/

La sélection Modzik pour sonoriser ce weekend.

/

/

/

SEBASTIEN TELLIER – REFRESH

Cinq ans après Domesticated, Sébastien Tellier signe son Grand retour avec Refresh et surtout son premier single sous les couleurs de Because Music. Et comme souvent chez l’homme à la barbe mystique, c’est dans le passé qu’il va chercher le son du futur. Dès les premières secondes, on est propulsé dans un univers rétro-futuriste, quelque part entre les couloirs néon d’un jeu d’arcade 80s et une DeLorean fonçant à 88 miles à l’heure. La voix de Tellier, saturée de vocoder, flotte comme une transmission radio intergalactique, évidente filiation avec les Daft Punk période Discovery. Les cordes discoïdes qui s’invitent sur le refrain évoquent les années 70 les plus flamboyantes, version Giorgio Moroder, Cerrone. C’est kitsch, oui, mais que Tellier manie comme un prêtre psychédélique en pleine messe électro-pop. Refresh est un reboot de l’ADN Tellier version 2025, qui parvient à conjuguer nostalgie et modernité. (LFC)

Refresh est disponible via Because Music/Horizons.

/

 

 

 

OXMO PUCCINO – MAGIQUE (FEAT. TUERIE)

Oxmo Puccino, pilier du rap français et poète urbain par excellence s’apprête à livrer le 17 octobre La hauteur de la lune, un album où sa voix grave et profonde dialogue avec l’univers des nouveaux auteurs Mc Solaar, Vanessa Paradis, Josman… et celui de Tuerie, avec sa voix haute, fragile et inclassable. Magique  incarne une véritable alchimie : un titre jazzy, nonchalant, à l’atmosphère cotonneuse, où boom bap, trompette et piano tracent un sillon feutré. Oxmo, caverneux et rassurant, installe le décor. Sa voix, en résonance grave, prolonge la tradition du spoken word qu’il fait sienne depuis Opéra Puccino. Tuerie, en vis-à-vis, apporte une lumière en clair obscur : sa voix mixte, parfois falsetto, élève le morceau vers une sensibilité tendre et fragile. Le refrain dit tout le charme de cette juxtaposition : « Je suis juste un super-héros / devant une superette / qui refait le monde / qui refait le monde / autour d’une cigarette magique… » Il y a quelque chose d’inhabituel, d’intime dans cette image simple, presque grotesque et désarmante. La magie naît du contraste : la gravité d’Oxmo face à la légèreté poétique de Tuerie. Celle-ci incarne la vacuité du monde qui se raconte dans un souffle un secret confié au piano. Oxmo reste fidèle à sa plume, à ses cordes sensibles, à sa posture de guide mélancolique. Tuerie l’accompagne façonnant ce qu’on pourrait appeler une rhapsodie urbaine ancrée dans le quotidien (parentalité, vacuité de la vie), portée par deux témoins différents de notre époque. La production, signée Pandrezz, Epektaze ou P.PROD, ménage l’espace. Juste des accords feutrés, une trompette, un piano. Le jazz moderne rencontre le cœur de la rue, dans une mélodie qui se joue dans le creux des mots comme dans une veine vocale.  Magique c’est le contraste maîtrisé : Oxmo Puccino, ancré, baryton de l’âme urbaine ; Tuerie, aérien et soulfull. Ensemble, ils composent une pièce qui parle du monde en creux et trouve dans la simplicité, la lumière et l’obscurité du rapport humain. (LFC)

Magique est disponible via Derrière les planches/naïve/Believe. En tournée et à Paris (Adidas Arena) le 23 janvier 2026.

