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Andéol appartient à ceux dont la certitude naît du doute. Lucide, angoissé et profondément sincère, il avance dans sa musique comme sur scène en se questionnant sans relâche, transformant ses interrogations en moteur d’expression et de mouvement. Ce doute permanent, loin de le freiner, façonne un artiste en quête d’équilibre et d’honnêteté. Chez lui, le doute n’est pas un frein, c’est une force. Lorsque nous le retrouvons pour la deuxième fois au MaMA, le jeune homme de 25 ans arrive complètement enrhumé. Quelques heures avant son concert, il se montre visiblement anxieux à l’idée de ne pas être à la hauteur de sa performance, incarnant pleinement ce mélange de fragilité et de lucidité qui le définit.

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Un EP plus apaisé

Caillou, c’est le nom du nouvel EP d’Andéol. Et aussi celui du morceau éponyme, intime et lumineux, où l’artiste se confronte à lui-même. « C’est la première fois que je raconte vraiment ce qu’il y a dans ma tête, dit-il. Ce n’est pas forcément autobiographique, mais c’est ce que je pense, ce que je ressens. »

Moins « vénère » que son premier projet Bisou sur la bouche, Caillou marque un tournant : « C’est plus apaisé. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des thématiques plus claires par morceau. À chaque fois que j’écrivais une chanson, je me disais : de quoi parle cette chanson ? » Il précise : « Tu me mens, c’est une chanson sur le fait que c’est impossible d’avoir complètement accès à l’autre. Nuits bleues, c’est le fait de ne pas être disponible au même moment pour la personne dont tu es amoureux. Caillou, c’est l’histoire de la gamberge et du trauma qui ressurgit ».

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Cover

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Co-composer, une nouvelle étape

L’EP Caillou est aussi celui de la collaboration. « Je l’ai coécrit et coréalisé avec Mathias Abossaleh. Il avait déjà travaillé sur Bisou sur la bouche. On s’est retrouvés, et on a fait beaucoup de musique. Du coup, ça va très vite. » S’il forme un nouveau binôme créatif avec Mathias Abossaleh, arrivé dans son univers en 2024, Andéol s’appuie aussi sur des collaborateurs de longue date. Depuis 2018, il travaille régulièrement avec Futtry, et depuis 2023, avec Joseph Brisset, deux alliés essentiels dans la construction de sa signature sonore. L’artiste s’entoure également d’amis proches : « Kyana, c’est une copine de Futtry et moi. Donc en fait, c’est normal de se retrouver tous les trois ». Cette façon de travailler en équipe est nouvelle pour lui : « Je co-compose beaucoup plus maintenant. Même quand la prod est déjà faite, je m’implique davantage dans la mélodie, dans les accords. Parfois, c’est l’autre qui m’aide sur le texte. En fait, je suis beaucoup plus dans une relation d’échange que je ne l’étais au début ».

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Écrire pour comprendre

Avant de composer, Andéol voulait écrire. « Moi, j’ai toujours voulu écrire. Écrire, c’était la chose que je voulais faire toute ma vie. Et la musique est venue après. » Il garde de cette période un rapport particulier à la création : « J’ai toujours écrit à partir d’une commande. J’ai besoin d’un cadre. C’est mon côté un peu scolaire ». Aujourd’hui, l’écriture devient plus instinctive. « Maintenant, ça vient plus naturellement. Faire une chanson, c’est un début et une fin. Mais écrire juste pour écrire, c’est venu récemment. » Pendant le confinement, il s’est mis à composer lui-même : « À l’époque, je n’avais aucune notion de production ou de composition. C’est venu après. Et maintenant, je fais plus de prods ».

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Héritages et débuts

Chez lui, les images et les sons ont toujours été présents. Son père, graphiste, créait des pochettes d’albums. Son frère, d’abord instrumentiste, est devenu pâtissier. Lui, pratiquait le karaté avant de tomber dans la musique.
Les mots, très tôt, se sont imposés comme son instrument. L’écriture est devenue son terrain d’expression, son moyen d’ordre et d’équilibre. Avant de chanter, Andéol a beaucoup étudié. D’abord en prépa littéraire, puis à la fac, entre philosophie et sciences politiques. Ces années d’école ont laissé une empreinte durable dans son approche : le goût de la pensée et du sens. Écrire, pour lui, a toujours été une manière de comprendre, pas seulement de dire.

