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En janvier dernier, Ethel Cain dévoilait Perverts sur son label Daughters of Cain : un album radical mêlant drone, dark ambient et field recordings. Et aujourd’hui, la chanteuse revient en princesse de la pop gothique alternative américaine avec son deuxième projet de l’année, Willoughby Tucker I’ll Always Love You.
Ce nouvel album concept n’est autre que ce que les fans de la chanteuse, la communauté auto-baptisée des Daughters of Cain, considéraient alors comme le B-sides project. Titre choisi comme représentation d’une histoire parallèle ou antérieure à son œuvre Preacher’s Daughter. Cet opus, qui racontait l’histoire tragique du personnage d’Ethel, introduisait déjà la figure de Willoughby Tucker dans la poignante A House in Nebraska, évoquant ce premier amour adolescent obsédant.
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Un préquel entre ambient/drone et storytelling gothique
Willoughby Tucker, I’ll Always Love You apparaît alors comme une fusion de ces influences : Cain y mêle explorations ambient/drone et narration viscérale gothique. Le préquel dévoile la genèse du drame et la romance adolescente entre Ethel et Willoughby, sur fond de Midwest précaire, d’addictions et de blessures familiales.
Chaque morceau s’écoute comme une scène de film : Dust Bowl esquisse le portrait d’un Willoughby abîmé, tandis que les instrumentaux (Willoughby’s Theme, Willoughby’s Interlude) plongent dans une ambiance languissante et résolument lynchéene. D’ailleurs, la chanteuse elle-même revendique l’influence lyrique et cinématographique de Twin Peaks, notamment sur l’instrumental Willoughby’s Theme. Elle a même expliqué en interviews et sur les réseaux sociaux avoir « fait la chasse » pour retrouver les synthés utilisés pour la bande son de la série culte. Comme un écho à Laura’s Theme, iconique chanson instrumentale de la série, Willoughby’s Theme devient alors l’identité sonore du personnage, empreint d’une étrangeté douce et inquiétante, entre beauté et noirceur.
Les deux premiers singles Nettles et Fuck Me Eyes ont rapidement confirmé ce ton sombre, puis qu’étant des chansons aux sonorités plus pop folk, devenant les images d’une tension émotionnelle entre fascination, désir et danger. Là où Nettles traduit l’inquiétude d’Ethel face à l’état de son amour (le sentiment tant que l’objet), Fuck Me Eyes explore l’obsession d’Ethel pour une féminité illusoire et la jalousie qu’elle suscite.
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Dust Bowl, déjà présente sur SoundCloud plusieurs années avant la sortie officielle de l’album, est rapidement devenue une favorite des fans. Construit autour de sonorités shoegaze et d’arrangements minimalistes, la voix d’Ethel Cain s’y déploie en un souffle fragile.
Un sommet dramatique est atteint avec la chanson Tempest : tournant symbolique et narratif de l’album, qui donne voix à Willoughby lui-même. Le morceau explore son chaos émotionnel : conflits familiaux, précarité du Midwest, addictions et regrets se mêlent pour dépeindre une descente aux enfers psychique et physique. L’image même de la tempête, météorologique et intérieure, illustre la violence qui submerge le personnage jusqu’à la rupture.
Et c’est avec Waco, Texas, très attendue de la fanbase, que s’achève cette nouvelle épopée. La musique, épurée et dramatique, souligne la tension finale du récit. D’abord centrée sur la perte et l’absence de Willoughby, elle laisse ensuite en bouche le goût amer de la culpabilité : celle de la protagoniste.
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Beauté et catharsis : confirmation d’une artiste
Si Preacher’s Daughter racontait la fuite et à terme, la mort, Willoughby Tucker, I’ll Always Love You explore la naissance du drame, la nostalgie obsessionnelle d’un Nebraska rêvé, et l’origine des douleurs d’Ethel. En hybridant ses expérimentations ambient et drone à une narration folk et gothique, Cain confirme son génie et assoit son identité musicale. La richesse d’écriture, la cohérence visuelle, l’influence lynchéenne et la puissance émotionnelle consacrent Ethel Cain comme architecte d’une Amérique en ruines, et en proie à des fantômes encore bien vivants.
Willoughby Tucker I’ll Always Love You est disponible via Daughter of Cain Records. En concert à Paris (Olympia) le 8 octobre 2025.
Texte Tiphaine Riant
Image de couverture @expiredidealist