Oxmo Puccino, on ne le présente plus. Ce personnage indissociable du paysage musical français, comme s’il faisait partie de nous. Alors qu’Opéra Puccino, son premier album, a fêté ses 20 ans l’année dernière, La nuit du réveil, son dernier disque témoigne du souhait d’évoluer avec son temps. Si Oxmo se réinvente pendant la nuit, il ne se repose pas pour autant. On vous a déjà dit qu’il fallait se méfier de l’eau qui dort. À l’occasion de la deuxième édition de  Chivas the blend, on a rencontré celui qui n’a pas fini de marquer son époque.

 

À 5 ans,  qu’est ce que « l’enfant seul »  que tu étais voulait faire de sa vie?

À 5 ans je voulais aimer les jouets toute ma vie. Ils me donnaient tellement de plaisir, je voulais conserver cet amour parce que je pensais que seul les jouets pouvaient m’apporter autant de bonheur.

Dans ta musique, il y a beaucoup de belles notes de jazz notamment avec Erik Truffaz avec lequel tu as collaboré sur cet album, comment as tu découvert le jazz?

Y’a du jazz partout. C’est un genre musical que les gens pensent méconnaitre, qu’ils placent dans un coin qui n’a pas lieu d’être à cause de l’image que l’on se fait du jazz, mas il est partout, on ne s’en rend pas compte. La premiere fois que j’ai écouté du jazz ou plutôt la premiere fois que j’ai réalisé que j’écoutais du jazz, je savais que ça faisait partie de ma vie depuis toujours. Tout le monde a écouté du jazz du Louis Armstrong ou du Miles Davis pour ne citer qu’eux. Pour moi c’est quelque chose de naturel, je fais un lien direct entre la musique africaine, le blues, le jazz, le rock et le rap. C’est la même famille.

Tu as réussi à introduire une vibe très moderne sur ce disque, avec une dose d’égotrip, même de grime dans le titre « peuvent pas », d’où t’est venu l’inspiration pour cet album en terme de sonorités et de textes?

Je n’ai pas l’habitude de m’amuser sur les albums, d’habitude je prends ça très au sérieux, il faut un concept, que chaque morceau soit fidèle à la thématique… Sur cet album je me suis permis de m’amuser, ça donne des morceaux légers comme « La peau de l’ours » ou « Flèche épistolaire », qui sont agréables à écouter, sans forcement réfléchir. Nous sommes dans une époque où tout est à la vibe, d’habitude je garde ça pour les featurings, mais là je l’ai fait pour moi.

Après plus de 20 ans de carrière, on dit qu’à travers cet album tu as fait ton bilan. C’est le cas?

Non, l’album bilan, c’était y’a 2 ans, avec la réédition d’Opera Puccino (pour les 20 ans de l’album). Je n’ai pas fait de tournée pour prolonger l’anniversaire, parce que justement j’écris cette nouvelle page où je voulais faire un disque qui appartient à son temps. Je ne voulais pas d’un disque que l’on allait reconnaître dans 2 ou 5 ans, je voulait réaliser un disque qui s’inscrit dans le présent aujourd’hui.

Parmi les invités de ton album il y a Gaël Faye : comment l’as-tu rencontré et pourquoi cette collaboration ?

C’était il y une une dizaine d’années, suite à un retweet que j’avais fait de manière spontanée, parce qu’il faisait parti d’un groupe, Milk Coffee and Sugar. Le lendemain matin on s’est rencontré dans le métro, on a sympathisé tout de suite, c’est quelqu’un d’agréable, d’ouvert et de cultivé. C’est une anecdote que j’adore raconter.

Aujourd’hui, qui est l’ultime l’artiste avec lequel tu souhaites collaborer?

Il y en a beaucoup, j’apprécie les artistes sans forcement penser à collaborer avec eux, collaborer, c’est une aventure humaine puis artistique. Lorsque je decide de collaborer avec un artiste, c’est qu’un jour son parfum manque à l’univers que je suis entrain de construire et je l’appelle.

Oxmo Puccino par Samir Bouadla

 

Dans « Horizon sensuel » tu dis « Rallume la lune de miel dans un cocktail d’arc-en-ciel » quel est  selon toi le secret de la longévité d’un couple? Après avoir été parfois défaitiste ou réaliste (d’ailleurs je n’arrive pas à savoir) quand il s’agit d’amour, est-ce que parfois tu te prouves le contraire, l’amour est-il vraiment mort?

