On avait pas vu de tel consensus médiatique depuis un moment. De Noisey aux Inrocks en passant par Libération, Villa Shweppes, le Huffington Post, France Culture, The Drone, Greenroom (la liste est longue), tous s’accordent à dire que Rendez-vous, ça défonce. Du fond de leur cave de Bastille qui leur sert de studio d’enregistrement, le quatuor formé par Simon Dubourg, Francis Mallari, Elliot Berthault et Maxime Gendre secouent l’hexagone de leur cold-wave rageuse teinté d’un romantisme sombre. Après un premier EP sorti en novembre 2014 et une flopée de clips tous plus hallucinants les uns que les autres (“The Others”, “Donna”, “Distance”), le groupe parisien sort aujourd’hui leur second EP ‘Distance’ sur le label italien Avant!. Non loin du skatepark quai de Jemmapes dont ils connaissent très certainement les moindre centimètres, nous avons rencontré Rendez-Vous dans l’appartement de Simon, le guitariste du groupe.

Parlez-nous un peu de ce 2e EP, quand-est ce que vous avez commencé à l’enregistrer ?

Elliot : On a commencé à le composer il y a à peu près un an et demi, un peu avant que le premier EP sorte. En général quand on fait du son, on fait le gros du travail dans notre studio où on compose en même temps qu’on enregistre, on ne ré-enregistre rien par dessus à part certaines pistes comme les guitares ou les voix. On a fini de le composer il y a 6 mois environ

Vous ne vous êtes pas du tout aidés de personnes extérieurs au groupe ?

Francis : Pour la guitare et la basse, on est allé enregistrer en banlieue dans le studio de Maxime Smadja
Elliot: Pour finaliser les prods, on voulait enregistrer avec un peu plus de moyen que ce qu’on avait dans notre studio. Au final ce qui était cool, c’était de mélanger ce qu’ on avait dans notre coin et d’additionner ça avec ce qu’on avait enregistré avec Maxime. C’est le mélange des deux qui créé un truc intéressant pour nous.

D’ailleurs, qui fait quoi ? Qui écrit ? Qui compose ?

Elliot: Francis écrit les paroles et après on compose à peu près tous ensemble. Il y a des morceaux où Max va plus composer que les autres mais globalement on essaye de le faire ensemble. Pour l’aspect prod’ du truc, c’est plus Max et moi, pour tout ce qui est drum, arrangements, effets, tout les détails…
Maxime : Ca se passe par couches successives en fait, on part d’une petite idée qui commence avec une basse et une guitare qu’on fait à un ou deux, et après chacun va amener ses idées, on va structurer ensemble. Assez vite Francis va mettre des voix dessus, ce qui va donner un fil conducteur au morceau. On est pas tout les quatre et hop le morceau sort comme ça, on fonctionne par strates.

Quelles sont les principales différences entre le 1er et le 2nd EP ?

Elliot : La façon dont on l’a envisagé et composé. Le premier, c’était le résultat de deux ans de morceaux, d’essais, de trucs qu’on a repris. A l’époque on avait peut-être entre 20 et 30 titres.
Francis : Et celui-ci, on l’a plus construit comme un projet d’EP dans sa globalité. On a voulu emmener des tracks sur certains terrains et faire évoluer l’EP comme ça, avec des influences et des ambiances différentes. Mais il est vraiment conçu comme un projet dans sa totalité.
Maxime : Et il y a beaucoup plus cette idée d’unité de temps, on est content de faire un truc comme ça, c’est le premier qu’on envisage de cette manière là.

Dans une interview pour Mowno vous avez parler du film Donnie Darko pour décrire votre univers, pour les néophytes qui n’ont pas vu le film comme moi, vous pouvez nous l’expliquer ?

Elliot : C’était plus pour le premier EP mais c’est vrai qu’il y a encore un peu de ça. C’est un film qui nous a beaucoup influencé avec cette espèce d’Amérique mélancolique, assez nineties, avec une imagerie un peu campus, teenage…
Simon : Il y a quelque chose d’assez intéressant dans ce film, c’est qu’on ne sait jamais trop si ça se passe dans les années 90 ou les années 80, rien qu’avec la bande-son. Et tu te perds comme ça, il y a un côté un peu intemporel. Et c’est quelque chose qu’on aime dans la musique, ce mélange de référence.
Francis : il pourrait même être actuel ce film

Et sinon, de quoi vous vous inspirez ?

