NEWS !

 

 

Au détour de nos pérégrinations néerlandaises, nous avons croisé le duo devenu trio Rap&Vogue. Autoproclamé « projet pop artistique et audiovisuel scandaleusement inconnu », le groupe réunit Dimitry Levkovsky, Masha Monakova (alias Marie Monaco), Alexander Barkovsky dit Bark (absent sur cette date) et Anton Shashura.

Avec leur approche débridée et inédite de la musique électronique, Rap&Vogue se positionne comme un groupe à la fois expérimental et avant-gardiste. Mêlant l’absurde, le dadaïsme et une vision européenne de la musique électronique, ils aiment brouiller les pistes. « À l’origine, c’était une blague. En 2017, Dimitry et moi avions une page Instagram où on partageait une chanson pour nos amis. C’était vraiment juste pour le fun. Puis, trois ans plus tard, il a écrit C’est Bon. Au début, il m’a montré un brouillon de 10 secondes. Je lui ai dit que je n’écoutais pas des morceaux en chantier. Finalement, il a terminé la chanson, et beaucoup de gens ont trouvé ça super. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à prendre le groupe un peu plus au sérieux », nous confie Masha. « Un an a été nécessaire pour que le titre prenne forme », ajoute Dimitry.

Il est vrai que les deux compères, réalisateurs et vidéastes de profession, avaient d’autres activités. « On a travaillé avec plusieurs groupes biélorusses, et on a même été dans le top 10 des Berlin Music Video Awards. On a aussi créé notre groupe pour réaliser nos propres vidéos et projets », explique Dimitry. L’idée du groupe a vu le jour sous l’impulsion d’un ami promoteur à Minsk, séduit par leur projet. Masha ajoute : « Ça a été un déclic pour nous. À partir de là, on s’est dit qu’il fallait publier nos morceaux ».

 

© Joséphine Kurvers @ishootmusicians

 

C’est à l’Académie Biélorusse des Arts, où ils étudiaient le cinéma, qu’ils se sont rencontrés. Dimitry est musicien et parolier, Masha assure la direction artistique. Leur goût pour la culture française vient du fait qu’ils «ont réalisé un film sur une école de théâtre en Biélorussie, où des étudiants français viennent étudier pendant neuf mois. On a passé beaucoup de temps avec eux, et ça nous a beaucoup marqués. C’est là que notre affinité pour la langue et la culture françaises est née », raconte Dimitry. C’est d’ailleurs lors d’un évènement intitulé La Boum qu’ils ont fait leur premier concert.

Lorsqu’on évoque leur proximité musicale avec la scène électronique française des années 2000, notamment Miss Kittin & The Hacker, Dimitry répond : « Oui, beaucoup de gens nous disent qu’ils retrouvent des influences dans notre musique, notamment Kraftwerk pour le côté électronique. Mais on n’a pas vraiment l’intention de faire des références directes. On a écouté énormément de musique, y compris de la musique classique, et ça nous influence de manière inconsciente. Mais on aime vraiment la musique française ».

Cette référence allemande se retrouve dans leur dernier single Berlin i draniki. Le draniki, une galette de pommes de terre frites, n’est pas leur première incursion dans le monde culinaire : plusieurs de leurs morceaux évoquent des plats comme le croissant, la soupe à l’oignon, le coq au vin ou encore le jambon. C’est sans doute leur manière de marquer leur appartenance résolument européenne. Les paroles de leurs chansons sont chantées en français, allemand, espagnol, biélorusse, russe et même en langue des signes, grâce à Anton Shashura, le performeur du groupe. « Anton est malentendant, donc nous utilisons aussi le langage des signes dans certaines chansons. C’est un moyen de communiquer autrement », précise Dimitry.

 

Anton Shashura © Joséphine Kurvers @ishootmusicians

 

L’avenir s’annonce sous la forme d’un album intitulé The Abduction of Europe. « Ce sera un voyage à travers différents pays, une atmosphère de découvertes. Nous avons déjà quelques idées, comme l’inclusion de voix enregistrées dans un avion entre les chansons et les concerts. L’album se concentrera sur cette thématique et sur l’idée de rencontrer différentes cultures musicales », explique Dimitry. C’est sans doute lors de leur première tournée européenne, Varsovie (Pologne), Berlin, Aachen (Allemagne) et Groningen (Pays-Bas) qu’ils vont commencer à enregistrer des sons.

Cependant, il est important de noter qu’il n’est pas facile pour un groupe biélorusse de construire une tournée sans label ni tourneur étranger. Eurosonic a été un tremplin essentiel : « Au début, on ne connaissait pas cet événement, mais maintenant que nous y sommes, on comprend son importance pour notre carrière. C’est un moment clé pour se faire connaître à l’international », confie Dimitry. Il poursuit : « On a essayé de collaborer avec des personnes en Biélorussie, mais on a vite compris que la meilleure chose à faire, était avant tout de conforter notre projet. Au début, on était un peu perdus dans cette industrie, mais avec le temps, on a appris que le plus important, c’est de se faire connaître de manière organique ». Ils insistent aussi sur l’importance des réseaux sociaux : « Nous sommes des gens d’images, donc Instagram et TikTok sont très importants pour nous. On crée beaucoup de visuels pour accompagner notre musique, et c’est souvent ainsi que les gens nous découvrent. Parfois, une vidéo musicale commence à se former avant même que la chanson soit terminée », explique Masha.

Rap&Vogue développe un univers unique. Leurs performances ne sont pas seulement des concerts, mais de véritables manifestes visuels et sonores où l’absurde et l’ironie se mêlent à une profondeur créative qui ne laisse personne indifférent. Laissons-leur le dernier mot « On aime l’ironie dans notre musique. La vie est pleine d’absurde, et on aime jouer avec ça ».

 

Berlin i draniki est disponible via Rap&Vogue (autoproduit).

 

 

Texte Lionel-Fabrice Chassaing

Image de couverture Lizaveta Sidartsova