Du punk rock des 70’s au gangsta rap des 90’s, sans oublier la pop, la musique électronique ou même la folk ; du dos aux bras puis des jambes au visage, plus le temps passe et plus la peau de nos artistes préférés se noircit à l’encre de dessins, de prières, de paroles de chansons, de vagues idées ou de mantras primordiaux. Eminem, Amy Winehouse, Pete Doherty, Johnny Hallyday ou Beth Ditto, mais avant eux Winston Chuchill, Franklin D. Roosevelt, et même Ötzi l’homme des glaces. Pourquoi le tatouage ne semble plus souffrir d’aucune frontière ?

ENDLESS TATTOO

Le tatouage est un art (n’en déplaise à certains) pratiqué depuis plusieurs milliers d’années, et ce dans le monde entier. Réalisé à ses débuts pour des raisons exclusivement symboliques ou religieuses – Ötzi, un homme des glaces mort en Eurasie en 3500 av. JC arborait des tatouages qu’on pense aujourd’hui qu’ils eurent été d’une quelconque utilité thérapeutique. Banni au VIIIème siècle par le pape Adrien et l’influence judéo-chrétienne qui s’étend de l’Europe vers le monde, ce n’est qu’en 1770 qu’un certain James Cook, de retour de ses explorations dans le Pacifique Sud, ne remette le tatouage au goût du jour. Privilégié par les filles de joie ou les marins de passage (qui se tatouaient un crucifix dans le dos afin d’échapper aux flagellations, défigurer une image pieuse étant considéré comme un crime) il aura fallu que des personnages influents sautent le pas afin qu’en peu de temps, le simple désir esthétique de se tatouer ne conquière la planète entière en quelques décennies.

Frederic IX, roi du Danemark
(Frederic IX, roi du Danemark)

L’épée sur la poitrine du tsar russe Nicolas II, les tatouages des rois britanniques Édouard VII et George V, le dragon chinois du roi du Danemark Frédéric IX, la tête de mort sur le torse de Staline, l’ancre sur le bras gauche de Winston Churchill ou les armes de famille du président américain Franklin Delano Roosevelt. À partir de la fin du xxe siècle, le tatouage se popularise de manière globale et de plus en plus de personnes se font tatouer, à l’image des figures politiques susmentionnées puis par la suite, des stars du sport, de la musique et du cinéma, qui arborent publiquement leurs tatouages.

TATTOO IS NOT A CRIME

Dans les années 90, les rockeurs jouent à se déchirer le statut de groupe le plus tatoué du circuit, les tatoueurs et les tatoués rivalisent de créativité et la phrase la plus prononcée auprès des 15-18 ans qui ont décidé de se tatouer aura été jusqu’il y a peu : “Comment comptes-tu trouver du travail désormais ?

Le tatouage n’a pas une bonne image et trouve son compte chez les populations marginales, musicales et carcérales telles que bikers, rockeurs et punks, essentiellement dans un but de rébellion voire de protestation. Mais les tatouages artistiques creusent leur sillon et les boutiques se multiplient rapidement, passant de 15 en France au début des années 80 à plus de 2000 aujourd’hui. La musique, autre forme d’art, n’en attendait pas moins en vue de lier étroitement une partie d’elle-même au destin multiple du tatouage. C’est donc tout naturellement que les encrages en référence à la musique prolifèrent ailleurs que sur la scène rock. Les rappeurs américains des années 90, certes habitués aux allers-retours en prison, s’en retrouvent finalement eux aussi couverts.

rihanna tatouage
(Tatouage au pied de Rihanna réalisé en 2006)

Des années plus tard, Rihanna lance la mode des notes de musique tatouées, avec sa clé de sol et sa croche noire sur le pied. Les noms de groupe de rock, de DJs, de mannequins, d’équipes de sport parfois, se retrouvent sur les bras, les jambes et les cous de nombreux fans… voire même sur leur front à l’image du magnifique DrakeTattooGate qui a fait le tour des réseaux sociaux il y a quelques années.

TATTOO EVERYWHERE, TATTOO EVERYONE

Drake Tatouage
(Le tatouage, réalisé dans un salon de Los Angeles, qui a rendu furieux Drake lui-même)

Nate Siggard, un tatoueur basé à Los Angeles en Californie, a même réussi à lier les deux pratiques dans leur essence. À l’image des QR codes qui se démocratisent également, cet artiste espère une contagion, américaine pour le moment, de son tout nouveau concept qu’il s’est empressé de breveter : un tatouage qui renfermerait un message vocal, ou une chanson, lisible au moyen d’une application pour smartphone. Musique et tatouage n’auront jamais autant été liés, le groupe belge Tat2noisact et ses membres ne diront pas le contraire, eux qui jouent leurs chansons tout en se tatouant.

Explication simpliste mais néanmoins correcte du phénomène : pourquoi le tatouage ne semble t-il plus souffrir d’un clivage au sein de la musique ? Parce que le tatouage, singulier pour rien au monde, aura finalement toujours été étroitement lié à un autre domaine, qu’il soit religieux, médical, punitif, ornemental, initiatique, d’appartenance, preuve d’amour comme de bêtise. Il aura été obligatoire, puis interdit, puis underground avant de devenir planétaire, la faute aux pop-stars bariolées de tatouages s’exposant en une de Vogue ou au fil de stories Instagram et et de filtres Snapchat, comme une manière d’hurler à la face du monde leur amour de leur corps, de leurs idoles… et de leurs tatouages.