Le nouvel album est prévu pour le 27 janvier et dès lors durant tout le mois, celle qui se cache derrière ce nom de félidé, nous dévoile des mini-vidéos parcourant l’univers de cette conversation imaginaire et rêveuse, prise pour titre de l’album “Where is the queen,  who is asking, i can not tell, she’s gone, gone where?, just gone…” Mais pour nous, Maud-Elisa Mandeau est restée, le temps d’une interview pour nous parler du successeur de “Fill the Blank with your own emptiness” sortit en 2011 et des teasers vidéos balancés en sorte de compte à rebours avant la sortie de l’album…Et ça démarre aujourd’hui !

Tu peux nous raconter tes débuts? Comment passe-t-on d’un groupe de métal en Poitou-Charentes à cette indie pop autodidacte qui te mène aujourd’hui? 
J’ai démarré dans le groupe de mon frère quand j’avais 16 ans, j’ai remplacé la chanteuse qui sortait à l’époque avec le guitariste. Ils se sont séparés et j’avais forcé la main à mon frère pour devenir chanteuse sachant qu’en tant que grand frère il n’était pas vraiment ravi de voir sa petite soeur débarquer dans son groupe. Et là, je hurlais, je ne jouais pas d’instrument, et ça a duré un an ou deux, puis je me suis vite intéressée à la guitare en faisant mes premières compositions. J’ai eu ensuite un autre groupe pendant quatre ans avec mon frère et le batteur actuel du Prince Miiaou, c’est là où j’ai vraiment fais mes armes. J’en ai eu marre et je suis montée à Paris pour mes études et où j’ai commencé à bidouiller ma musique de A à Z. C’était moins frustrant que dans un groupe où tu es obligé de trouver un consensus pour que cela plaise à tout le monde.

Tu es donc totalement autodidacte?
Oui, je n’ai jamais pris de cours de chant, en fait je ne suis pas très patiente. J’aime pas passer par les bases rébarbatives pour aller vers ce que je pourrai mieux maîtriser. Donc dès le début je lache l’affaire. J’apprends plus lorsque je compose sur l’ordinateur, je m’amuse à faire 100 fois la même chose parce que je suis seule. Mon batteur lui vient du jazz et tous les musiciens qui m’entourent ont un très bon niveau, ce qui fait qu’avec eux et en live, j’apprends aussi forcément. Mais techniquement, j’apprends seule. Je suis pas très assidue, je m’en plains sur scène… mais ça va changer.

Comment se passe ce processus?
C’est-à-dire que quand je compose je prends la basse, le clavier, tous ces instruments autour de moi et à tour de rôle. Ce qui est bien avec les ordinateurs, c’est que l’on peut tricher ! Si à la batterie je n’arrive pas à tout faire en même temps, je fais d’abord la caisse claire puis la grosse caisse. On n’est pas obligé d’être bon partout. Je travaille plus la guitare, même si maintenant je fais de la basse sur scène. Tout reste simple. Je compose mais c’est pas la peine que ça soit trop compliqué non plus. Après, je commence suivant l’humeur du jour. Parfois je commence avec la guitare, et je me pose au clavier ensuite, je vais chercher des sons sur mon synthé et je vais créer des mélodies. Il y a des chansons que je commence comme ça et d’autre commence par la rythmique comme pour “Happy song”. Je ne travaille pas un squelette type guitare-voix, je commence par l’intro et après j’arrange le tout. C’est une structure chronologique. J’avance ainsi. D’habitude les gens font d’un bout à l’autre et après habillent ce squelette. Moi, j’avance progressivement. Je passe donc fréquemment d’un instrument à l’autre. Mes morceaux sont à la fois classique, car c’est plus simple pour les gens quand les morceaux ont une narration comme “Happy song”, avec couplet et refrains. D’autres comme “Ulrik”, sont vraiment des voyages sans structures ni refrains. Alt-J n’a pas vraiment de narration non plus, mais si c’est bien raconté c’est quelque chose qui marche ! Il y a quelques morceaux que je peux rater où ça n’est pas complètement évident, comme “Crystal Haze” ou c’est moins facile.  

Ce n’est pas plus dur à cadrer?
Dans mon premier album oui, car je me permettais des titres de 14 minutes, et puis au bout d’un moment, avec quatre albums j’arrive à savoir que ce n’est pas le mieux d’avoir trop d’idées et qu’il vaut mieux les développer chacune un peu plus longtemps. J’apprends à composer. C’est très libre mais avec l’expérience je ne pars pas dans tous les sens non plus.