/

 

 

 

LADY GAGA – THE DEAD DANCE

Il fallait bien que ça arrive : Lady Gaga retrouve la flamme noire qui brûlait dans ses débuts. Avec The Dead Dance , nouveau single tiré de la version augmentée de son album Mayhem, elle signe un retour en grande pompe vers ce que les fans de la première heure attendaient depuis longtemps : une pop théâtrale, morbide, spectaculaire et totalement habitée. Et comme une évidence, c’est Tim Burton qui l’accompagne dans ce grand bal funèbre. Le réalisateur culte prend les commandes du clip, tourné sur la mystérieuse Île des Poupées à Xochimilco, et y plonge Gaga dans un cauchemar gothique fait de poupées hantées, de noir et blanc crasseux, de chorégraphies saccadées et de regards caméra glaçants. Un terrain de jeu idéal pour ces deux architectes de l’étrangeté. La prod. est sombre, rétro-futuriste, basse funky, beat sec, synthés crépitants. Ça groove, mais avec des crocs. On pense à Thriller, à Fame Monster, à cette époque où Gaga aimait autant danser que déranger. « When you killed me inside, that’s when I came alive… I’ll dance until I’m dead. » Voilà le cœur du morceau : une rupture transformée en résurrection. Une danse des morts qui célèbre la renaissance. On avait parfois perdu Gaga dans les strass, les ballades surproduites. Mais ici, elle redevient cette artiste à double visage : icône pop et créature de l’ombre, capable de réunir la danse, la peur, l’extravagance et le sentiment. (LFC)

The Dead Dance est disponible via Interscope Records. En concert à Paris (Accor Arena) du 17 au 22 novembre 2025.

/

 

 

 

P.R2B – PRESQUE PUNK

Avec Presque Punk , son nouveau single, P.R2B poursuit une trajectoire singulière, à la croisée de la musique, de la poésie et du cinéma. Depuis son premier album Rayons Gamma en 2021, elle n’a cessé d’élargir son spectre artistique : musiques de films (Les Meutes, Partir un jour), performance scénique et discographique au sein du collectif Draga, exploration d’une écriture sonore et visuelle nourrie de références littéraires, politiques autour de textes féministes et cinématographiques. L’écriture reste fidèle à cette démarche : chaque strophe évoque des images mentales fortes. L’effondrement du monde y est suggéré sans emphase : plus d’étoiles, plus d’oiseaux, une chaleur qui atteint cinquante degrés. Face à cela, la chanson refuse le cynisme. Elle explore au contraire une forme de lucidité poétique, entre fatigue collective et désir d’autre chose. Le morceau repose sur une tension centrale : le mot « presque » répété. Il exprime l’ambivalence d’une génération consciente du désastre, mais encore capable de rêver. La chanson devient alors un espace de résistance imaginaire, où l’on convoque Oz, Dorothy, ou les comédies musicales comme échappatoires possibles. Une manière de faire du rêve une réponse politique face au réel. P.R2B inscrit également sa vision dans une référence plus subtile à L’Homme qui rétrécit (film de science-fiction de 1957), évoquée en fin de morceau. La métaphore fonctionne comme une image de la décroissance imposée, d’une humilité retrouvée.  Presque Punk  prolonge l’esthétique de Rayons Gamma tout en l’affinant : production sobre, lignes électroniques minimales, voix entre chant et récit. On y retrouve cette écriture à la fois intime et collective, capable de passer de la confidence au constat social sans rupture. (LFC)

Presque Punk est disponible via Tie Break Music. En concert avec le collectif Draga à saint Ouen (Espace 1789) le 18 décembre 2025 et à Paris (Cigale) le 17 mars 2026.

/

 

 

 

PUGGY – MIRROR (FEAT. MAËLLE)

