Dans son clip “This is America”, Childish Gambino dépeint avec une violence suprenante l’Amérique qui instrumentalise à sa guise la culture noire devenue populaire, pour dissimuler un racisme des plus brutaux. Une incitation à rester conscient.

Sur une musique enjouée et légère où chantent des choeurs, un homme noir rentre dans le cadre et s’avance vers la guitare posée sur la chaise, au centre de l’image. Alors qu’il joue de l’instrument, Childish Gambino lui tire une balle dans la tête. Le beat change instantanément, se fait plus abrupt et l’on comprend que la peinture musicale paisible du début n’était qu’une façade.

Le clip de Childish Gambino — rappeur, acteur, humoriste et réalisateur de la série Atlanta — fait couler beaucoup d’encre. En effet, il évoque l’attitude de l’Amérique à l’égard de la communauté noire, largement représentée à travers l’industrie du divertissement — ses apports inonde la culture populaire dans la musique et la mode, par exemple —, mais non reconnue lorsqu’il s’agit du racisme. Un écho direct à un slogan souvent prononcé à ce sujet : “la culture noire est à la mode, mais les Noirs ne le sont toujours pas”. Selon plusieurs interprétations, le rappeur décrit ceci en incarnant la figure de Jim Crow — Noir souriant, docile et divertissant, lié à la ségrégation aux États-Unis. Son jeu presque schizophrène (digne d’un personnage de Get Out), oscille entre grimaces, pas de danse euphoriques et violence soudaine. Il tire aussi sur les choristes au milieu du clip, mentionnant les violences policières racistes et la polémique autour des armes à feu, mais surtout la tuerie de Charleston.

Ainsi, ce clip symbolise l’Amérique qui préfère mettre en avant des Afro-américains joyeux et amusants et tente de (leur) faire oublier les oppressions qu’ils subissent. En effet, au-delà du focus de la caméra occupée à filmer le rappeur et les danseurs, se dressent des scènes d’émeutes (des foules courent dans tous les sens au milieu de voitures brûlées; un homme se jette d’un balcon) reléguées à l’arrière-plan. À la fin, Childish Gambino épouvanté et les figurants fuient dans une course effrénée, loin de l’horreur de cette société américaine.