Acclamée, il y a un peu plus de deux ans avec un premier album, la belle Lykke Li revient avec le bien nommé Wounded Rhymes. À seulement 24 ans, la chanteuse livre un disque plus relevé où elle fait la part belle au rythme et à une certaine idée du mysticisme. Entretien sans langue de bois dans un hôtel parisien. 

Ce nouvel album est plus profond, plus sombre, et dans un sens plus mystique…

J’essaie juste d’être le plus honnête possible avec moi-même. c’est la seule manière d’écrire pour un artiste. J’essaie d’écrire des disques comme un témoignage de mon temps, de ma vie, de ma situation, de mes émotions établies. 

Dans ton single Get Some, les textes sont beaucoup plus virulents qu’auparavant…

Ce n’était pas intentionnel. on jammait dans le studio et ces paroles sont arrivées naturellement, genre « oups ! » et j’ai voulu les garder, parce que je me fous de savoir si les gens vont aimer ou pas. J’ai lu que tu étais une grande fan de Madonna… moi ? non ! c’est lors d’une de mes premières interviews que j’ai dû dire que Madonna était mon artiste préférée, quand j’avais 17 ans. Madonna est plutôt cool, c’est une bosseuse… mais disons que je préfère Patti Smith. (Sourire.)

J’ai l’impression que tu as un côté « control freak », que tu sais vraiment ce que tu veux…

Je sais ce que je veux, mais c’est parfois dur justement. Je me heurte à ma maison de disque, aux managers… c’est dur de s’imposer et, du coup, je suis souvent déçue, alors que mon art m’appartient. Je ne suis jamais heureuse, car je suis très perfectionniste et je n’aime pas être assistée. Je ne serai pas artiste toute ma vie, car ça me tuerait. 

Tu le penses vraiment ?

Oui. J’ai beaucoup d’ambition, je veux que ma vie reste excitante. dès que ça ne l’est plus, ça ne m’intéresse pas.

Tu penses que tu étais trop jeune au moment du premier album ?

Non, parce que quand tu es jeune, tu sais ce que tu veux. Si tu attends trop longtemps, tu te poses trop de questions, tu as un petit ami, une maison, tu as besoin d’argent, donc d’un boulot. moi, je n’avais rien de tout ça, donc rien à perdre. Et puis tu peux mourir demain, alors pourquoi attendre ? Regarde Prince, il a fait son premier album à 18 ans. c’est bien de se sentir évoluer album après album. et si j’avais 30 ans et que j’étais enceinte, je ne pourrais pas tourner. (Sourire.) Je ne veux pas être dans l’industrie du disque pour très longtemps, c’est un milieu assez ennuyeux. Tu penses que c’est excitant et sexy, alors que c’est le pire business pour un artiste.

C’est très honnête de dire ça…

Oui. J’ai plus de plaisir et d’intérêt à être dans une maison à LA avec mes potes, car on fait et on parle de choses intéressantes. Le milieu de la musique, c’est souvent genre : « Oh, tu n’es pas dans le top 50, c’est atroce ! » Je me fous de tout ça.

Et que fais-tu quand tu ne fais pas de musique ?

Je fais de la peinture, je vais dans des friperies pour me trouver des fringues pour la scène, je voyage : j’ai une vie très intense.

Tu as monté ton propre label depuis tes débuts, tu as de nouveaux projets ?

Pas de signatures, je suis la seule artiste. (Rires.) J’ai plus de liberté en ayant mon propre label. De toute manière, c’est probablement le dernier disque que je vais faire…

Tu es intéressée par la mode ?

Pas vraiment. Je ne connais pas ce milieu même si j’adore Givenchy. J’aime trouver des fringues. Pareil pour les photos, j’aime qu’elles soient créatives même si je ne me sens pas à l’aise devant l’objectif.

Comment s’est passée ta dernière tournée mondiale ?

Très excitante. Mais c’est parfois dur, surtout quand tu fais de grandes scènes : te retrouver seule dans ta chambre d’hôtel, sans maison et sans tes proches, après avoir été autant applaudie, c’est très déroutant.

J’espère que je ne vais pas passer pour une personne négative avec ce que je t’ai dit. (Sourire.) Je ne le suis pas, crois-moi ! (Sourire.) J’adore la musique, le cinéma, les gens, c’est juste que le business de l’industrie du disque me dégoûte.

Chronique

Deux ans après Youth Novels, la Suédoise remet le couvert. Alors que son premier opus faisait la part belle à une pop délicate teintée de sonorités électroniques, Wounded Rhymes privilégie les rythmes tribaux. Néoprimitif, tout en restant pop, le disque convoque également les univers éthérés chers à Fever Ray et s’autorise même quelques balades à la guitare (I Know Places). Wounded Rhymes bénéficie aussi d’une orchestration souvent maligne et originale qui fait mouche (merci à Bjorn à la production). Un disque accessible (mais érudit) qui offre un univers à la fois singulier et foutrement sexy.

Lykke Li, Wounded Rhymes (Warner)
www.lykkeli.com
www.myspace.com/lykkeli 

Propos recueillis par Guillaume Cohonner
Photos : Marcus Mam