Elliot : Je sais pas trop, c’est assez spontané en fait, on conceptualise pas vraiment la chose
Maxime : Après, on est assez influencé par le cinéma, l’image, l’art en général
Simon : Un visuel peut donner lieu à une idée ou une inspiration
Francis : On est très attaché au romantisme noir parce exemple en ce qui concerne l’art
Elliot : Et même à l’imagerie totalitaire, il y a des trucs qui nous touche vachement dans l’esthétique.

Et au niveau des influences musicales ?

Elliot : On a tous des goûts assez marqués, mais on aime tous les trucs assez dansants en général, que ce soit la techno ou la cold-wave, le post-punk, des trucs assez énergiques. Quand on fait du son, on cherche à faire ce qu’on aimerait bien entendre en fait. C’est assez simple comme démarche au final.

Votre musique est assez brute, mais finalement j’ai l’impression qu’il y a aussi quelque chose de très  romantique

Elliot: Complètement
Francis : c’est pas romantique dans le sens premier du terme, on est dans l’aspect mélancolique du romantisme, il y a quelques chose qui nous touche là dedans, dès que ça devient un peu existentiel, dans la tragédie … on se retrouve vachement dans ce romantisme noir.
Simon : Quelque chose d’un peu désabusé aussi, et plus le temps va passer, plus ça va être comme ça je pense (rires) Même dans le nom finalement, c’est un truc assez fleur bleue si tu connais pas le groupe. On aime bien ce décalage avec notre musique qui est beaucoup plus sombre que ce à quoi tu peux t’attendre.

D’ailleurs, comment ça vous est venu « Rendez-vous » ?

Simon : C’est sûr qu’il y a un côté un peu naïf dans ce ce nom
Elliot : Il y a un côté à la Taxi Girl qu’on trouvait marrant
Simon : Il y a cette idée de prendre un terme à la base très connoté, et du coup on créé un décalage avec le son, et aussi ce côté assez tranché, c’est très identifiable. Quand tu cherches un nom, tu as envie qu’il sorte du lot. Rendez-vous ça matchait bien avec tout ça.

Il faut qu’on parle de vos clips. Comment vous trouvez les images ? Qui fait le montage ?

Elliot : En général c’est Francis qui fait le montage et on trouve les images juste en diggant sur internet, on a des favoris youtube où on y met un peu tout ce qui nous interpelle. Par moment on les ressort en se disant que ça pourrait être intéressant de mettre ces images sur ce morceau. C’est vraiment issu d’un amas de trucs qu’on collectionne sur internet et qu’on ressort quand on cherche des images qui pourraient coller avec un morceau.

Vous allez continuer sur le même principe pour les suivants ?

Elliot : Je ne pense pas, c’est plus une question de moyens. Même si on aime bien contrôler un peu tout au niveau de l’image, on a envie de travailler avec quelqu’un. On a tous envie de le faire mais ce sera difficile de déléguer, il n’y a rien de concret pour l’instant.

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L’image, c’est quelque chose que vous travaillez ?

Elliot : C’est travaillé quand même, c’est quelque chose de réfléchi, il y a des esthétiques qui nous touchent vraiment
Simon : C’est quelque chose qu’on aime bien et on ne conçoit pas le groupe que par la musique. C’est un truc total. On a un logo qui marque par exemple.

D’ailleurs, d’où vient votre logo ?

Elliot : C’est un truc qu’on a détourné. Ça vient d’un bouquin sur le nucléaire ou sur l’électricité, et un de mes potes qui habite à New-York et qui est dans ce genre de visuel très minimaliste l’a redessiné comme on le voulait
Simon : Juste, on est pas dans l’idée d’avoir un logo pour le groupe tout le temps, c’est pas comme une marque, on se sert de cette image là mais ce ne sera pas toujours notre logo. On se laisse assez de liberté là dessus, ce n’est pas comme une image de marque, on pourra changer. Ce n’est pas comme le hard-rock où il y a un logo par groupe qui est partout.

Vous êtes super potes avec Clara 3000, elle joue à votre release d’ailleurs et elle vous avez invité sur Rinse FM. Comment vous êtes vous rencontrés ?

Elliot : C’est ma plus vieille pote quasiment, ça fait 10 ans qu’on se connaît et on est devenu meilleur pote assez vite. On traînait toujours dans les même clubs quand on avait 15-16ans, on était les deux bébés. Tout les DJ sets qu’on kiffait, on y allait et à un moment, comme on était toujours les deux plus jeunes, on a commencé à être pote. Et c’est resté.

Ca vous arrive de vous demander conseils sur vos travaux respectifs ?