Il aura fallu huit longues années d’absence pour que Puggy, ce trio pop-rock européen formé par Matthew Irons (chanteur-guitariste belgo-anglais), Romain Descampe (bassiste français) et Egil « Ziggy » Franzén (batteur suédois), revienne enfin enchanter nos oreilles. Pendant cette période loin des projecteurs, Matthew Irons a su pleinement profiter de son temps, multipliant les collaborations avec des artistes comme Lous and The Yakuza, Adé ou Angèle, tout en se lançant dans le coaching de talents pour The Voice Belgique et en composant pour le cinéma. Aujourd’hui, Puggy est de retour musicalement et sur les routes européennes. Après l’EP Radio Kitchen, autoproduit et réalisé par Nikola Feve, le groupe dévoile Mirror, un duo avec Maëlle, troisième extrait de leur prochain album Are We There Yet?, attendu pour le 3 octobre 2025. Co-écrit avec Yseult, Mirror évoque cette douce sensation de fin de soirée au bord de la plage, suspendue entre calme et émotion. Les autres singles déjà connus confirment l’identité musicale forte du groupe : On My Mind dégage une ambiance solaire et groovy fidèle à l’ADN pop-rock de Puggy, tandis que What’s Wrong With You s’impose comme un single énergique aux sonorités résolument pop-rock. Le nouvel album, riche de douze titres, offre un équilibre parfait entre une pop-rock sensible, énergique, multiforme, et un groove teinté de R&B, tout en restant résolument pop. On y retrouve des ballades touchantes comme Searching For, What I Have Done ou Broken Pieces, tandis que Dancing With Ghosts impose un groove irrésistible. Plus expérimental, Buying Time joue avec des filtres sur la voix, ajoutant une touche novatrice à la palette sonore, tandis que Waiting To Lose It propose un midtempo nostalgique et lumineux. Cet album illustre le plaisir retrouvé de la création collective et de l’expérimentation artistique, un retour sincère du trio belge qui prouve que, malgré le temps écoulé, Puggy n’a rien perdu de son énergie et de sa capacité à toucher profondément son public. (LFC)

Mirror est disponible via Radio Kitchen/Naïve. En concert à Paris (Olympia) le 5 novembre 2025.

/

 

 

 

MIDLAKE – THE GHOULS

Avec The Ghouls, Midlake inaugure une nouvelle étape de son parcours musical, presque à contre-courant. Premier extrait de l’album à venir le 7 novembre 2025, A Bridge To Far, le morceau adopte une posture discrète mais signifiante : celle d’un groupe qui, après plus de vingt ans d’existence et plusieurs transformations majeures, choisit de revenir sans jamais perdre leur substance. Construit autour d’un piano dépouillé, d’une ligne de batterie très présente et de la voix familière d’Eric Pulido, le morceau respire une forme d’apaisement. Pas de surenchère, ni de volonté de se réinventer à tout prix. Loin de l’ambition orchestrale de The Courage of Others (2010) ou des constructions psychédéliques d’Antiphon (2013), ce titre opère dans un registre plus intérieur. C’est d’ailleurs ce qui transparaît dans les mots d’Eric Pulido : « J’ai écrit The Ghouls après une discussion importante au sein du groupe sur ce que nous voulions encore partager ensemble. Elle est née d’un moment d’incertitude ». En ce sens, le morceau cristallise cette envie de poursuivre malgré le doute ou peut-être grâce à lui. « Les goules » du titre ne sont pas des figures effrayantes, mais plutôt les ombres persistantes du doute et de la fatigue, auxquelles Midlake répond par une chanson qui nous attrape avec évidence. La production, signée Sam Evian, accompagne cette volonté d’aller à l’essentiel. On sent un groupe rassemblé qui cherche à affirmer une continuité presque artisanale. Pulido le confirme : « Enregistrer cet album avec le groupe et le producteur Sam Evian à Echo Lab a été une expérience formidable, et le choix idéal pour ces chansons. Le simple fait de jouer ensemble dans la même pièce et de capturer une interprétation authentique des morceaux est une grande joie, et c’est exactement ce que nous avons fait. Sur le plan stylistique, on retrouve des similitudes avec ce que nous avons fait par le passé, mais aussi des directions nouvelles ». The Ghouls ne bouleverse rien et c’est peut-être là sa force. Il confirme la posture d’un groupe qui avance lentement, prudemment, mais sans jamais trahir son langage. (LFC)

The Ghouls est disponible via Bella Union.

