Fragile, la musique de Porcelain Raft (http://porcelainraft.bandcamp.com/) a gravi en deux ans les hauteurs du fantastique en restant proche d’un réalisme frappant. Mauro Remiddi, italien, ex-londonien, nouvellement new-yorkais, touche juste, raconte le vrai mais le sublime de ses couches synthétiques et de sa voix cotonneuse. Si fragiles, ses sons ne menacent pourtant pas de se briser à la moindre pichenette électrique, car ils s’élèvent à travers chaque morceau, chaque EP pour aboutir sur un disque : Strange Weekend, bande-originale absolue de chaque rayon de soleil, de chaque sourire en coin, de chaque mélancolie. Mauro Remiddi est comme l’élève qui ne demanderait qu’à apprendre de ses propres créations, il tend vers l’absolu, l’infini, le beau. Et le touche sans vraiment le savoir. Mais le jour où il l’aura atteint, que se passera t-il ? Laissons-les oracles faire leur travail. La musique de Porcelain Raft nous parle de présent et ne s’achève jamais. Ce qu’il nous livre à chaque sortie ressemble à la vérité, l’indicible. Sur scène, d’introverti, derrière sa grosse guitare et ses machines, il prend aujourd’hui une belle assurance mais garde une sensibilité inégalable. Seul, parfois accompagné d’un batteur, il a assuré la première partie de la tournée européenne de M83 avec brio et continue sa route vers une destination qu’on ne saurait encore trop discerner. 

Comment s’est passée la tournée avec M83 ? 

Ça a été super, j’ai beaucoup appris. C’est excitant de voir toutes ses salles remplies d’amoureux de la musique. 

Pourquoi l’album a-t-il mis deux ans à se construire ? 

Parce que je voulais vraiment faire des concerts, tourner. J’ai fait ça pendant un an, il était donc temps d’enregistrer je crois… Maintenant, je suis à nouveau sur les routes. 

Vous préférez le format EP ? 

Ça dépend. L’EP ressemble au format des nouvelles en littérature. 

Comment avez-vous travaillé sur cet album ? Et pourquoi ce titre Strange Weekend ? 

Je l’ai enregistré dans une cave à Brooklyn, tout seul, ensuite Chris Coady l’a mixé. Je l’ai appelé Strange Weekend parce que je voulais donner à cette album une vision à très court terme, comme un instantané. Tout ce qu’il m’est arrivé pendant ces deux jours est dans cet album, ça n’a rien à voir avec le passé ou le futur, c’est à propos de moi, aujourd’hui. 

Aujourd’hui, le DIY devient presque une religion, comme vous l’expliquez ? 

Je crois que c’est très simple, les gens n’ont pas assez d’argent à dépenser dans des grands studios. La meilleure chose à faire c’est d’utiliser ce que tu as à disposition et d’en sortir le meilleur.

Vous avez dit tenter de « construire une cathédrale sous l’eau », est-ce que vous avez réussi à vous construire ?

Le temps le dira… Je viens juste de commencer. 

Vous enregistrez beaucoup, comment vous viennent toutes ces idées ? 

Je crois que dans la vie, vous pouvez choisir entre deux choses : l’argent ou le temps. Je choisis le temps, le temps est ma monnaie d’échange. Je veux être sûr que je passe mon temps à faire ce que j’aime, être fauché n’est pas un problème pour moi. J’ai été chanceux et j’ai été aidé pour dédier mon temps à la musique. 

Comment vous concevez vos vidéos ? Les sons et les images sont-ils automatiquement reliés dans votre esprit?

Ils sont reliés en chacun de nous, certains en sont conscients et jouent avec. 

Pourquoi avoir quitté Londres ? 

La vie m’a emmenée à New York, j’ai joué une fois là-bas il y a un an, j’ai aimé cette ville et ses gens, et j’y ai rencontré la femme de ma vie… Trop de raisons pour m’y installer… 

Par Cécile Becker 

Photo Jennifer Medina