On attrape de justesse la jolie Ebony Bones pour dresser son portrait. L’occasion fait le larron puisque la bristish à l’accent si attractif est en tournée française depuis dimanche (concert à la Maroquinerie). Cette panthère à la musique survoltée inspire un univers visuel puissant et diversifié. Immergée dès l’adolescence dans ces deux mondes, elle en ressort passionnée et passionnante.

La jeune femme s’épanche facilement sur son rapport entre ces deux univers transversaux et leurs rencontres parfois…complexes. Un père disquaire et une mère qui travaille pour Moschino ou Saint Laurent, donnent à la jeune Ebony Bones, une enfance entre Paris et Milan, et le disquaire de Brixton de son père. Un apprentissage qui la berce dans un univers onirique inspirant: « les show haute-couture cela ressemble au théâtre. Les costumes et décors sont comme la représentation d’un rêve », exprime-t-elle. Mais quand on lui demande son designer favori, Miss Bones, insuffle dans sa fashion attitude, un esprit soutenu. « Oh Gosh, il y en a tant que j’admire ! Mais un de mes préférés est Vivienne Westwood. J’aime sa perspective de la mode et de la société quand tu apprends cela, tu veux porter ses affaires pour soutenir sa pensée. Tu ne portes pas juste les vêtements, tu portes leurs idées. » raconte-t-elle.

Dans sa musique comme dans son esthétique, Ebony Bones recherche ce caractère qui s’accrochera à sa personnalité. Avec son premier album « Bones of Ebony », la chanteuse mêlant soul, punk et funk déverse sur le tendance pop un flot de nouveaux sons incisifs et extravaguant. Car elle est comme cela aussi, Ebony : « je suis une extravertie introvertie ! » S’exclame-t-elle avant de nous raconter sa passion pour le livre ayant inspiré le film « 12 years of slave » ou encore son envie de réaliser un jour, une bande son pour un show culturel. L’an dernier elle a sorti un second opus après quatre ans de travail. Et elle n’a pas chaumée : un voyage en Inde qui l’a transformé et permis d’enregistré des parties symphonique infiniment détaillées et surtout la nouveauté : son propre label « 1984 Records ».

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Compositrice, interprète et désormais productrice elle ne cache plus les diverses influences qui ont fait « Behold, a Pale Horse ». Des titres plus personnels et une esthétique qui fait la part belle au couleurs flashy et à l’influence disco-punk. Car Ebony, veut à tout prix éviter le piège de la redite tout en reflétant sa personnalité au travers de ce qu’elle porte… « Dans ma musique, ma première étape était vraiment haute en couleur, j’étais influencée par des gens comme Klaus Nomi. Ce dernier album est une évolution très différente. On a utilisé beaucoup de pièces signées Iris Van Herpen d’Amsterdam, avec la peinture en 3D ! ». Plus contrebalancée dans cette esthétique en ombres et lumières, la belle s’apparente, puissante et élancée, au cheval évoqué. Pourtant, à l’opposé de ce que l’on croirait, l’anglaise est loin d’être une shopping addict.

La voisine de classe d’Amy Winehouse est une enfant de Brixton aux roots caribéennes et à la punk attitude. Ses influences sont purement liées à sa ville : Londres, en plein génération post-Thatcher. « Quand tu es un adolescent et que tu es complètement fauché, tu regardes les fringues dans les magazines et tu rêves de les avoir. Tout est est une question de rêve et quand tu viens d’une société qui t’oppresse, parfois ton seul moyen de l’exprimer est de porter des vêtements. La mode pousse les gens a rêver et à aspirer à autre chose. C’est une illusion qui pousse à sortir le meilleur de soi. C’est puissant, je ne sais pas si les designers ont connaissance de tout ce pouvoir qu’ils peuvent avoir sur les gens…» analyse-t-elle.

