Photoshop est-il le bourreau ou l’arme? Alors qu’il est plus qu’usité dans l’industrie de la mode et du divertissement, la question de s’en passer revient régulièrement sur le devant de la scène, surtout lors des fashion week depuis des décennies. Pourtant, à notre grand étonnement on voit de plus en plus l’industrie de la mode elle-même prendre le contrepied de ses propres normes. La fin de l’ère ” toutes photoshopées ” vit-elle ses derniers instants ?

Lena Dunham, actrice et réalisatrice de la série Girls, est apparue retouchée dans le dernier Vogue. Un comble pour celle qui joue justement sur le petit écran un rôle de fille décomplexée de ses rondeurs. Un point sur lequel le site féministe Jezebel n’a pas hésité à appuyer en achetant 10 000 dollars les clichés originaux de l’actrice pour les diffuser. Même si la jeune femme a rétorqué que si l’on voulait la voir au ” naturel “, il suffisait d’allumer son poste de télévision, la question se pose malgré tout : la retouche photographique doit-elle toujours être un automatisme dans la mode? Ou, faut-il l’interdire comme dans la proposition de loi UMP de Valérie Boyer qui depuis 2009 tente de faire voter une loi interdisant la  “photographie retouchée” ?

Marisol Touraine, ministre de la santé, fait part elle aussi d’un nouveau rapport rendu le 28 janvier dernier, recommandant d’interdire les mannequins trop maigres et la retouche photoshop. Des mesures pour lutter contre des comportements alimentaires à risque comme l’explique une vidéo du journal de 13h00 de France 2.

lenadunham-vogue-retouche

Des conséquences néfastes que dénoncent les nutritionnistes. En effet, certaines marques ont depuis quelques temps pris le contrepied de ce qui est devenu plus qu’une habitude, un réflexe systématique dans la mode. La retouche pour certains existe depuis que l’on a peint Louis XIV sans sa petite vérole sur le visage au XVIIème siècle.

C’est même devenu une obligation au même titre que le make up. Critiquable ? Si la recherche de la perfection peut être sans conséquences sur des personnes adultes capables de décrypter l’image fashion et tendance, les jeunes filles elles, selon les nutritionnistes, font de ce système une norme. Une norme qu’elles décryptent comme une réalité à atteindre. La retouche devient alors potentiellement dangereuse. Pire, les excès de la retouche qui n’hésite pas, comme pour l’école américaine, à dénaturer les mannequins entraine une création d’idéaux corporels en dehors de toute réalité ! Un extrème aux erreurs potentiellement drôles mais qui laissent entrevoir un usage aliénable pour les plus influençables. 

photoshop_no-nombril

photoshop_032

D’autres sites & graphistes ont commencé à dénoncer la retouche de “l’extrème”. Depuis que le net existe, les blogs et chaines youtube montrant en peu de temps la transformation d’un visage ou d’un corps, font fureur et sont partagés à bon escient.

Dernièrement, c’est la chanteuse Boogie qui s’est elle-même prêtée au jeu de la vidéo décryptage dans son dernier clip. Et elle a raison, puisqu’elle y fait d’une pierre deux coups : d’une part défendre une image authentique,  d’autre part, faire le buzz. Avec plus de deux millions de vues, on voit dans ce clip la chanteuse se faire éclaircir le teint à coup de baguette magique. Son titre, ” nouveau parfum ” revendique la volonté de la chanteuse de ne pas céder aux lois du marché. Ainsi, au fur et à mesure de la chanson, on voit la chanteuse se transformer. Un cou aminci, un make up moderne, sa couleur de cheveux etc. Un coup de brosse numérique, qui balaie ce que l’industrie du divertissement peut appeler un “défaut”. Enfin, la chanson s’arrête sur son visage modifié presque ” parfait ” tout à côté de son image de départ, au naturel. Un coup de projecteur sur une industrie que d’autres stars ont elles-aussi testé. 

Dernièrement, c’est Scarlett Johansson, déjà connue pour assumer sa silhouette bien en chaire, qui a posé cette fois sous l’oeil du photographe Chuck Close. Avec Kate Winslet elles se montrent donc à nu, pour les 20 ans de Vanity Fair US et son numéro de mars. Pas de coiffeurs, de stylistes, de maquillage ou bijoux, le photographe dans sa conception hyper réaliste défendrait-il une autre vision de la mode ? Kate Winslet, 38 ans est alors enceinte et Scarlett elle, affiche un visage poupon, rieur et beaucoup moins glamour et red carpet. Evidemment, la photographie fait le buzz, presqu’autant que celle de Beyoncé au réveil  ou celle de Kate Moss photographiée par le même artiste.

[nivoslider id=”20421″]

Alors même si les marques comme Mango s’ouvrent à d’autres tailles et les mannequins rondes ont leur place sur des sites de vente en ligne très populaires comme Asos, les catwalks ont toujours la même ranguaine. En pleine fashion week , un site comme Vice, publie le récit d’un ex-top qui témoigne de la détresse physique et morale dans laquelle se trouve 68,3 % des mannequins, selon l’étude réalisée en 2012 par Model Alliance, une association à but non lucratif. L’article démarre par un chiffre qui glace le sang : 20 tops se seraient suicidées en 10 ans. Comme le rapporte l’auteur, le formatage au régime détruirait ces jeunes femmes pleine d’ambition : “un régime susceptible de créer des dégâts à long terme sur mon métabolisme. J’ai perdu 9 kilos en 7 semaines, passant d’une taille 36 à une taille 32 – une perte de poids importante, qui a terrifié ma famille et ravi mon agent.”, témoigne-t-elle. Rappelons aussi, que que la taille 34 est souvent une exigence  des designers eux-même, ne créant des vêtements que pour  une taille longiligne.

Alors à qui la faute ? Ce cercle vicieux pourra-t-il enfin se briser? Dans la lingerie on voit, contrairement aux défilés, de plus en plus de rondeurs s’exposer. Chez Victoria Secret même si le ventre plat est toujours de rigueur, les bonnets de différentes tailles, là ne gènent personne et les cuisses et fessiers rebondis non plus… Une marque de lingerie : Aerie a décidée de faire de la retouche son combat, et le fer de lance de sa campagne  publicitaire. Affichant un mannequin au petit ventre dodu.  

aerie-no-photoshop

Et vous, préférez-vous voir un mannequin à la taille incroyablement marquée (et donc retouchée) ou un ventre dodelinant en couverture des magazine? La retouche est-elle un frein dans l’évolution du rapport entre la mode et les femmes?

choco