En 1998,  Dana Internationale, transsexuelle israélienne remportait l’Eurovision en livrant une interprétation éloquente du titre Viva la Diva. Cette année, c’est Conchita Wurst qui monte sur la première marche du podium et voit sa victoire être perçue comme « message de tolérance ». Oui oui, en 2014. 

Né dans la petite ville de Gmunden dans les montagnes d’Autriche, Tom a aujourd’hui 25 ans et affirme avoir “traversé de mauvais moments et lutté contre des choses difficiles”. Bon, très bien. Quand il brille de confiance en interprétant Rise Like A Phoenix, on comprend alors que c’est son envie de devenir quelqu’un de meilleur qui s’exprime. Au delà des blâmes, par dessus la censure, laissant s’épanouir la noble désinvolture qui traverse ceux qui ont su s’assumer. C’est beau, c’est gay; mais inutile de s’enflammer : rien d’inédit là dedans.

Il faut savoir que si cette victoire a soulevé autant de vivats à la liberté, c’est que circulaient des pétitions pour empêcher la participation du jeune travesti autrichien en Russie, en Biélorussie et en Ukraine. Clairement,  les normes de genre se retrouvent transcendées haut et fort. Quand il gagne, c’est le bien-aimé parlement qui crie à la dérive. Dmitri Rogozine, vice-Premier ministre russe, affirme sur Twitter que le résultat de l’Eurovison “a donné un aperçu aux partisans de l’intégration européenne de ce qui les attend en rejoignant l’Europe, à savoir une fille à barbe.” Bien que brièvement drôles, ces réactions se portent clairement parole d’une homophobie affirmée. Tranquille, quoi.

 

 

Seulement voilà. Dans un portrait que lui a récemment consacré la presse autrichienne, c’est bien Tom, et pas Conchita, qui pose avec son compagnon ainsi qu’ avec ses parents fiers et souriants – portant leurs traditionnels costumes autrichiens pour l’occasion. Ici, les consensus hostiles d’une Europe de l’Est peu encline à l’extravagance paraissent oubliés. « Je ne veux pas être une femme » surprend-il d’ailleurs. « Etre une queen, c’est juste mon boulot ».  Pas de quoi se mettre dans un état pareil, Monsieur Rogozine.

Derrière sa turpitude de kitsch et de paillettes, l’Eurovision est un événement politique, et bien sûr, le cru 2014 ne fait pas exception. Mais pourquoi laisser la société et les médias parler de tolérance face à un costume de scène ? Perruque proéminente, pastiche et robe princière : à la manière d’un simple artiste, Tom se déguise avant de réaliser sa performance. Inutile d’ajouter que le fait qu’il soit homosexuel est indépendant de son apparence physique, il est pourtant étonnant de constater une telle assimilation médiatique. Si ce n’est pas la transsexualité qui dérange mais bien la confusion des genres que provoque le port d’une barbe en acrylique, et bien l’heure est à la décompression. Pourquoi crier à la perte de l’humanité face au glamour d’un costume que Tom lui-même ne porte que sur scène? Oui, l’Europe serait subitement devenue réfractaire à l’art. On ne voit rien d’autre…