Première signature française sur le label Domino (Arctic Monkeys, Franz Ferdinand, The Kills, etc.), Frànçois & The Atlas Mountains s’apprêtent à sortir un deuxième album, « E Volo Love ». Pétrie de folk, d’électronique et de (bonne) musique du monde, avec des textes en français comme en anglais, la formation originaire de Bordeaux pourrait bel et bien dépasser son statut de trésor le mieux gardé de l’Hexagone avec des chansons comme « Piscine ». On a voulu en savoir plus en questionnant Frànçois, tête pensante de la formation.
D’où vient votre nom ?
C’est un ami qui a attiré mon attention sur ce nom. Atlas Mountains, c’est la chaîne de montagne au Maroc, un endroit où j’aimerais passer du temps. J’avais d’abord fait un album sous le nom de Frànçois, en 2003. Après j’ai commencé à inviter des potes et je trouvais que Frànçois, c’était un peu réducteur et un peu égocentrique. C’était plus lo-fi au départ et plus inspiré par des groupes comme Belle & Sebastian.
Cet album est assez différent du précèdent Plaine Inondable. Cela a-t-il été facile de trouver une nouvelle voie ?
Oui, ça c’est fait naturellement. E Volo Love est pour moi plus apaisé, je trouve que Plaine Inondable est plus contemplatif. Pour la méthode d’enregistrement, on s’est plus amusés sur le dernier. On a passé un bon moment. On enregistre d’abord tous ensemble, puis on ajoute les choeurs, les cordes. Il y a des morceaux très vieux, d’autres plus récents. Beaucoup de morceaux ont également évolué au fil des concerts comme Piscine, qui a cette fin très électronique maintenant.
Sur le précèdent album, il y avait beaucoup de piano ; sur celui-ci, il y a beaucoup d’éléments électroniques…
C’est l’expérience du live qui a donné ce côté plus rythmique, l’envie de donner plus de dynamique, de faire danser un peu plus. On a voulu que l’album ait cette touche, tout en gardant le côté agréable à
écouter chez soi.
J’ai l’impression que vous êtes une sorte de microcosme à Bordeaux entre Frànçois & The Atlas Mountains, Crane Angels, Petit Fantôme. C’est une sorte de communauté artistique ?
C’est une communauté de personnes qui font de la musique ensemble selon les disponibilités de chacun. Il y a aussi J.C. Satàn qui est un groupe de garage, Archipel qui est plus dans une veine de folk expérimental, un groupe magique. Finalement, on passe moins de temps ensemble là-bas qu’il y a deux ou trois ans, quand les groupes étaient moins développés et qu’on tournait tous dans la région. C’est plutôt marrant parce que maintenant on se croise en tournée, comme à la Route du Rock où il y avait Botibol et Frànçois & The Atlas Mountains. À Bordeaux, il y a pas mal d’autres groupes comme Mask et le collectif Iceberg.
Votre groupe a une identité très forte dans le paysage français, tu te sens un peu à part ?
Je pense finalement qu’il y a beaucoup de groupes qui font ce qu’on fait, comme Chico Chico de Lille et Manatee à Caen. Il y a aussi Clara Clara à Lyon et les groupes de Clapping Music. Et aussi The Delano Orchestra et le label Kütu Folk à Clermont-Ferrand. Donc je ne pense pas qu’on soit seuls.
Vous êtes le premier groupe français à avoir signé sur le label Domino. Comment ça s’est passé ?
Le premier album était sorti chez Talitres en France mais sur un label écossais en Angleterre, Fence Records, qui avait aussi deux artistes de chez Domino. Donc le boss de Fence a envoyé notre disque au boss de Domino, qui a eu un coup de coeur et m’a contacté. Stephen Pastel lui en avait parlé aussi (il me suit depuis pas mal de temps), ça lui à mis la puce à l’oreille. Vu que je suis méfiant, je me suis un peu renseigné sur lui, allant même jusqu’à demander qui il était vraiment à des gens qui le connaissaient depuis très longtemps. Et c’est un vrai passionné de musique, qui va tout le temps à des concerts…
Le groupe existe depuis 2003, ça faisait longtemps que tu attendais cette signature ?
Quand j’avais 25 ans, oui. Mais depuis deux ou trois ans, je me sentais pleinement heureux dans ma vie, ce n’était plus une nécessité. J’aurais pu vivre et trouver plaisir à faire ma musique et ma peinture dans mon coin. Et maintenant, je m’adapte à la nouvelle signature : si je dois faire des dates comme Rock en Seine, je ne peux pas faire une musique trop fragile et expérimentale, il y a une limite. Je ne pense pas qu’on était sous-estimés, mais plutôt surestimés. Notre musique est assez introvertie pour pouvoir être comprise par tout le monde.
Il y a une thématique qui revient souvent dans ta musique, c’est la perte de l’amour, l’après-rupture…
Oui, ce sont des émotions très fortes. Je pense que c’est surtout des moments intéressants car tu remets en cause toute ton existence. Quand tu es en couple, tu rentres dans une manière de vivre, des habitudes qui te semblent être dans l’ordre des choses. Quand ça disparaît, c’est comme si tu retournais violemment à une autre manière d’être, peut-être plus authentique. Dans Piscine par exemple, les paroles sont assez dures finalement. La piscine de Saintes est vraiment comme ça (sourire). Il y a cette ambiance, c’est l’été, il fait beau, mais il y a plein de choses qui ne vont pas.
Tu chantes en français et en anglais, parfois dans la même chanson. Comment travailles-tu les textes ?
En fait, j’essaye de faire en sorte que la musique m’emporte. Dans ce sens-là, les textes ne sont pas le fruit d’un labeur. Après, je prends énormément de temps pour réécouter et voir si ça continue de me toucher. C’est une façon de laisser venir le texte. Il y a un titre qui s’appelle Edge of Town, qui évoque ce qu’on appelle le speaking in tongues dans certaines communautés religieuses, ça veut dire parler dans une langue qui n’existe pas. J’ai fait ce texte un soir d’orage, je n’entendais pas vraiment les paroles, du coup je me suis laissé aller à chanter dans une langue qui ne voulait rien dire.
Par Guillaume Cohonner
Photo : Matias Indjic
Stylisme : Alexandre Bertrand