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La Fashion Week de Milan, qui s’est clôturée dimanche dernier par un défilé émouvant en hommage à Giorgio Armani, a tenu toutes ses promesses. La classique bataille italienne entre tradition et modernité s’est, cette saison, jouée à la fois entre minimalisme et maximalisme, mais aussi entre anciens et nouveaux visages de la mode. Zoom sur ce qui a fait vibrer Milan et ce qui nous fera vibrer demain.

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Minimalisme VS Maximalisme

Sur les podiums de la saison printemps-été 2026, une véritable bataille de couleurs, de formes et de styles a divisé les créateurs de mode. D’un côté, les minimalismes – Prada, Max Mara, Ferrari – dont les collections exploraient une palette de couleurs restreinte et neutre (sauf pour Prada !), allant du blanc au noir en passant par le beige et le gris. Les silhouettes aux shapes mini retravaillaient largement le vestiaire du workwear. De l’autre, les maximalistes, tels que Diesel, Fendi et Moschino, qui n’ont pas hésité à briser l’ambiance solennelle du « fashion is serious » pour s’amuser avec les codes de nos vestiaires.

La maison italienne Prada, codirigée par Raf Simons et Miuccia Prada, a articulé sa collection autour du thème de la déconstruction de nos habitudes vestimentaires, dans le but de se libérer de l’« overload » de culture contemporaine qui nous étouffe. Un pari risqué qui n’a fait l’unanimité, et qui aurait sans doute mérité d’être un peu plus précis dans les compositions stylistiques. Chez Max Mara, Ian Griffiths, directeur artistique de la marque, a imaginé la garde-robe de la femme d’affaires moderne, pilates addict, ayant avec un petit faible pour le style rococo. La collection proposait de nombreux tailleur-pantalon et tailleur-jupe, réhaussés d’un élastique noir placé juste au-dessus du nombril des mannequins. Enfin, Rocco Lannone à la tête de la maison Ferrari a misé sur un color block moderne et audacieux : robes bustier-sirène en cuir et jeans baggy, pour des looks pointus et très mode.

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© Prada Spring/Summer 2026

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© Max Mara Spring/Summer 2026

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© Ferrari Spring/Summer 2026

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Du côté de Diesel, le créateur Glenn Martens ne s’est pas laissé absorber par son nouveau rôle de directeur artistique pour la Maison Margiela, où il fera ses débuts durant la Fashion Week parisienne, et a su nous offrir un show tout aussi avant-gardiste qu’à son habitude. On a ainsi repéré le retour du tie & dye sur des robes d’un denim satiné, fruit d’une nouvelle technique au laser développée par les équipes créatives de la maison italienne. Silvia Venturini Fendi a profité du tumulte ambiant pour annoncer que cette collection spring-summer 2026 serait sa dernière. La designer tire sa révérence et délivre, en signe de célébration, une collection explosive recréant les archétypes de mode de la maison Fendi. Couleurs pop, cut-outs en forme de fleurs sur les vestes : un côté arty assumé pour un défilé qui, bien qu’un peu chaotique, respirait la joie de vivre. Enfin, le défilé Moschino printemps-été 2026 s’est inspiré du mouvement artistique italien des années 60 Arte Povera. « Nous voulions donner une impression de préciosité, mais provenant d’un endroit pauvre », a déclaré le directeur artistique Adrian Appiolaza, en livrant un show à la fois fun, poétique et décalé.

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© Diesel Spring/Summer 2026

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© Fendi Spring/Summer 2026

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© Moschino Spring/Summer 2026

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Défiler autrement : de la Egg Hunt démocratique à l’avant-première de cinéma élitiste

La Fashion Week de Milan a été marquée par de façons innovantes de présenter les collections de mode, laissant les maisons développer un storytelling qui leur est propre.

Pour ouvrir la MFW, Diesel a organisé un show iconique : une chasse aux œufs. « Le Diesel SS26 Runway Show sort du podium. Dans un esprit de démocratie et de disruption, le show est conçu comme une Egg Hunt interactive à travers la ville de Milan », annonce le site de la marque. Le principe était simple : les 55 looks qui constituaient la nouvelle collection d’été étaient disséminés dans des endroits clés incarnant l’ADN de Diesel – rue commerçante, discothèque, bars, sex-shops. La chasse, ouverte à tous, mettait en compétition 5 000 participants, chargés de retrouver les mannequins placés dans des œufs en plastique transparent à taille humaine. Les cinq premières personnes ayant trouvé tous les œufs remportaient un full look sur mesure issu de la collection. Cette initiative créative, ludique et surtout résolument démocratique contribue à faire tomber les barrières dorées de la mode et renforce l’image de Diesel auprès de la Gen Z en la rendant plus cool que jamais.

