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Mercredi soir, au Silencio – le club imaginé par David Lynch – à l’ambiance onirique du terrain de jeu nocturne crée par le réalisateur de Blue Velvet, s’ajoutait quelque chose de joyeux et sexy. Dans la salle, une foule dense et suavement excitée (et non pas seulement par cette énergie particulière de la rentrée) : silhouettes affûtées, allures punks bien stylisées, du glam assumé. Une atmosphère à la fois soignée et délurée, idéale pour accueillir l’ovni annoncé : La Fille Pharmacie, film musical signé Charlie Périllat.

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La Fille Pharmacie, affiche (détail)

 

Projeté en avant-première, le film se présente comme une comédie musicale, mais dans la petite et charmante salle de cinéma du Silencio, on comprend tout de suite que l’on est devant un objet audiovisuel non identifié, drôle, coquin et désinvolte, qui fait jouer ses propres fissures. Pendant un peu plus d’une demi-heure et avec une action ponctuée par les morceaux du groupe, on suit une infirmière névrosée, sexy et autocentrée, qui finit par se perdre dans les obsessions absurdes de ses patients. Mais c’est sa propre psyché qui vacille, transformant chaque scène en rituel grotesque, émouvant, parfois cruel. Avec un énorme travail d’art et de vestiaire, l’œuvre reprend une esthétique old-school réjouissante dans cette ère Netflix. Il convoque à la fois l’esprit d’un Jim Sharman (The Rocky Horror Picture Show) en palette fluo enveloppé d’un imaginaire lynchéen-glam, et traversé par l’énergie désabusée des New York Dolls (pour ne citer qu’eux). Entre post-punk, new wave et fantasmagorie techno-féérique, La Fille Pharmacie trouve son équilibre fragile : rire au bord du gouffre, tout en dansant avec ses fantômes.

Au centre de ce tourbillon, Charlie Périllat impose sa présence. Originaire d’Annecy et nourrie autant par la littérature russe (elle tire le nom « Tentative » d’un poème de Marina Tsvétaeva), que de Georges Bataille, Brigitte Fontaine, Mylène Farmer ou du groupe punk rock des années 70s LiLiPUT. Elle a fondé Tentative (avec l’inclusion d’Alexia Charoud et Anne-Sophie Le Creurer), entre poésie contemporaine et cold wave. Depuis son premier album Statue Moi (Kwaidan Records, 2023), le projet a roulé sa bosse entre festivals et premières parties de La Femme. Mais c’est sur scène et à l’écran que Périllat affirme son goût pour l’art total : performances dada, collages, happenings. Rien de figé, tout est étrangement vivant.

Cette fois, elle n’est pas seule : La Fille Pharmacie marque aussi la complicité avec Saxa Goth, membre fondateur de La Femme, qui produit et compose le projet tout en lançant son propre label, Rideau Records. Après la projection, Tentative a pris la scène pour un showcase en format réduit mais non pas moins incandescent, avant que Saxa Goth enchaîne derrière les platines, prolongeant la nuit dans un mélange de cold wave et de groove mutant.

Au-delà d’un simple lancement, la soirée avait valeur de manifeste chic. Entre cinéma expérimental et comédie musicale déglinguée, entre héritage punk et cabaret glam burlesque, Tentative propose un art qui transforme le malaise en jubilation.

 

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Texte Esteban Ulrich

 

 

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