De passage à Paris avant la sortie de son prochain album Too True, nous avons pu saisir au vol la chanteuse des Dum Dum Girls pour lui poser quelques questions…

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Qu’est ce que Dum Dum Girls exactement ?

(rires) C’est un groupe que j’ai monté vers 2008. Je jouais de la batterie dans plusieurs groupes avant de commencer avec Dum Dum Girls, mais je voulais faire un truc qui n’appartienne qu’à moi, autrement j’aurais tout arrêté. J’ai commencé par apprendre à jouer de la guitare mais sans grande conviction. J’étais plutôt flemmarde en fait. J’ai écrit pas mal de chansons en très peu de temps, je rentrais du boulot, buvais beaucoup de café et je me mettais à enregistrer pendant des heures. Voilà à quoi se résumait ma vie sociale à l’époque (rires) ! Ensuite, j’ai sorti un premier 45 Tours puis un second EP en 33 Tours et vraiment par hasard, SubPop (ndlr Nirvana, King Tuff, PissedJeans, Bleach…), un énorme label américain que je connaissais bien, m’a écrit pour me dire que ma musique les intéressait ! La personne qui m’a contactée recherchait des artistes de la scène punk-garage et lorsque j’ai reçu sa lettre, j’étais complètement troublée genre “Holy Shit faire du rock pour en vivre ?”. J’ai commencé à me poser tout un tas de questions.Je n’avais pas de groupe, je n’avais jamais fait de tournée, je jouais juste de la guitare dans ma chambre… J’ai alors appelé des potes, qui avaient signés chez SubPop un an auparavant et qui ont une conception très radicale de la vie en général : ils sont végétariens depuis toujours par exemple et tout ce qu’ils font vient d’une mûre réflexion. Je leur  ai demandé ce qu’ils pensaient du label, si c’était une bonne chose de me lancer là-dedans etc… Ils n’avaient que de bonnes choses à me dire alors je me suis lancée ! J’ai sorti un premier album, cherché des musiciens pour partir en tournée et depuis ça ne s’est pas arrêté ! En général je travaille très vite, j’écris beaucoup de chansons, tout le temps, j’en suis à mon cinquième album et mon cinquième EP sur SubPop. J’ai eu un gros passage à vide à cause de pas mal de merdes qui me sont arrivées, je ne pouvais plus chanter, rien…mais aujourd’hui je suis exactement là où je suis supposée être : dans ce canapé, répondant à des questions à Paris (rires) !

Est ce que ton nom Dee Dee est inspiré de celui du bassiste des Ramones (Dee Dee Ramone) ?

Ce n’est pas aussi direct que ça. C’est en réalité le nom de ma mère, et mon deuxième prénom donc pas vraiment inspiré des Ramones mais définitivement mon nom est punk !

Tu es à Paris pour ta promo, que penses tu de la ville ? Tu connais quelques groupes français ?

J’adore Paris, j’ai toujours aimé cette ville. Malheureusement, je n’ai jamais appris le français et venir ici sans parler la langue est un peu frustrant. Les seules choses que je sais dire en français c’est “Je voudrais un café” (rires). Ici je peux juste acheter du pain, du café et des cigarettes ! Mais j’aime cette ville, je suis du genre hyper-romantique. Je suis fasciné par la génération passée d’écrivains américains qui sont venus ici. Quand j’avais vingt ans, je fumais des cigarettes en buvant du vin rouge, le tout en lisant de la très mauvaise poésie. Que des clichés américains (rires) ! Mais ça reste une très belle ville, j’aime jouer ici, on a fait de très belles scènes, tout le monde est beau ici… Je retrouve pas mal de tout ça à New-York, que j’aime énormément aussi, les gens sont cool là-bas, mais ici les gens sont genre, vraiment cool ! J’écoute beaucoup de trucs des années 60 et 80. En ce moment je suis à fond sur Les Calamités. Aussi, tu connais Soko? Une chanteuse et actrice française, elle m’a fait écouter un truc qui s’appelle La Femme. J’aime aussi beaucoup, c’est quoi son nom déjà… Lou… la fille de Jane Birkin… Lou Doillon

Justement, sur l’album, il y a une chanson qui s’appelle Rimbaud Eyes, tu connais un peu la poésie française ?

Ouais ! Je suis carrément fan. J’ai pris des strophes du poème Le Bateau Ivre que j’ai mises en musique. J’aurais aimé pouvoir le lire en français mais bon…

– Ton nouvel album est un peu plus “agressif” que End of Daze, moins de ballades, plus de kicks et de riffs, comment s’est amorcé ce changement ?

Je ne sais pas, c’est venu naturellement. J’ai simplement voulu mettre sur le papier mes sentiments au moment de l’écriture. J’avais cette énergie et cette urgence de faire quelque chose de neuf, j’ai laissé l’album s’emparer de moi tout en sachant que, qu’importe ce que j’écrirai, ce serait plus grand, plus sombre, comme l’étaient mes pensées à ce moment-là.

