Fort d’une programmation plus corrosive que la veille et après avoir semble-t-il régler les problèmes sonores, c’est à la tombée de la nuit que nous arrivons au Grand Halle de la Villette, temple de la musique indie le temps d’un weekend.

L’occasion de voir l’un des derniers phénomènes de la scène rap d’Atlanta se tester face au pointilleux public du Pitchfork : barbe bleu Rome Fortune. Malgré l’énergie folle déployée, le rappeur n’arrive pas à déchaîner les passions, ni son tube « One Time » produit par Four Tet (qu’on retrouvera plus tard ce soir là) ni « Dance », nouveau titre issu de son futur album n’arriveront à faire la différence, ses appels au public et ses danses cosmiques resteront sans réponse. La faute à une programmation hasardeuse qui le place à 18h devant une salle à moitié vide et un public encore froid pour seulement 30mn de live, un showman de cet acabit aurait mérité mieux.

Rome Fortune 030 ©vincent arbelet

Rome Fortune

C’est ensuite au tour de Health de tenter sa chance, le quatuor californien ne perd pas de temps et balance un rock agressif à réveiller les morts et tuer les épileptiques (le jeu de lumière en a peut-être rendu aveugle plus d’un). D’abord (très) énervé, le groupe a fait le pari d’un live decrescendo et laisse peu peu à place à des moments plus lancinants et mélodieux tout en restant dans leur veine de rock frénétique, atteint à son paroxysme à l’occasion de « Stonefist ». Une fois encore, on se demande pourquoi un groupe aussi fou se retrouve programmé à 18h40.

Douche froide mais tellement jouissive à l’arrivée du duo dano-canadien de Rhye emmené par Mike Milosh, c’est l’heure de la pause. En quelques notes à peine « 3 Days » transforme le Halle de la Villette en une énorme bulle d’amour, les couples s’enlacent, les célibataires cherchent un regard complice avec lequel partager ce moment. Le groupe déroulera sans accrocs les titres de leur album « Woman » dont les très applaudis « The Fall » et « Open ». On en ressort avec les jambes en coton et la tête pas bien accrochée aux épaules.

Rhye 051©vincent arbelet

Rhye

Le show de Kurt Vile sans grandes surprises sera l’occasion de jeter un œil aux différentes animations proposées autour de la salle : bar à vin, food truck, salle de jeu et d’arcade, pop-up store et espace vip. Pas le temps de trop tergiverser cependant, la salle est désormais presque pleine et il faut se presser de prendre position devant la scène qui accueillera Battles pour ne pas se retrouver reléguer à 30m de l’action. Le trio math-rock new-yorkais ne manque d’ailleurs pas ses retrouvailles avec le public parisien (après un passage mitigé lors de leur dernière venue à la Villette) ils ouvrent par « Ice Cream », le grand tube de leur second album, avant de laisser « La Da Di Da » leur dernier opus, exprimer tout son potentiel live. Grand moment. On reste particulièrement scotché sur la performance du batteur fou John Stanier. Les gouttes de sueurs sont désormais bien visibles sur le visage des festivaliers qui semblent de plus en plus lâcher prise au fil des concerts.

Battles 077 ©vincent arbelet

Battles

C’est maintenant l’heure de Thom Yorke et de ses Tomorrow’s Modern Boxes remplaçant numériquement Bjork dont la tournée a été annulée. Quoi qu’on en dise, le leader de Radiohead reste une légende, difficile de ne pas prendre partie devant un artiste aussi clivant. Venu présenter son album « The Eraser », il s’appuie sur l’aide d’une installation scénique composée de plusieurs écrans géants pour distiller son électronique mental derrière ses machines. Sans doute poussé par son envie de se dissocier de Radiohead en tant qu’artiste solo, l’homme se donne allégrement, n’hésitant pas danser ou se rapprocher du public. La mèche prend mais rien n’explose, dommage. Il ressortira tout de même sous les applaudissements appuyés d’un public majoritairement conquis.

Tom Yorke 103 © vincent arbelet

Thom Yorke

C’est Four Tet qui a été choisi pour conclure ce deuxième jour de festivités. Après plus de 15 ans de carrière, l’anglais Kieran Hebden sait ce qu’il fait et ça se voit. Seul derrière ses machines, il enchaîne les perles et les envolés électroniques tantôt expérimentales, tantôt clubbing, mais toujours avec précision et maîtrise.

Pas le temps de se remettre de ses émotions, la nuit se poursuit au Trabendo pour l’after party officiel du festival. Changement de salle et donc d’ambiance, on laisse le public un poil timide de la Villette pour celui clairement plus agité du Trabendo. Adepte de techno/house, il se laisse facilement emporter les yeux fermés (littéralement) par les sets d’Omar S, Galcher Lustwerk et le live d’Andre Bratten. Embarquée dans un tourbillon électronique, la soirée se poursuivra jusqu’au petit matin où après plus de 12h de concerts, lives et DJ Sets, lessivés, sur les rotules mais le sourire au coin des lèvres, il est enfin l’heure d’aller se reposer.

photo : Vincent Arbelet