s Frost, More Light) traduisent ce tiraillement permanent entre contrôle et sensation.
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Quand l’espace devient partition
Ce projet, dévoilé lors d’un événement intimiste à l’OHG Hamburg le 15 juillet, donne le ton de l’ère Bellotti : introspective, sensorielle, engagée dans une esthétique du sentiment. Le lieu, une ancienne usine transformée en espace culturel, incarne le même contraste que le projet.
La projection s’est accompagnée d’un live de Bochum Welt, d’un DJ set supervisé par Ruggero Pietromarchi, et d’une expérience culinaire signée Fabio Haebel, chef local reconnu pour sa cuisine saisonnière épurée.
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Jil Sander, le son du style
Plus qu’un geste artistique isolé, Bellotti inscrit ce projet dans une démarche durable : intégrer la musique au cœur de l’identité de Jil Sander. Un choix audacieux mais logique pour une maison qui a toujours revendiqué un langage sensoriel et intellectuel, où le vêtement ne se contente pas d’habiller, mais cherche à exprimer un état d’esprit.
Avec ce préambule sensible, Simone Bellotti ne tourne pas la page de l’histoire Sander, même si la marque est passée sous pavillon italien depuis 2000. Il en rejoue la partition, en ajoutant sa propre modulation : plus émotionnelle, plus fragile. Et c’est dans cette fragilité assumée que réside la modernité. Son premier défilé pour la maison est attendu en septembre 2025, et tout porte à croire qu’il poursuivra cette recherche de l’essentiel – entre tension, sensation et poésie contenue.
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Image de couverture Jil Sander