Elliot : Bien sûr, on se fait beaucoup écouter nos morceaux mais ça reste vraiment amical, on intervient pas dans la musique de l’autre. On est deux entités assez éloignées. Je l’aide sur certains trucs et inversement, c’est plus une question d’avis qu’autre chose.

Du coup, c’est grâce à elle que Pierre Ange Carlotti a fait vos photos ?

Elliot : C’est aussi mon meilleur pote. En fait, tout ça c’est le même crew. C’est plus lié à moi qu’au groupe mais Pierre-Ange et Clara, ce sont mes deux meilleurs potes. C’était évident de lui demander de faire nos photos

Et vos mères, elles en pensent quoi de ce que vous faites ? 

Elliot : (rires) C’est différent pour nous tous
Francis : Je pense que la mienne veut que j’arrête tout
Maxime : Elle est un peu fière quand même, des fois elle met des trucs sur facebook
Francis : elle me dit quand même « oui c’est pas la sécurité »
Simon : Elle met des commentaires assez mignons parfois, ça se voit qu’elle suit ce qu’on fait et qu’elle est contente quand ça marche (rires)

Vous avez pas mal tourné depuis 2013, notamment en Europe. Vous êtes quel genre de mecs en tournée ? Plutôt une tisane et au lit ou teuf toute la nuit ?

Simon : Un soir sur deux
Maxime : Nan nan, c’est la teuf
Francis: On est comme tout le monde je pense, on aime bien faire la teuf mais faut pas tourner trop longtemps parce qu’après t’es fatigué quoi (rires)

Racontez-nous le truc le plus fou qu’il vous est arrivé en tournée ?

Francis : Une fois, on était à Berlin, le promotteur de Maastricht nous avait suivi parce qu’il connaissait tout le monde apparemment. Il nous a emmené faire la teuf chez un mec complètement taré.
Maxime : Ce qui était marrant c’est qu’il avait une déco absolument affolante, le mec confectionnait ses propres armes
Elliot : on a pu tirer chez lui c’était marrant
Maxime : son interieur était hyper flippant parce qu’il y avait des armes partout, alors que le mec était juste trop gentil, c’était un ours le gars
Elliot : il avait une gueule flippante mais il était pas du tout agressif

Si on se balade dans votre iTunes aujourd’hui, on trouve quoi ?

Elliot : Plein de trucs assez différents, il y aura beaucoup de post-punk, de cold-wave, de synth-wave mais aussi de la techno ou des trucs nineties, du shoegaze. Vraiment de tout, ça peut être des musiques de films, du classique, c’est très large.

Vous avez l’impression d’être d’une autre époque ?

Elliot : Vraiment pas, on vit dans ce monde là. On a des influences qui viennent du passé mais on est pas nostalgique d’une époque.
Simon : C’est peut-être perso mais il y a plein de mouvement musicaux qu’on voit en ce moment qui nous touchent absolument pas. Quand tu traînes sur les blogs il y a dix milliards de comptes soundcloud, il y a pas mal de styles actuels qui ne m’évoquent pas grand chose
Maxime : Ah bon, t’écoutes pas de sea-punk (rires)
Simon : Voilà tout ces trucs là liés à internet par exemple. Après il y a des trucs actuels qu’on kiffe hein, dans la techno par exemple

Au final, vous êtes toujours être ces même mecs qui kiffent faire du skate, jouer à la console et faire de la musique…

Francis : moi en tout cas oui
Simon : ouais ouais
Elliot : Carrément, même. Enfin moi je fais pas de skate mais oui
Maxime : il n’y a pas trop de raison que ça change en fait. On arrive à faire de la musique, on fait plein de concerts, c’est cool tu vois. On est plutôt dans une énergie qui nous pousse à rester comme ça.
Francis : Ça nous permet aussi de bouger partout entres potes, parfois j’ai l’impression qu’on est toujours les mêmes gamins quoi.
Simon : Perso mes activités ont pas bougé depuis 15 ans (rires)

Vous faites votre release party le 28 au bains douche. A quoi on peut s’attendre ?

Tous ensemble : Une grosse teuf !
Elliot : Ouais, un concert où on présente notre nouvel EP, mais aussi l’ancien. Ça va être une belle fête avec tout nos potes.

C’est quoi la suite ?

Elliot : Tourner principalement. On commence un peu à essayer de faire des nouveaux morceaux mais rien de très concret pour l’instant. J’pense qu’on va essayer de faire un album.
Maxime : C’est la next step
Simon : On a envie de refaire des morceaux assez vite.

Rendez-Vous
Distance (EP)
(Avant!)

www.rendezvousrendezvous.com

Photo : Pierre-Ange Carlotti