Thomas Azier est un artiste qui suit pleinement ses convictions. Il a fondé son propre label Hylas Records sur lequel il a sorti deux EP (Hylas 001 et Hylas 002). Il livrera, début 2014, un premier album très attendu. Erudit, il connaît la culture de Berlin comme personne. Il nous raconte ses excitants projets du moment.

– Raconte-nous tes débuts.
Je suis né en Hollande, dans une famille d’artistes. Mes parents sont sculpteurs. A l’âge de 19 ans, j’ai déménagé à Berlin et c’est aux alentours de cette époque que mon projet musical a commencé. J’ai décidé que je devais vraiment passer du temps à m’investir artistiquement pour avoir vraiment quelque chose à dire. Berlin est la ville parfaite pour ça car la vie n’est pas chère. J’ai donc fait parallèlement des petits boulots et j’ai aussi un peu écrit pour de petits artistes allemands. Je me suis peu à peu monté mon propre atelier.

– Comment étaient tes premières chansons ?
Très différents de celles d’aujourd’hui ! Je commençais tout juste à découvrir les synthés. Il y avait déjà des paroles, mais c’est amusant car elles étaient naïves et pleines d’espoir comme le jeune garçon que j’étais. Je me suis ensuite beaucoup endurci et j’ai un peu perdu mes illusions. La première chanson que j’ai vraiment écrite pour le projet s’appelait Hylas. Le nom vient d’une peinture qui m’a beaucoup marquée et m’a donné l’amour de la mythologie.

– Tu as ensuite monté ton propre label. Comment ça s’est fait ?
J’ai tout appris tout seul. Tout ce que je faisais était DIY. Personne n’était intéressé par mon projet à l’époque. J’ai ensuite sorti mes EP Hylas 001 et Hylas 002 qui ont eu reçu un bon accueil. Ainsi je possède bien plus de contrôle sur mes productions et je peux prendre le temps que je veux pour faire selon mes envies. Si ça ne tenait qu’à moi, je continuerais à sortir des EP régulièrement, mais les média ne s’y intéressent pas vraiment et donnent plus d’importance aux albums.

– D’ailleurs, tu parles souvent de tes projets comme une trilogie. Le prochain épisode est l’album ?
Oui, en effet. Il s’appellera tout simplement Hylas. C’est une collection de cinq années de travail, dont deux entièrement passées en studio. J’ai écrit cent-vingt chansons, puis j’en ai sélectionné uniquement dix qui figureront sur le disque. Il y aura principalement de nouveaux titres. Seuls quelques titres déjà sortis seront présents, comme Angelene ou Red Eyes. L’album sortira fin janvier / début février. Il est terminé depuis quelques temps. Si ça ne tenait qu’à moi, je le sortirais aujourd’hui !

– Où l’as-tu enregistré ?
Je l’ai enregistré dans une vieille usine soviétique nommée GDR à Berlin. C’était incroyable. Mon premier EP, je l’avais enregistré tout seul chez moi sur mon ordinateur. Pour le second EP et l’album, on a utilisé cette vieille usine, ce qui donnait un son beaucoup plus organique. On peut entendre les sonorités froides du béton, du métal et même des machines qui fonctionnaient à l’arrière. C’est le cas si vous écoutez attentivement mon dernier single Ghostcity.

– D’ailleurs, vous venez de faire un clip pour ce titre, non ?
En fait, il y a deux vidéos pour ce titre. D’abord une qui est déjà sortie, sur laquelle on peut voir mon visage en trois dimensions avec un effet lumineux. Ce sont des amis à moi qui l’ont réalisé. Ils ont une galerie underground nommée Leap à Alexanderplatz en plein centre de Berlin. Ils sont célèbres pour avoir réalisé une œuvre titrée « Sound Sculpture ». Cette œuvre est réalisée avec des Kinects, qui créent un modèle en trois dimensions de ton corps. Puis il est possible de rentrer virtuellement à l’intérieur de ce modèle. Mais on a surtout tourné un vrai clip fin août, il devrait sortir bientôt. Pour cette vidéo, on a fait venir des tas de gens du Berghain à Berlin. Je connais s’ailleurs bien le gardien du Berghain. Il s’appelle Mark Rice, il est photographe en fait. Son travail est superbe.
 