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© Diesel Spring/Summer 2026

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Stratégie inverse pour le nouveau Gucci, made by Demna. Un jour avant la date officielle du show, le styliste géorgien récemment nommé à la tête de la maison italienne, dévoile sur Instagram une collection de 37 looks baptisée La Famiglia mettant en scène des archétypes de mode version Gucci : La Bomba, Narcisista, ou encore la Contessa. L’évènement a créé la surprise dans la sphère mode et a permis à Demna d’introduire sa vision pour la maison. Mais c’est le format de présentation qui a véritablement créé l’engouement : aucun défilé classique, mais une avant-première de cinéma sur tapis rouge. Les invités sont arrivés vêtus des looks de la collection, posant à l’entrée d’une salle de cinéma milanaise. À l’intérieur, Gucci projetait un film appelé The Tiger mettant en vedette Demi Moore, dans lequel les acteurs, habillés des pièces de la collection, jouaient une comédie dramatique inspirée de l’histoire de la maison. Succès immédiat pour Demna, qui a une fois de plus braqué tous les projecteurs sur lui. Néanmoins, contrairement à Diesel, la présentation proposée par Gucci valorise l’exclusivité des tapis rouges et la celebrity culture. Une démarche qui réaffirme la mode comme une pratique culturelle élitiste, réservée à une minorité aisée et inaccessible au plus grand nombre.

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© The Tiger/Gucci website

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Les premiers pas : Gucci, Jil Sander, Versace et Bottega Veneta

En plus d’une mise en scène remarquée, la collection été 2026 de Gucci a été saluée pour sa justesse stylistique. De nombreux commentateurs de mode ont souligné la fusion habile du style de Demna avec l’ADN historique de la maison. On retrouve ainsi dans cette collection des silhouettes caricaturales vêtues de manteaux XXL à larges épaulettes, le retour du logo mania, et des jeans taille basse rappelant l’allure sexy emblématique de l’ère Tom Ford. De beaux jours semblent s’annoncer pour Gucci.

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© Gucci Spring/Summer 2026

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C’est sur la Piazza Castello à Milan que Simone Bellotti a présenté sa première collection pour Jil Sander. Le thème : la simplicité apparente. Le créateur est allé puiser dans les archives de la maison pour trouver un équilibre entre classicisme et modernité. La collection se compose d’un vestiaire minimaliste – jupes crayons, pulls ajustés, leggings, vestes cintrées – le tout décliné dans une palette de tons neutres. Une élégance froide qui a su séduire la sphère mode, mais qui pourrait laisser indifférente une clientèle plus jeune et plus fashion-forward.

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© Jil Sander Spring/Summer 2026

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Parmi les débuts les plus attendus de cette Fashion Week, celui de Dario Vitale chez Versace a particulièrement attiré l’attention. Designer italien encore inconnu du grand public, Vitale laissait planer le doute sur sa direction artistique pour un Versace post-Donatella. Surprise : il choisit de revisiter le Versace Jeans Couture des années 80/90. Lui aussi s’est plongé dans les archives, dans une volonté de proposer une version plus accessible et moins bling-bling de la marque. « Je voulais commencer avec quelque chose de plus proche des gens, de plus pertinent », a-t-il déclaré après le show. Résultat : un voyage nostalgique, où les mannequins défilaient en jeans taille haute, tailleurs oversize et débardeurs ultra-échancrés.

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© Versace Spring/Summer 2026

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Enfin, la révélation de cette Fashion Week milanaise fut sans doute Louise Trotter chez Bottega Veneta. Après le départ de Matthieu Blazy, étoile montante de la mode à la tête de Chanel, Trotter était attendue au tournant. Elle a relevé le défi avec une rare justesse stylistique, en rendant hommage aux femmes ayant marqué l’histoire de la maison, notamment Lauren Hutton, ambassadrice du sac Lauren, immortalisé dans le film American Gigolo. La collection s’est distinguée par des silhouettes puissantes : jupes volumineuses associées à des pulls à épaulettes, tailleurs pantalons oversize, et surtout une maîtrise du cuir remarquable dans les manteaux et les sacs. Pari réussi pour la créatrice britannique.

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© Bottega Veneta Spring/Summer 2026

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Texte Alizée Morais

 

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