La raison. C’est que la raison soit toujours entre eux. Je pense qu’on ne choisit pas d’être en couple, on se retrouve en couple. C’est le destin, c’est comme ça que ça devait se passer quelque part. On se retrouve en couple pour des raisons qui souvent nous dépassent, mais qui nous regardent tous, c’est souvent vers la même fenêtre que l’on regarde. Quand je dis « L’amour est mort », je parle d’un monde froid, un monde où les relations sont tellement compliquées que l’on ne communique plus. C’est quelque chose que j’ai écrit en 2000 (j’étais déjà sur internet à cette époque) je m’étais fait une espèce de calcul. J’imaginais un monde comme celui d’aujourd’hui: malgré tous les outils que l’on a pour pouvoir cultiver l’amour, on ne fait que constater qu’il manque. Donc cette vision qui m’est apparue il y a 20 ans, elle se constate énormément avec la génération Z où il est tout à fait normal d’apprendre le sexe à travers le porno, de ne pas parler en direct, d’envoyer un texto…  À l’époque où j’ai écrit l’amour est mort, les gens n’avaient pas de téléphone, pour séduire il fallait aller en face ou écrire une lettre manuscrite, on prenait du temps. Depuis, c’est devenu plus froid, on se choisi sur catalogue, sur vidéo… Sur les sites de rencontre, on pense déjà à la prochaine rencontre, on y va surtout pour ne pas arrêter de rencontrer… C’est pour ça que je dis que l’amour est mort.

Et le secret d’une longue carrière?

Le travail et l’entourage. C’est tout.

Opera Puccino, L’amour est mort, La nuit du réveil… Tu as un univers très sombre, parfois quand j’écoute « le jour où tu partiras » ou « mourir 1000 fois », je me demande pourquoi l’on vit. Pourtant toi, dans « parce que la vie » tu dis « exister n’est pas drôle, mais ça en vaut la peine ». Qu’est ce qui te fait te lever chaque matin?

Le fait d’être debout. Juste ca, tous les matins je me lève j’ai pas trop mal, je pose le pied par terre, et je suis heureux, c’est deja un bon début, parce qu’il y a des matins où l’on ne se lève pas, il y a des gens qui ne se lèveront plus jamais de leurs vies.

On va bientôt t’entendre sur l’album Confessions de Philippe Katerine, il aborde des thèmes sérieux avec beaucoup de dérision, quel autre point commun avez vous?

Le décalage avec ce monde, malgré la contribution que l’on peut y apporter.

Dans je reviendrai pas, tu dis « J’reste le meilleur des derniers », qui sont les nouveaux artistes de la scène française que tu apprécies ?

Il y en a plein, Caballero et Jeanjass, Némir, Lefa, PLK, Vald , Heuss L’enfoiré… Je me rappelle des années 2000 où on ne pouvait pas citer autant de noms, donc là tout va bien.

Si tu devais avoir un dîner avec une célébrité décédée ou non, qui choisirais-tu ?

Là comme ça, je pense à Obama, on irait pêcher, rendez-vous à 6h du mat, au petit café du village et hop en bateau, en haute mer: “alors qu’est ce que tu racontes Barack?”

https://www.instagram.com/p/B4C_al9CasL/

On voit que tu adores les chapeaux, surtout les berets, quelle est la pièce fétiche de ton dressing?

C’est un costume qu’Agnès B a fait il y a quelques années, son tailleur ne voulait plus que je le mette parce qu’il n’est pas à la mode. Il est en un tissu noir profond et brillant, c’est un de mes costumes préférés, même s’il n’est pas très à la mode. La mode c’est toujours dépassé de tout façon, tout revient à la mode tôt ou tard.

Qu’est ce qu’il s’est passé entre Voix Lactée et La nuit du réveil?

Il s’est passé 4 ans, d’incroyables rencontres, une tournée avec Matthieu Chedid, la construction de cet album…

Quelle est ta dernière pensée avant de t’endormir?

Mon nouveau texte. Avant de dormir j’écris mentalement et une fois sur deux je parviens à m’en souvenir. C’est un moment magique, je suis totalement en flottement.