Comment se passe l’écriture ? Tu fais tout de ton côté et puis le groupe s’ajoute dans la composition ou c’est un travail collectif ?

J’ai l’habitude d’écrire seule. On enregistre ensuite avec mon producteur et mon ingé son, mais sinon c’est quelque chose d’assez personnel. C’est comme ça que le groupe marche. C’est probablement juste parce qu’après avoir longtemps joué dans des groupes d’autres personnes, j’ai eu cette envie de tout contrôler. J’ai les idées très claires sur ce que je veux faire et plus j’implique de gens dans ces idées, plus le risque de les voir changer augmente. Non pas que le changement soit mauvais en soi, il serait même sûrement là pour le meilleur, mais je ne peux pas ! C’est comme mon bébé ! Le groupe fonctionne comme ça.

– J’ai lu que l’album avait été écrit entre New-York et Los Angeles. Quels sont tes sentiments par rapport à ces deux villes ?

J’ai vécu à New-York ces trois dernières années. C’est là-bas que j’ai écrit la majeure partie de l’album mais je n’avais que huit chansons et il m’en fallait quelques-unes de plus. Je suis partie pour Los Angeles, on devait avoir un concert quelque chose comme ça. J’ai aimée l’idée de voyager, louer un appartement sur Hollywood, faire quelque chose de cette ville et terminer l’album là-bas, un truc un peu kitch comme ça (rires) J’ai donc passé deux mois à Los Angeles pour finir l’album, le dernier morceau de l’album a été écrit au Château Marmont, un endroit magique ! J’avais une magnifique chambre grâce aux combines d’un ami d’ami, je n’ai clairement pas les moyens de me payer ce genre de choses (rires). Il y avait une bouteille de vin ouverte qui m’attendait, je l’ai bu et j’ai écrit cette chanson. Enfin je pense puisque je ne me suis réveillée que le lendemain, mon ordinateur ouvert sur Garageband, les paroles écrites. Je me suis juste dit “Ok ! Génial !” (rires)

Comment ça se passe sur scène ? C’est quelque chose que tu apprécies ?

Je suis très nerveuse mais j’aime ça. C’est une émotion vraiment incomparable, quand tu fais un bon show, ça te transcende. Des concerts comme ça, il n’y en a pas beaucoup, je peux les compter sur les doigts d’une main. C’est une impression dingue, comme si tu étais totalement ailleurs alors que tu es vraiment là ! Tu vis l’instant tellement intensément ! C’est une vraie performance. Mais en général, pour la plupart des autres concerts, tu stresses pour quelque chose, tu n’arrives pas à bien entendre tel ou tel instrument, t’es nerveux parce que quelqu’un que tu connais est dans la salle, toutes ces choses qui font que t’es un peu pris à la gorge, mais passé tout ça, ça devient vraiment magique.

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J’ai lu que tu citais Lou Reed comme inspiration dans la bio de ton album. Comment a tu ressentis sa disparition ?

J’étais vraiment très triste. Evidement ce n’est pas la même chose que de perdre un proche, ou quelqu’un de sa famille mais il a joué un grand rôle dans mon apprentissage de la vie. Beaucoup de ses titres composent la bande originale de ma vie. En écoutant certaines chansons je peux me souvenir précisément de tel ou tel moment de mon passé. Malheureusement je n’ai jamais eu l’occasion de le voir jouer, inconsciemment je pensais peut être tomber sur lui par chance à un coin de rue dans New-York, mais c’est trop tard. Ce sera vraiment triste quand les autres de sa génération s’en iront à leur tour…

Modzik est un magazine aussi axé sur la mode. Quel est ton rapport avec ce milieu ?

Ca m’intéresse beaucoup ! Dans mes jeunes années, j’étais à fond dans le look vintage. Je collectionnais pas mal de truc, tout mon fric passait dedans. Mais aujourd’hui encore plus qu’avant, il y a tellement de choses où je me dis “si je pouvais…” Mais je ne peux pas ! Mais c’est cool d’être dans un groupe comme le notre, on a une sorte de lien avec la mode de part notre style assez affirmé, donc on attire un peu d’attention sur nous grâce à ça. Bon peut être pas autant que d’autres groupes, mais rien que le fait d’avoir accès à des photoshoot et autres c’est cool. Une fois, je devais porter une incroyable robe Tom Ford que Kim Kardashian avait déjà portée auparavant, c’était un peu… bizarre (rires) ! Pour la photo de couverture de l’album, je porte une robe à cinq mille dollars. Je n’osais rien toucher, ni même bouger (rires). Ca aussi c’était assez étrange.

Tu as dû faire pas mal d’interviews depuis la sortie de ton premier album. Quelle est la pire question qu’on ait pu te poser ? (tu peux inclure les miennes)

(rires) La pire, “Qu’est ce que ça fait d’être dans un groupe de filles ?”. Celle la, c’est vraiment la pire. Je peux comprendre la question, mais personne ne demande “Qu’est ce que ça fait d’être dans un groupe de mecs ?”. Ca n’a pas de sens ! 

Propos recueillis par Roméo Husquin.