© Emmanuelle Brisson

Quels efforts t’a demandé ce quatrième album “Where is the queen…?”
Il a été moins difficile à composer que le précédent. J’ai retrouvé un peu plus de plaisir et il n’y avait pas tant d’effort à part essayer de se renouveler même si c’était pas le but. Je ne comprends pas qu’on attende parfois d’un artiste qu’il se renouvelle,  je ne fais pas du ragga et si on s’attend à ça, il vaut mieux dans ce cas écouter Major Lazer ! J’ai essayé d’apporter des nouveautés, j’ai acheté un nouveau synthétiseur et je me suis mise à la batterie. Ce qui est très différent de mon son habituel. J’avais aussi envie de recentrer les émotions pour que cela soit plus neutre. Avant, ce que je faisais était soit très triste, soit joyeux, et un peu dans le cliché des deux. J’avais envie de quelque chose de plus classe qui pouvait être joyeusement mélancolique. Que ce ne soit pas aussi marqué.

© Emmanuelle Brisson

A quoi correspond ton univers?
Je suis tout de même plutôt quelqu’un d’un peu torturé et mon univers est vraiment personnel. Dans mes clips, et mes chansons sont des extensions de ma musique puisque je fais tout. Dans les paroles, ce n’est pas toujours personnel. Là étant dans une vie rangée et moins tumultueuse ce n’est pas toujours personnel. Souvent, j’écris quand je suis énervée ou dans la frustration. Etant moins énervée qu’avant il y a des histoire inventées. D’une chanson à l’autre, je change vraiment de thème, je parle aussi bien de l’ennui de vivre à la campagne que d’une relation compliquée ou d’une maison de disque qui m’énerve car je ne veux pas faire ce qu’ils m’ont  demandé. Bref ! Il y a un peu de tout aussi dans mes paroles.

L’album sort d’ailleurs en auto-production, pourquoi ce choix?
Mes deux premiers disques étaient également auto-produits, le troisième était en licence sur Troisième Bureau, donc avec une sortie un peu plus organisée par un label, et là il s’avère que les maisons de disque en France veulent des choses que je n’avais pas envie de faire, notamment du français ou des choses plus limpides dans les formats. De toute façon, je trouve qu’aujourd’hui, une maison de disque n’est pas une fin en soi. Cela me permet de faire exactement ce que je veux. 

Comment tu gères cela toi-même?
J’ai recruté une petite équipe, pour faire une sorte de label avec mon manager. J’ai le rôle de producteur, j’investis mais j’investis dans ma musique. Mais je suis la mieux placée pour parler de mon projet. On est comme un petit label. Il y a un chef de projet, un tourneur, etc. C’est un label…mais c’est le mien. Et si le disque a une bonne réception, je serai vraiment satisfaite de nous-même.

Tu attends beaucoup cette sortie d’album?
J’ai hâte de mesurer et sentir les retours du public et des médias. Il y a beaucoup de préparation, je suis un peu sous l’eau mais j’ai hâte ! Car pendant 1 an et demi,  on est coupé de tout ça. Quand j’ai sorti “Happy Song”, j’étais très nerveuse. J’ai envie de mesurer si cela va plaire ou pas. Même si je sais très bien que je ne suis pas Rihanna!

© Emmanuelle Brisson

 

Le visuels est important pour toi?
Je ne veux pas tomber dans quelque chose de trop marketé non plus. Je souhaite qu’il reste un peu de personnalité tout de même. Mais le visuel est important. C’est toujours des compromis. En clip, je m’améliore de plus en plus car je suis mieux entourée. J’ai d’ailleurs préparé 7 petits courts-métrages pour la sortie de l’album qui seront 7 teasers qui présenteront 7 morceaux de l’album sur le thème du titre : “Where is the queen…?”. Côté image, je n’ai pas non plus le budget de gens comme Woodkid. Il faut en avoir les moyens aussi, même si on a les bonnes idées. Les clips d’Alt-J, je les trouve incroyables comme ceux de St. Vincent aussi “Fever ray”, c’est des thèmes géniaux et hyper léchés. Le gros piège est d’essayer  d’y ressembler avec des scénarios plus creux ou sans la qualité de l’image. Il faut faire vachement de compromis avec un petit budget, et trouver des astuces, j’aime bien mais parfois les gens ne se rendent pas compte que je fais tout toute seule avec quelques bouts de ficelle…Alors que cela peut rajouter une petite plus value, un côté personnel et authentique.

Le titre est ironiquement compliqué. Il y a une petite histoire derrière?
Il faudrait que j’en invente une sinon tout le monde va être déçu…C’est le titre d’une morceau que j’ai composé en français mais qui n’est pas sur le disque, qui s’appelait “Where is the queen?”. Et quand on travaillait sur l’album, on l’appelait suivant ce titre car on ne savait pas comment l’appeler autrement en fait ! Quand je reflechissais à mon titre d’album, j’avais celui-là en tête et j’ai continué le dialogue pour moi-même : “Where is the queen, who is asking?” etc. et je me suis dis tiens, Fiona Apple qui faisait des titres d’album à rallonge, en même temps nu dialogue j’ai jamais trop vu cela…Donc ce n’est pas quelque chose de trop recherché, de toute façon je dirais jamais ce que c’est la reine pour moi car cela gâcherait tout ! Je dirais rien de plus pour que cela reste abstrait et gratuit. Mais l’idée était d’avoir un dialogue, les courts-métrage vont ainsi reprendre le dialogue dans des situations toutes différentes les unes des autres.