/

 

 

 

BLOOD ORANGE – COUNTRYSIDE (FEAT. EVA TOLKIN, LIAM BENZVI & IAN ISIAH)

Essex Honey, le nouvel album de Blood Orange, est enfin disponible. Conçu comme un retour aux racines et un travail de mémoire, il marque une nouvelle mue pour Devonté Hynes, alias Blood Orange, maître incontesté de la réinvention. Musicien, compositeur et producteur britannique, multi-instrumentiste autodidacte, Hynes a débuté dans le groupe dance-punk Test Icicles, avant de poursuivre une carrière solo sous le nom de Lightspeed Champion, puis de devenir Blood Orange en 2011. Six ans après Negro Swan, Hynes revient là où on ne l’attendait plus : dans une Angleterre intérieure, brumeuse et rurale, à mille lieues des clubs moites de Brooklyn ou de la tension R&B de ses débuts. Il émane de Countryside une ambiance vaporeuse, portée par des guitares washées et des voix réverbérées, qui est à l’image du climat du disque. Essex Honey explore les thèmes du deuil familial, de l’Angleterre comme territoire affectif, et du pouvoir curatif et communautaire de la musique. Sur le plan sonore, l’album s’appuie sur des enregistrements analogiques, des motifs récurrents de violoncelle, et des références discrètes à ses projets passés. La palette musicale est riche : guitares acoustiques aux accents punk, mélodies éthérées, souvenirs d’enfance transformés en paysages sonores. Le disque accueille plusieurs invités : The Durutti Column, Daniel Caesar, Zadie Smith, Tirzah, Brendan Yates (Turnstile) ou encore Mabe Fratti. Entièrement produit et mixé par Hynes lui-même, aux côtés de Mikaelin “Blue” Bluespruce, et masterisé par Heba Kadry, Essex Honey est un voyage intime et cinématographique, où la musique devient refuge et reconstruction. (LFC)

Countryside est disponible via Domino/RCA. En concert à Paris (Pitchfork Music Festival Paris) le 3 novembre 2025.

/

 

 

 

SUPERPOZE – OBSESSION

En près de dix ans, Superpoze a construit un langage musical à part : une musique électronique sans effets tapageurs. Obsession, second extrait de son nouvel album Siècle, prolonge ce chemin avec une précision qui force l’écoute. La vidéo qui accompagne le morceau, réalisée par le cinéaste allemand Ben Miethke, en collaboration avec le collectif de danseurs (La)Horde, agit comme un instant suspendu de nos vies. Corps en tension, gestes retenus, déplacements millimétrés : la chorégraphie donne corps à l’obsession du titre. Elle prolonge son motif en boucle dans un espace visuel éthéré presque atemporel, entre abstraction, lenteur et gravité. Révélé en 2015 avec Opening, puis salué pour Nova Cardinale (2022) où il mêlait instruments anciens et textures synthétiques, Gabriel Legeleux creuse, lentement, un sillon personnel, à la croisée du travail de compositeur, de producteur et de monteur sonore. Siècle, son quatrième album, est sans doute le plus cohérent de sa discographie. Un disque dense mais ouvert. Obsession est au cœur de cette logique. Tout repose sur une boucle, presque rien : quelques notes au piano, répétées jusqu’à l’usure, autour desquelles s’agrègent des textures électroniques, des nappes de synthé, et une rythmique frappée à la TR-909. C’est là sa force : tenir l’attention dans la répétition, à l’instar de ses ainés Terry Riley ou Steve Reich. L’album entier fut enregistré entre un studio résidentiel du sud-ouest (La Réserve), un home-studio parisien et le Studio Pigalle. À la fois construit et instinctif, Siècle mêle précision de l’écriture et spontanéité de l’assemblage. Le mixage, co-signé avec Sylvain de Barbeyrac, laisse respirer chaque élément. Et le mastering signé Alex Gopher offre à l’ensemble une clarté mate, presque sèche. On pense parfois à des bandes-son de science-fiction dépouillées, parfois au silence lui-même. Car chez Superpoze, chaque son vient répondre au vide, ou le provoquer. (LFC)

Obsession est disponible via Banville. En concert à Paris (Pleyel) le 21 mars 2026.

/