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Des débuts en solitaire

Avant d’en arriver à ce disque plus assuré, Andéol s’est construit seul, littéralement. « J’ai commencé dans ma chambre, comme beaucoup. Puis j’ai fini par en sortir, à aller dans des studios, à y croire, à ne plus y croire, puis à y croire à nouveau. » Sur scène aussi, Andéol a commencé seul. « Je voulais faire face à la scène, ne pas avoir peur. Avant, j’étais avec des copains, mais je finissais par me reposer sur eux. J’avais besoin d’être seul face au public, quitte à risquer d’avoir du vide. Il fallait que je trouve une manière de combler le vide seul. » C’est cette logique qui le pousse à affronter le Chantier des Francofolies sans accompagnement. « Personne ne fait le chantier tout seul. Tout le monde vient avec son ingé son ou son équipe. Moi, j’étais tout seul pendant cinq jours. C’était très difficile, très intense. Mais à la fin, on s’est dit avec mon équipe : maintenant qu’on a fait ça, on est capables d’aller à trois. »

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De la solitude au groupe

Ce passage en trio, c’est celui de la maturité scénique. « Maintenant, il y a un batteur, un guitariste sur scène. C’est exceptionnel. Le set ressemble beaucoup plus à celui que j’aurais envie d’avoir. » Après Rock en Seine et le MaMA, la Maroquinerie sera la prochaine étape. « On devait la faire en juin, mais je suis très content de ne pas l’avoir faite. Entre-temps, on a fini l’EP, on a monté un nouveau show. Les gens connaîtront les chansons. »

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Andéol @ MaMA oct. 25 ©LFC

 

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En tournée avec Oxmo Puccino

Andéol accompagne Oxmo Puccino sur un certain nombre de dates de sa dernière tournée. Une expérience à la fois belle et improbable. « C’est tellement drôle, c’est tellement beau. Alors que ma musique n’a jamais été aussi pop, et lui, il nous invite. C’est trop beau. » Il n’oublie pas de saluer ceux qui ont rendu ça possible : « Gros big up à lui et à Marc Mottin, son manager, qui est en fait le coordinateur du Chantier des Francos. C’est comme ça que ça s’est fait ». Pour ces premières parties, il joue en formule légère : « On tourne à deux, avec Billy Sueiro à la guitare. Ils ne peuvent pas sonoriser une batterie, c’est un truc économique. Mais ça me va. Je préfère qu’on dépense moins sur les premières parties et qu’on mette tout sur nos propres dates ».

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« Je me suis découvert artiste en rentrant de vacances »

C’est en septembre qu’Andéol a véritablement accepté ce qu’il faisait. « Je suis rentré de vacances, fin septembre. J’étais en mode “waouh, faut que je trouve un travail, j’ai pas de travail”. Et au bout d’une semaine, je me suis dit : mais non, j’ai déjà un travail. En fait, j’ai du temps parce que je dois travailler ma musique. » Ce déclic change tout. « Toute ma vie, j’ai fait mille trucs en même temps : des études, des boulots, des articles… Là, c’est au centre. Je me suis calmé, mais c’était un vrai truc : je suis artiste. »

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L’angoisse comme moteur et comme fardeau

Dans la conversation, l’angoisse revient souvent. « Je ne suis pas malheureux. Je suis juste très angoissé. Et j’essaie de me débarrasser de ça, parce que, en vrai, c’est une maladie, l’angoisse. » Il distingue : « La mélancolie, c’est bien, c’est productif. Mais l’angoisse, c’est tout. Quand je suis angoissé, je ne fais rien ». Pour garder l’équilibre, il a trouvé un remède : « Le sport, c’est très important. J’ai encore couru ce matin. J’habite à Paris, la ville est étouffante, on est obligés de faire du sport pour survivre. » Et il sourit : « Tout le monde est anxieux maintenant. Et en plus, si je n’étais pas angoissé, je n’écrirais pas de chanson ».

À 25 ans, malgré ses doutes et ses angoisses, Andéol avance avec lucidité et authenticité. Chaque question, chaque hésitation, chaque moment de fragilité devient à terme une force créative, nourrissant sa musique et son rapport à la scène. Il cherche à comprendre et à ressentir pleinement, prenant le temps nécessaire pour faire de chaque concert et de chaque chanson une manière de célébrer la vie. Avec cette approche, Andéol construit pas à pas son univers artistique.

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Caillou est disponible via Panenka Music. En tournée en France et à Paris (Maroquinerie) le 22 janvier 2026.

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Texte  Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Julien Magre

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