Comment s’est déroulé la réalisation de ces teasers?
Pour ces petites vidéos, je me suis mise dans le scénario mais aussi derrière la caméra. J’avais tout une équipe avec des gens motivés qui sortent d’écoles, mais c’est encore toujours un peu de la débrouille. Il y a une économie, mais c’est chouette et le dialogue est décliné de manière originale. Il fallait que je pense, dès le début, au rapport entre l’image et le morceau. Par exemple, il y a “Crystal Haze” qui se passe dans une église. Il fallait penser aux ambiances. J’avais envie de décliner un dialogue. Il y a de tout! Je me suis débrouillé avec tout ce que j’avais à disposition. Il y en a un avec une piscine en hiver, que je voulais absolument qui est en fait une piscine municipale de mon enfance. Comme je suis revenue dans ma ville d’enfance, j’ai emprunté le lieu gratuitement. C’est aussi des lieux que je fréquentais. Car si je commence à divaguer et à me demander ce que j’aimerai faire, j’aurai déjà des vues de New-York en hélicoptère que je n’ai pas les moyens de faire ! Je préfère me concentrer sur ce que j’ai a disposition, et voir ce que je peux en faire pour que cela soit joli. Cela me ressemble plus. C’est pas la hype le Prince Miiaou, c’est assez simple et pas très urbain.

Tu écoutais quoi durant la composition de cet album?
J’écoutais James Blake, Alt-J, Michael Jackson…mais j’écoute pas beaucoup de musique en général, c’est à peu près tout. Il y a moins de guitares comparé au précédent album et pourtant on me dit qu’il est plus rock. Mais c’est vrai que la rythmique a changé. C’est des rythmiques simples et rock, plus efficace. Avant je chiadais toujours mes batteries, et mon batteur était obligé de les réécrire sur partition. Là, j’ai tout enregistré à l’Iphone la batterie et après c’est stretché et bidouillé pour le son. C’était plus immédiat. Plus ça va et moins je compose avec ma souris, alors qu’avant j’adorais ça et j’y passais des heures. Maintenant, quand il faut que je fasse un morceau, que ce soit la basse ou le violoncelle, je préfère prendre l’instrument même quand je ne sais pas en jouer. J’ai envie de quelque chose de plus intuitif et concret. C’était vachement drôle de pouvoir jouer de la batterie.

En live tu vas t’y mettre?
Je joue déjà de la basse, mais la batterie je ne suis pas prête.C’est vraiment un objectif pour pouvoir au moins faire un morceau sur scène !

Tu as également rencontré pour les visuels de promotion de cet album Jean Charles de Castlebajac, tu peux nous raconter?
Aujourd’hui, je porte un très beau pull de Castelbajac. C’est un ami de mon manager que j’ai croisé par hasard. On a été présenté, comme je suis assez timide je ne lui ai pas trop parlé. Mais on lui a demandé s’il voulait prêter des vêtements pour une session photo que l’on faisait en province et il a accepté. Par un pur hasard, je me suis retrouvée à louer le château d’une cousine à lui qui s’appelle Béatrice de Castelbajac. Quand je suis arrivée là-bas, Béatrice avait appelé Jean-Charles et on s’est parlé pour se dire qu’on se verrait sûrement plus à Paris et voir s’il pouvait me trouver une tenue de scène. Car en fait la mode, je ne m’y connais pas et c’est pour ça qu’on a demandé une de ses tenues. J’aime bien ce qu’il fait et qu’il aide des artistes indé. Il y a longtemps, il avait même posté un de mes clips sur son facebook. J’étais étonnée ! C’est très confortable de travailler avec eux. Ils sont très ouverts et il donne sa chance à des projets montants, c’est important. Par contre, je ne me verrais pas avec les pièces les plus pop et extravagantes, mais ce que j’aime bien c’est que c’est à la fois complètement déluré et à la fois chic et classe avec des lignes épurées et structurées. Il arbore aussi des saga et tout est ensuite décliné comme une obsession. Il y a un véritable univers personnel. En ce moment, c’est beaucoup les formes et colorblock.  Comme je ne suis pas une modeuse, j’ai besoin qu’on puisse me mettre à disposition des showrooms pour me conseiller. La tenue de scène, elle est en pourparler et ce serait vraiment chouette. J’aimerai vraiment qu’il puisse faire en fonction des contraintes de la guitare par exemple, car je ne peux pas porter de talons et à la fois utiliser mon pédalier. La tenue de scène est indispensable ! Je n’ai vraiment jamais trouvé de tenue idéale. J’aimerai bien avoir le costume d’Albator en fait…mais sans la cape !

Propos Recueillis par : Tiphaine Deraison
Crédit Photo : Emmanuelle Brisson