– Tu as beaucoup tourné avec Woodkid. Comment ça s’est passé ?
C’était extraordinaire. Il m’a introduit au public français dès le premier jour. Il semblait apprécier mon style, il m’a beaucoup poussé à me développer. C’est amusant, parce que je lui ai montré des démos  de mon travail, il a fait de même avec moi, et nos travaux étaient si semblables ! Il m’a présenté à pleins de gens du milieu, dont Guillaume de The Shoes. J’ai aussi d’ailleurs fait mes tout premiers pas à Paris à l’Olympia pendant un de leurs concerts. Ils m’ont demandé de jouer un morceau en plein milieu de leur set, la reprise The Forest de The Cure. C’était la première fois que je jouais devant tant de gens. J’avais l’habitude de jouer dans de tout petits clubs avant. Puis avec Woodkid, j’ai appris à jouer dans de grosses salles.

– D’ailleurs, une collaboration en vue avec Woodkid ?
Pas pour le moment, Yohan Lemoine est un mec tellement occupé. Il participe à des tas de projets en même temps, je ne sais même pas comment il fait !

– Quel souvenir gardes-tu de ton concert au Café de la Danse ?
C’était un show très spécial pour moi. J’avais pas mal de pression parce que c’était mon premier concert en tête d’affiche à Paris. En plus, je n’ai pas l’habitude de jouer dans des salles où les gens sont assis. Je suis plus habitué à jouer dans des clubs obscurs à des heures pas possibles.

– Peux-tu définir ton album en trois mots ?
Ville – Transformation – Isolation.

– Des films ?
Enter the Void de Gaspard Noé. Les films de Béla Tarr aussi, c’est un réalisateur hongrois qui tourne en noir et blanc. Son film Damnation m’a beaucoup marqué. On y voit des gens perdus dans une ville qui est un personnage à part entière.

– Es-tu intéressé par la mode ?
Oui, je porte surtout des vêtements d’amis venant d’Amsterdam. Ils font des trucs assez sombres. Leur marque s’appelle Evelon. Ils sont assez méconnus pour l’instant mais ils vont ouvrir une boutique à Paris je crois.

– Un show qui t’a marqué ?
Probablement l’aftershow que j’avais fait après le concert de Woodkid à Paris. C’était au Rex Club, j’aime bien ce genre de club. Il faisait noir, il était tard et ça a plutôt surpris les gens. Ils avaient l’air de se dire : « Mais c’est qui ce mec ! ».

– Des influences particulières ?
Oui, un groupe très obscur. Tu vas sur Google et tu tapes 18+. Fais gaffe, tu vas peut-être tomber sur des sites un peu osés ! (Rires) Mais si tu tapes 18+18+18+, tu vas te retrouver sur un Tumblr spécial. Cette musique est extra. C’est un duo de Los Angeles, ils sont frère et sœur. Mais on n’est pas vraiment sûr en fait s’ils ne sortent pas ensemble. C’est vraiment tordu !

– Tes plans pour le futur ?
Je vais à New-York en octobre. Je vais faire quelques shows là-bas et mixer un peu. Et pour tout vous dire, je pense déjà à mon prochain album. J’ai aussi joué pour Stromae pour son dernier disque. Maintenant je commence à écrire pour d’autres artistes, comme par exemple Under the Rythm Breaks, ils ne font pas encore parler d’eux, mais c’est un peu comme les nouveaux The Weeknd. J’attends avec impatience que mon premier album sorte au grand jour.

Propos recueillis par Benjamin-William Mauries