Ce pouvoir, Ebony en fait un leitmotiv pour sa musique. Inspirée, cette artiste éduquée aux Public Enemy, Liquid Liquid, Nirvana ou encore Siouxsie and the Banshees. Grandie avec cette idée que la mode doit tenir un rôle dans la société. «  Vivienne Westwood et Malcolm Mclaren ont prouvé que la musique et la mode peuvent créer ensemble. » Dans les pas d’une rébellion punk puis grunge, Ebony voit dans ces mouvement une identité difficile de retrouver : « c’était un temps magique ! Maintenant j’ai l’impression que ces deux arts sont séparés. Peut-être que les artistes n’ont plus tant à dire, que l’identité de leur look est extirpée d’eux mêmes… »

Une façon de penser loin des purs produits marquetés. Bref ! Ebony est une fille du Londres Underground, par excellence et sa se voit et s’entend. Qui aurait jamais pu mixer autant d’énergie punk et une inventivité funk ? « Londres est un mix de différentes cultures, c’est dur de ne pas être inspiré par toutes ces identités. Je pense que si un artiste dit : « ok, mon son est punk et je veux juste des guitares » c’est trop prévisible. Un artiste comme Jack White, on peut sentir qu’il fait exactement ce qu’il veut quand il veut et qu’il ne suit pas une tendance, exactement comme le faisait Kurt Cobain !». 

Ebony accroche le regard par un style bien à elle, mais ne se laisse pas immerger. « J ‘ai joué au japon et tout le monde portait une coupe afro blonde comme moi ! Je me disais que ce passe-t-il ! J’aimerai juste inspirer les gens pour qu’ils se disent :« si Ebony Bones l’a fait je peux le faire », et qu’ils peuvent tout faire, par eux mêmes. » Car si son look accroche, sa vision aiguisée prend de l’engagement. Car la jeune productrice le dit sans complexe : « la raison pour laquelle j’ai produit mon album est que je ne voyais pas d’autres femmes être autorisées à produire leur musique ». Touchée par l’égalité homme-femme, dans la musique comme dans la mode elle s’indigne aussi du faible nombre de visage de couleur dans les défilés.

Féministe, Ebony ? « je suis plutôt humaniste » confie celle qui se méfie des étiquettes. Cette tête brûlée sait de quoi elle veut parler. Comme de ce qu’elle veut jouer, dévoilant juste une part de sensibilité. Car ces difficultés que connaissent les femmes dans l’industrie musicale, la productrice les a vécues par le passé : « il y a un gros déficit de production féminine dans la musique. Moi-même avec mon précédent label je sentais qu’il n’auraient jamais demandé les mêmes choses à un homme… ». Son père, mélomane, la prévient : «  tu dois te préparer, tu es une femme, de couleur, ce sera dur  ». Pourtant Ebony se pare d’un mental de fer : « j’ai appris que si on pouvait changer la pensée de juste 5% des gens que l’on touche, c’est déjà commencer une révolution. Je n’aime pas être « anti », cela ne signifie rien, il faut être pro ».Et quand on parle de l’image, elle rebondie : « quand la moitié du monde se fait dicter sa propre image par l’autre moitié de la population, c’est qu’il y a un problème non ? Une artiste comme blondie à l’époque, tu pouvais sentir que personne ne lui dictait quoi porter ! Alors qu’aujourd’hui tout le monde peut dire qu’il y a une vraie machine derrière tous ces artistes. Il faut dire à cette génération de femmes que l’on a pas besoin d’être nue pour être entendue. J’espère que cette tendance va bientôt changer». Un pied de nez à toutes les Miley et compagnie?Pour Ebony, l’artiste doit briser les tendances installées. Comme le duo français Kap Bambino dont elle parle fièvreusement. « Ils ont cette envie de crier à la révolte ! ». Ebony, rebelle ? Oui mais surtout artiste indépendante que l’on ne pourra pas duper. Qu’on se le dise.

En concert le 26 février à Nantes, le 27 à Saint-Ave, le 28 à Angers et le 1er mars à Rouen.

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